Qui aurait cru qu'un jeune sans histoire serait un jour appelé à travailler pour le gouvernement Américain? Un belge en plus. Quelle idée insensée. Tellement insensée que personne ne pourrait s'en douter. Astucieux. Malin. Bien pensé. Seul un cerveau tordu aurait pu y penser. C'est vrai, qui pourrait suspecter ce gamin aux allures niaises et bon enfant? Il n'a même pas été préparé à être sur le terrain, il n'est qu'une marionnette, un valet dans un jeu de carte, un bouc émissaire. Il ne connait rien au monde, rien à la vie, il a été appelé parce qu'il était là au bon endroit, au bon moment. Simple touriste qui s'était perdu dans les rues. Proie facile. Il en avait trop entendu même s'il ne savait pas de quoi il s'agissait. Hop dans le sac. Pris dans le filet. Le poisson était prêt à être cuit. Tout ce que ce gamin voulait, était un hamburger. Les gros comme à la télévision. L'hamburger qui le faisait rêver depuis qu'il était arrivé dans ce pays. Il n'était censé être ici que quelques jours. Mais depuis quand était-il là? Un jour? Cinq jours? Un mois? Il n'avait pas la notion du temps. Il était dans une salle noire, la faim et la solitude le rendait de plus en plus fou. Il gueulait à plein poumons pour qu'on le laisse sortir. C'est une femme qui répondit à ses cris. Svelte. Jolie. Elle lui caressa le visage et lui dit simplement qu'il était mort aux yeux du monde.
Mort. Non. Il était bien vivant. Il se débattait. Il voulait crier au monde qu'il était bien vivant. Ce n'était pas possible.
Pourquoi moi? C'était difficile à admettre. Elle lâcha un soupir.
Léo Gillis était mort suite à une violente agression. Il avait 18 ans et était venu en Amérique avec son école, pour le voyage de fin d'étude. Difficile à admettre pour cet ado.
Tu t'appelleras Charlie.
Il ne savait pas s'il fallait rire ou pleurer. Il y avait trop d'informations en même temps.
Charlie.
Agent.
Gouvernement.
Pourquoi?! Il ne savait pas pourquoi c'était tombé sur lui. Ça aurait put être n'importe qui. Était-il le seul dans ce cas? Trop de questions sans réponse. Ça le rendait malade. Chaque jour, cette même femme lui rendait visite. Elle lui donnait plus d'informations, toujours plus. Et peu à peu il perdait son existence. Il ne savait plus déterminer le vrai du faux.
Pense à l'hamburger. Il se rappelait juste de ce pari débile. Celui qui trouverait la meilleure enseigne à hamburger de la ville gagnerait le pari. Ça lui avait valu la mort.
Tu garderas ta personnalité, Charlie.
Laissez-moi sortir. Quand allait-il pouvoir revoir la lumière du jour. Elle disait qu'il fallait être patient. Il n'avait jamais été patient. Ce n'était pas une vertu qu'il avait eue à sa naissance. Il ne se souvenait plus du visage de ses parents, ni même de ses amis. Il oubliait peu à peu. Depuis quelques temps, elle venait lui administrer quelques soins, enfin...elle lui plantait des seringues un peu partout dans le corps. Il ne se débattait plus. Une ombre dans la pénombre, c'était tout ce qu'il était. Depuis quand était-il là? Il l'ignorait totalement.
Tu es prêt, Charlie.
Il se mit debout. Perdu. Ébloui. Il avait oublié à quoi ressemblait la lumière.
Bonjour Charlie. Elle était là, pleine de lumière, cette femme. Elle le prit dans ses bras, comme une mère le ferait avec son propre enfant. Chaleureuse.
Tu es ma réussite. Il allait falloir encore un peu de temps pour l'habituer à nouveau à l'environnement extérieur. Il avait perdu toute trace de sa vie passée. Mais aucun de ses sens n'avaient été touchés. Aucune parcelle de personnalité n'avait été retirée. C'était un gars normal. Sans histoire.
Tu sais qui tu es?
Il avait oublié ces journées passées dans le noir, ces cris, cette peur, cette douleur. Les traitements administrés avaient fait effets. Une totale réussite. Son langage n'avait pas été atteint non plus. Ni ses valeurs. Ni ses manières. Il était réceptif à ce qu'on lui disait et aux entraînements qu'il subissait. De jour en jour, il retrouvait ses aptitudes physiques et celles-ci devenaient de jour en jour en meilleure. Le sujet était opérationnel et contre toute attente, il était porteur d'un don, chose qui n'avait pas encore été révélée plus tôt. Était-ce les sérums qui avaient entraîné ce don? L'avait-il toujours eu en lui depuis le premier jour? Était-il apparu suite à sa perte de lui-même et à son renouveau? Peu importait. Il avait un don et puis c'était tout. Il était encore meilleur que ce qu'elle avait pensé. Il était même prêt à être dans le programme supérieur.
Connais-tu les légendes?
Il haussa les épaules. La culture américaine n'était pas la sienne. Elle n'avait pas prévu ça dans le programme. Elle aurait dû y penser. Elle lui expliqua donc tout ce qu'il y avait à savoir sur ceux-ci.
