Seattle, Etats-Unis. C’est là où est née Kay, un 4 Octobre. L’automne était déjà là, comme on pouvait le voir par les feuilles des arbres qui jaunissaient, et le temps se rafraîchissait, avec la température qui baissait et le vent qui commençait déjà à souffler fort. Ce jour-là … Bon, on va pas faire dans la poésie, mais on va dire que la mère Sanders agonisait dans la salle d’accouchement.  Le père, lui, flippait à côté et était sur le point de s’évanouir de peur de perdre sa femme et leur enfant.
Heureusement au bout d’une dizaine d’heures l’enfer de l’accouchement et du « imitez le chien » se termina, et le couple put observer leur enfant avec attention. Un enfant qui hurlait, qui était rouge comme une tomate, à poil, avec du sang partout. Amour et tendresse.

La famille Sanders a toujours été une famille normale. Ils avaient une maison bien entretenue, les parents avaient tous les deux réussi leurs carrières. Ils entretenaient autant de bonnes relations avec leurs voisins et leurs collègues qu’il pouvait y avoir des bas également, comme des savons de leurs patrons ou le chien du voisin pouilleux qui est venu écraser les belles fleurs du jardin et « marquer son territoire » sur le pneu de la voiture. La seule chose pas normale en fait, c’est cette gosse qui est arrivée chez eux et qu’ils attendaient depuis longtemps.


Si on dit que la plupart des gosses sont lourds et chiants, qu'ils font tout le temps des conneries, et bah on peut dire que Kay suit très bien ce modèle. Elle fait même partie des sales mioches qui ont pas conscience d'à quel point leurs bêtises sont étrangement stupides et dangereux.
A la maternelle, tout comme à l'école primaire, Kay était classifiée dans les enfants à surveiller. Non, elle ne faisait pas pleurer ses camarades de classe. Oui, elle avait des amis. Mais si on devait la surveiller toutes les cinq secondes, c'est parce qu'elle risquait de faire un truc improbable. Ce genre de pensées qui devraient même pas fleurir dans l'esprit d'un enfant de quatre ans.

Dans un premier temps, elle faisait des choses bizarres mais qui sont fréquentes, comme dessiner sur les murs, ou couper ses cheveux par elle-même. Puis, au fil du temps, ça a un peu commencé à devenir du gros n'importe quoi. Comme dessiner des yeux sur ses paupières pour faire croire qu'en dormant assise, on penserait qu'elle a les yeux ouverts et qu'elle écoute. Ou bien peindre ses cheveux en rose ou blanc pour ressembler à ces stars du heavy métal que sa mère regardait de temps en temps. Au fait, c'est depuis qu'elle a expliqué que sa mère regardait du « hévi méta » que les maîtresses ont perdu foi en cet enfant.

Oh, bien sûr, n'imaginez pas que ses parents ont plusieurs fois tenté de raisonner leur fille en lui expliquant que ce n'est pas bien, qu'elle risquait de se faire mal : ce genre de discours longs et chiants que les mioches écoutent à moitié en regardant la télé allumée derrière eux. Evidemment, ça servait à rien. Leur fille était peut-être intelligente, elle avait comme la logique d'un autre monde quand il s'agissait de ses actes stupides.

Et Kay continuait ses bêtises, allant toujours plus loin. Même, en fin de primaire, si elle sortait tous les samedis de chez elle l'après-midi, c'était bien pour aller demander de l'argent à côté d'un SDF en tenant son petit bol, pour « se préparer à la vie future ». Une vision bien triste et glauque de la part d'une fillette de onze ans, qui elle même n'avait pas du tout conscience que c'était vachement déprimant.


Seule chose qui pouvait véritablement faire d'elle quelqu'un de vraiment normal, c'était Maximilian.  Son lointain cousin suisse. Un jour, soudainement, alors qu'elle avait neuf ans, il était arrivé chez elle. Au premier abord, elle avait peur de cet homme qui était un membre de sa famille. Ce qui n'est franchement pas surprenant : quelqu'un que vous n'avez encore jamais pu rencontrer, criblé de blessures et de cicatrices, débarquant chez vous, minuscule chose de moins de dix ans.

