Une plénitude, entière, confortable, rassurante. Quelque chose de plutôt mou, douillet.

Flash.

Une photo plutôt heureuse dans un joli album. Sur celle-ci, un homme. Sa chevelure, mi-longue est d'un blond presque blanc. Son sourire resplendissant éclaire toute la photo. Il tient dans sa main un petit paquet d'où s'échappe une petite touffe rose. La femme à ses côtés porte une chemise de nuit à pois. Elle semble fatiguée mais très heureuse. Ses cheveux sont roses un peu délavés et dans ses bras, un petit paquet. Tout comme celui de l'homme, une touffe en sort, d'un blanc irréaliste cette fois, ainsi qu'un petit bras tendu vers ce visage fatigué. La photographie est accompagnée d'un mot. Mais les deux petites filles, l'album sur les genoux, n'ont que faire de ces inscriptions incompréhensibles. Assises sur le canapé, calmement installées entre leur père et leur mère, les fillettes sont ravies de découvrir leur « moi-petit ».

Flash.

Il pleut aujourd'hui. La sensation de l'eau qui coule sur son imperméable sans jamais la mouiller fascine Charlie. Les gouttes sont grosses, mais peu nombreuses. La petite blonde et la fillette aux cheveux roses, main dans la main, sautent dans les flaques avec bonne humeur. La pluie est un vrai bonheur. La blondinette aimerais vraiment enlever sa capuche et même son manteau, mais papa et maman guettent non loin dans le jardin, plantant des fleurs dans les parterres. Alors Charlie oublie et joue avec les bestioles en tout genre que Rosace et elle débusquent un peu partout. Un escargot par-ci, une grenouille par là... Charlie aime vraiment les jours de pluie.

Flash.

Dessiner est l'un des passe-temps favoris de Charlie. Le dessin est encore plus réussi si papa mettait son livre audio de comptines préférées dans la petite radio colorée qui occupe leur chambre double, à Rosie (comme elle aime l'appeler) et elle. La fillette a déjà dessiné sur les murs, mais papa et maman se sont fâchés tout rouge et Charlie n'a plus recommencé. Elle a envie pourtant. Mais pour l'instant il faut se concentrer pour ne pas dépasser. Aujourd'hui, Charlie peut garder toute son attention pour elle puisque Rosie est à l'école et qu'elle doit rester à la maison. La blondinette n'aime pas spécialement avoir de la fièvre, mais elle dessine, alors tout va bien. Elle prend son crayon vert avec délicatesse, son préféré, celui fait en matière bizarre, tout lisse et plein de paillette. Sans savoir pourquoi, au bout de quelques minutes de dessin, Charlie se rend compte que ses mains sont bizarroïdes. Inquiète, son crayon toujours dans la main, elle se dirige vaillamment vers papa. Papa sursaute et se retourne vers elle, étonné. Après inspection, il semblerait que tout le corps de l'enfant soit vert, d'une matière lisse et légèrement grasse. Certains endroits semblent briller, comme pourvus de petites paillettes. Papa est inquiet, mais aussi un peu content ; Charlie le voit dans son œil. Et la petite fille n'a toujours pas lâché son crayon, oubliant totalement la présence de l'objet dans ses mains.
Puis maman revient, mais avec Rosace. Maman semble très en colère et Rosie a l'air un peu bizarre aussi. Alors Charlie laisse tomber son crayon et va câliner sa sœur. Tout est redevenu normal chez la blondinette.

Flash.

Charlie est cachée sous la couverture, avec Rosie. Elle a très très peur des formes noires qui bougent la nuit et aimerait demander à maman de venir fermer les volets, mais elle ne peut pas. Dans la pièce d'à côté, on entend des voix, très fortes, comme quand Rosie et elle ont fait des bêtises. Et pourtant, pourtant elles n'ont rien fait. Charlie ne sait pas quoi faire alors elle se musse contre sa sœur en attendant que les ombres disparaissent. En attendant que papa et maman se calment.

Flash.

Maman crie encore contre papa. Aujourd'hui elle a préparé toutes les affaires de Rosie et les a mises dans une boite puis dans la voiture. Charlie a peur. Quelque chose ne va pas. Alors elle tient très fort la main de sa sœur en lui promettant de l'aimer pour toujours.


Flash.

Un grand silence. La claque qui a volé avant celui-ci était bien méritée. Il arrive très rarement à Charlie et son père de se disputer. Mais trop c'est trop. La blondinette a quatorze ans maintenant, plus six, et elle s'estime assez grande pour faire les magasins seule ou passer du temps dehors sans avoir son père collé aux basques. Cependant Charlie se rend compte que ce n'est pas juste de l'accuser du départ de sa sœur, durant leur sixième année de vie. Le silence est suivi d'une étreinte. Une étreinte pleine de peine.

Flash.

Un grand silence. La claque qui a volé avant celui-ci était bien méritée. Ce crétin de Luke n'aurait jamais dû la tripoter comme ça. Charlie sait ce qu'il est : un Dom Juan. Il jette les filles les unes après les autres mais qu'il essaie, il se brûlera les ailes. Luke semble avoir compris. Il est tellement sonné qu'il la traite juste de bête de foire avant de partir, soutenu par un ami. Charlie ne s'est rendu compte de rien et se sent un peu penaude, le bois de son skate reluisant dans sa main de la même matière.

Flash.

Les sons reviennent, moins étouffés, plus directs. Le chant des oiseaux, l'odeur de la couette en plume, et le toucher des oreillers. Il doit être encore tôt mais une voix douce et grave parvient aux oreilles de Charlie. Elle lui promet monts et merveilles l'attendant dans la cuisine. L'adolescente ouvre les yeux. C'est un jour important aujourd'hui. Peut-être est-ce pour cela qu'elle a rêvé toute la nuit de souvenirs ancrés au fond d'elle-même ? Qui sait. La jeune fille se lève et part se doucher. S'habiller ensuite est un jeu d'enfant. Les cheveux encore mouillés, elle les noue en deux tresse qui, si pour l'instant les retient tous, en laissera dépasser beaucoup une fois secs. L'adolescente rejoint ensuite la personne la plus importante de sa vie : son père. Après un petit déjeuné  bien mouvementé et plein de bonne humeur, Charlie se fait déposer en voiture. Aujourd'hui est un jour spécial c'est vrai. Aujourd'hui Charlie va enfin pouvoir comprendre, et même apprendre à être elle-même dans cette grande académie