Et donc? Elle lui tapota l'épaule dans un sourire et sortit de la salle. Il n'avait pas tout compris mais il laissa couler. Il comprendrait plus tard son rapport avec les légendes. Surement assez tôt.
C'est l'heure de sortir, Charlie
Le grand saut dans la foule était imminent. Il était temps pour Charlie d'entrer en contact avec le monde. Une expérience unique et la première depuis sa renaissance. C'était un grand moment. C'était le moment. Ils allaient enfin savoir si leur prouesse était en or. Il devait passer inaperçu dans la foule. Il devait être le commun des mortels. Il devait être l'infiltré le plus banal possible. Juste lui. Juste son caractère. Juste ce gamin innocent qu'elle avait pêché quelques années plus tôt. Il avait un rôle. Il devait le jouer à merveille. Il allait enfin faire ses preuves.
Tu es un super, Charlie
Il foula le seuil de ce grand bâtiment où il avait été recréé de toutes pièces. Les klaxons chantaient. L'air était grisâtre et nauséabond. C'était une journée comme une autre. Dans un premier temps, le garçon était réticent puis il y eut cette étincelle tout au fond de son être. Il fit un pas. Puis deux. Puis il avança dans la rue jusqu'à ce vendeur de hot-dog. Il lui fit un large sourire, renifla les mets et gratifia le bonhomme d'un "merci beaucoup", il donna une pièce et repartit en mangeant son chien chaud à la moutarde et au ketchup. Il regardait partout autour de lui, il prenait goût à se promener. Un touriste. Il avait de grands yeux émerveillés, ses oreilles traînaient partout. Puis il leva les yeux au ciel. C'est alors qu'il le vit. Il vit cet homme en train de tomber d'un immeuble. Le temps s'écoula plus lentement autour de lui, il se mit à courir.
To be a hero
Tout se passa extrêmement vite. Le silence. La joie. Le sauvetage. Le temps avait repris normalement. L'homme en pleurs était dans les bras de ce jeune homme aux bras frêles. Aucun des deux n'avaient vraiment compris. Une chose était sûre, cet homme avait la vie sauve grâce à ce gamin.
Charlie rentre maintenant. La voix de sa mère adoptive avait raisonné dans sa tête, l'oreillette marchait à merveille. Il déposa l'homme et courut aussi vite que possible dans son cocon. L'homme sauvé en parla aux journaux, aux gens autour de lui, la scène avait été filmée mais personne n'avait le visage de ce jeune homme en face. On voyait juste une partie de son visage. Un nouveau héro. Une légende? Un garçon qui passait par là? Personne ne savait vraiment. Il fit la une des journaux avec cette photo pas très nette.
Tu devais être banal
La dame tournait en rond autour de Charlie. Il avait la tête penchée et regardait le sol. Elle répétait les mêmes paroles dans un ordre différent avec des mots différents mais dans un sens comme dans l'autre ça voulait dire la même chose.
Tu devais être banal, juste banal. Une promenade c'était tout ce qu'on te demandait. Pas un sauvetage. C'est bien trop tôt Charlie. Beaucoup trop tôt. Puis elle s'arrêta net et le fixa, réfléchissant à cette situation. Elle devait tourner celle-ci à son avantage. Il fallait qu'elle réfléchisse. Son plan n'était pas tout à fait déroulé comme elle l'avait prévu mais c'était le genre de femme à avoir plus d'un tour dans son sac. Elle repensa alors à tous ces films sur les super héros.
Si tu veux sauver des vies mon coco, tu devras porter un masque. Elle sortit de la salle blanche et le laissa seul. Il s'en voulait mais il avait cette sensation de bien être à l'intérieur de lui. Il avait sauvé quelqu'un et il aimait ça.
Banalité et héroïsme
Lors de ces autres sorties, Charlie était vêtu normalement, le plus touriste possible. Mais sous ces tenues, il portait ce quelque chose d'unique. Un costume. Il pouvait devenir un super héros sur son envie, quand il voulait. Il n'avait besoin que d'enfiler un masque et de changer de tenue. Un peu comme superman. Lorsqu'on parlait de lui dans les journaux, personne n'aurait pu dire qui il était. C'était le plus petit des inconnus. Il n'avait aucune identité. Ni l'école des héros, ni les légendes n'auraient pu dire qui il était. Il n'était personne. Juste une carte maîtresse pour le gouvernement. Tout le monde parlait de lui comme étant un nouveau bienfaiteur dans la ville. Joie immense. La popularité de ce nouveau héros devenait immense. Elle gagnait du terrain sur ses premiers plans. Elle voyait de plus en plus grand. Clara Loyd construisait un empire autour de son chétif petit touriste. Et peu à peu elle sentait qu'elle allait approcher de près les légendes. Les infiltrer, c'est tout ce qu'elle voulait. Et son petit singe de laboratoire était sa clé vers cette victoire. Elle lui donna un nom. Un seul. Firefly. Le héros haut en couleur.
Les choses les plus grosses sont celles que l'on voit le moins.