Mais on le sait tous, les enfants sont doués pour s'adapter et apprendre. Au fil du temps, Kay commença à parler à Maximilian, puis à l'apprécier, et finalement beaucoup l'aimer. A vrai dire, même si elle avait peur de ces innombrables cicatrices, elle s'en inquiétait beaucoup, et préférait rester auprès de son cousin pour veiller sur lui. C'est à partir de là aussi que la vie de Kay dérivait vers des choses plus surnaturelles.

Plus tard, les Sanders durent déménager. Leur premier déménagement. Ils devaient changer d'habitation pour se rapprocher d'une école à laquelle Maximilian devait se rendre, appelée la Heroe's SUP. Kay ne comprenait pas trop pourquoi son cousin devait partir dans un tel endroit avec un nom comme celui-ci, qui est assez étrange compte tenu du fait que ce n'était pas courant. D'après les dires de ses parents, il était quelqu'un de spécial. Rien de plus. Elle ne chercha donc pas à en savoir plus.


Le collège. L'âge rebelle, l'âge bête. La puberté. L'immaturité à l'état pur, ou même les blagues vaseuses de primaire comme les surnoms pourris – chez Kay, c'était tout ce qui était en rapport au fameux KFC – étaient considérés comme « trop de la balle » et où se foutre de la gueule des gens était un passe-temps favori.

Ce passage à l'âge adulte est toujours déstabilisant. Quelques-uns le passent sans problème, et d'autres beaucoup moins. Dit comme ça, ce sont ces derniers qui auront du mal à mûrir, mais en vérité, c'est l'inverse. L'adversité forge le caractère, après tout !
Kay faisait partie de ces nabots qui s'adaptaient pas. Fumer, prendre de la drogue, boire, ça commence tôt dans la nouvelle génération. On le sait tous suffisamment bien. Du point de vue de Kay, c'est carrément stupide de dépendre de choses pareilles. Peut-être un peu d'alcool, mais rien de plus. Ce qui lui semblait le plus con surtout c'était qu'ils disent « Oh, t'en fais pas ! » alors que ça se sentait très bien qu'ils étaient accrocs.
Pour cette raison, Kay fut particulièrement dégoûtée de la vie. Sa génération était plutôt mal foutue. Le pire c'est qu'elle serait mis dans le même sac quand on parle de celle-ci. Blasphème. C'était carrément fatiguant.
Cette fatigue au quotidien se transforma en désintérêt total puis en véritable flemme. Elle souriait toujours, oh oui. Fallait juste pas la chercher. Et comme elle considérait la moindre chose de ses camarades de classe comme une provocation, elle se renferma sur elle-même quand il s'agissait de l'un d'eux. Soit à sa manière, en développant ce côté cynique et susceptible, et paraissant totalement dénuée de toute sensibilité à leur souffrance – qui venait la plupart du temps d'eux-même.


Un jour, à ses 13 ans, alors que Kay s'apprêtait à rentrer chez elle après avoir terminé les cours, elle a vu un homme dans le parc par lequel elle passe tous les jours. Un homme endormi. Sur un banc. Tout seul. Enfin, si on considère que les volatiles qui attaquaient ses vêtements ne sont pas des personnes, ou ses animaux de compagnie. Naturellement, Kay était intriguée par ce monsieur – quel âge il avait d'ailleurs ? - étrange, qui remarquait même pas qu'on s'en prenait à lui.

Elle l'interpella alors. Il entendit pas. Elle utilisa alors sa fameuse technique de la claque sur le visage. Il s'est réveillé. Première chose qui médusait Kay, c'était ses yeux. Des yeux vairons. Tellement rare. Seconde chose, c'était le fait qu'il était réveillé, encore un peu dans les vappes, mais qu'il n'avait pas fait attention aux oiseaux qui continuaient de l'attaquer jusqu'à ce qu'il se redresse, où là ils battirent des ailes et s'envolèrent, laissant tomber quelques plumes sur la tête de l'endormi. Bizarre.

Kay agita sa main sous son nez. Visiblement, il était en mode veille. Ce mode veille cessa lorsqu'il commença à s'émerveiller. Il perdit rapidement de l'âge aux yeux de la collégienne qui crut voir un enfant de dix ans. « Je fous quoi ici sérieux? » qu'elle se demandait quand il l'observait, illuminé. Puis elle tenta de partir comme si de rien était, lâchant un « Bonne soirée, m'sieur » très rapide, mais celui-ci la suivit, toujours souriant, lui demandant si elle serait une fée. Une fée, oui. Comment pouvait-elle être une fée ? Elle n'avait pas de pouvoirs, voyons. C'est stupide. En tout cas, en sortant du parc, toujours suivie, elle fit volte-face et lui annonça :

« - Tu as raison. Je suis la grande fée Kay, et ma mission sur cette terre est d'empêcher le mal de faire surface. Malheureusement, jeune homme, il est temps pour moi de reprendre des forces. Cette journée a particulièrement été éprouvante, et toutes les autres fées retournent déjà chez elle. Il se fait tard. La justice doit se retirer quand il le faut, dit-elle d'un ton assuré et fier, avant de pointer du doigt le ciel : Regarde ! Tous mes confrères volent vers leurs foyers respectifs. »

Et profitant du fait que cet inconnu se retournait, elle prit ses jambes à son cou. Sans savoir qu'elle pouvait vraiment être considérée comme une fée.


Etrangement, peu de temps après que Kay eut atteint ses quatorze ans, des problèmes commencèrent à arriver dans son entourage. Par exemple, sa mère confondit les clés de la maison avec celles de la voiture. Ou son père s'aperçut qu'il y avait que le chiffre 9 sur tous les boutons de la télécommande alors qu'il voulait changer de chaîne. Ca arrivait également que le professeur se trompe de couleur de craie, ou que des élèves utilisent leur colle au lieu de leur gomme.
Même, à la sortie, un garçon avait même pris son paquet de cigarettes pour un paquet de mikados, mâchouillant alors le tabac avec dégoût lorsqu'il sortit de cet état de mal vue. Et à chaque fois, c'était lorsque Kay observait intensivement la scène. Lorsqu'elle était soupirante, qu'elle avait un coup de blues, ou qu'elle voulait du mal à ces jeunes mal élevés – même si elle même était en soit mal élevée. Cela se faisait de plus en plus fréquemment que ses parents se doutèrent que quelque chose n'allait pas, ou du moins qu'elle n'était pas nette. Après tout, son cousin suisse avait lui même des dons assez étranges, spéciaux, surnaturelles. Pourquoi pas elle non plus ? Ils font partie de la même famille.

Pour le savoir, ils employèrent une méthode assez directe : lui demander clairement de faire croire à son pauvre père que sa mère est habillée en femme hippie. Dans un premier temps, ça marchait pas.  Ils tentèrent de l'aider avec plusieurs moyens, mais rien n'y faisait, Kay ne modifiait rien. Puis un jour, alors que sa mère dû lui supplier de ranger son bureau, ce dernier devint propre en un clin d'oeil. Voyez la drôle de situation quand elle s'exclama et appela son chéri.
Evidemment, la gamine dû expliquer qu'elle savait depuis longtemps qu'elle avait un don, mais qu'elle voulait pas se faire embarquer dans des trucs louches et tester encore un peu. Les Sanders décidèrent donc de la mettre sous la tutelle de son cousin, Maximilian, afin qu'il lui apprenne les rudimentaires pour bien maîtriser son pouvoir assez particulier. Chose assez difficile, l'adolescente n'écoutant pas ce que son prof' supplémentaire lui enseignait. Il dû même la reprendre à plusieurs reprises, mais pas autant qu'il ne le devrait. Elle suivait certes pas, mais avait déjà une assez bonne maîtrise, encore certes maladroite, mais c'était déjà ça. Un an passa ...


Aujourd'hui, la petite peste a 15 ans. C'est l'heure d'entrer à la Heroe's SUP et montrer qu'être un super héros feignant, c'est possible.