-Mes frères, mes soeurs. Aujourd'hui, deux des nôtres ont eu un enfant. Un futur disciple de Datu Mangayanon. Souhaitons à la bienvenue à Abd Allâh Diyaeddine.
-Bienvenue à toi, Abd Allâh Diyaeddine.
Abd Allâh aurait pu être un enfant comme les autres. Vivre avec des parents ordinaires. Sauf qu'il en fut autrement. Il naquit au sein d'une secte. Pas le meilleur environnement pour permettre à un enfant de grandir. Surtout dans une secte qui fait subir des... 'épreuves' pour s'assurer que ses disciples sont bien sous la protection de Datu Mangayanon. Bien sûr, ce n'est pas le genre de chose que l'on fait passer à un enfant. Normalement en tout cas... Mais reprenons dans l'ordre. Pendant les premières années de sa vie, tout se passe pour le mieux du monde. En même temps, quand on a deux ou trois ans, on n'est pas capable de comprendre tous les tenants et les aboutissents de ce qui nous entoure. Dès qu'il a l'âge requis, on apprend à Abd Allâh à lire à écrire, à compter. Et on lui inculqua les bases du culte de Datu Mangayanon. Autant vous le dire, il n'a jamais vu l'ombre d'une école. Ni même de compagnon de son âge. Un enfant seul, c'est tellement maléable. On peut lui faire croire en ce que l'on veut. Et lui en faire faire autant.
A l'âge de six ans, Abd Allâh est toujours aussi seul, mais peut lui importe. Pour lui, c'est quelque chose de normal de ne voir que sa famille. Il ignore même qu'un monde tout entier existe en dehors de la maison où il a vécu. Et même de sa 'famille', il ne voit pas grand monde. Ceux qui lui enseignent, et qui s'occupent de lui. Et de temps à autre le Patriarche. Le jour de son anniversaire, il vient lui rendre visite. Il est temps pour le jeune garçon de passer la première épreuve du culte de Datu Mangayanon. L'épreuve de la privation. Sans qu'on ne lui explique quoique ce soit, il est emmené dans les sous-sols. Ce lieu qui, d'ordinaire, lui est interdit. On le fait entrer dans une salle fermée par une lourde porte en bois. La pièce est vide. Il n'y a strictement rien à l'intérieur. Si ce n'est peut-être un rat ou deux qui counent entre deux pierres mal agencées du mur.
-C'est grâce à la privation que l'on se rend compte de l'importance des choses. Tu passeras une semaine seul ici. Sans rien, si ce n'est ces deux litres d'eau, et ce morceau de pain. Si tu survis, c'est que le grand Datu Mangayanon t'as jugé digne de continuer à relever ses épreuves.
Quand vous dites cela à un gamin de six ans, que voulez-vous qu'il fasse? On lui a appris à ne jamais désobéir à cet homme. Alors il ne désobéit pas. Il reste là, roulé en boule dans un des coins de la pièce. En serrant contre lui son morceau de pain et sa bouteille d'eau. Il ne veut pas que la vermine qui traîne dans la pièce puisse les lui voler. Pas à un seul moment il ne se demade si c'est normal. Pour lui, cela l'est. Il a confiance en Datu Mangayanon. Il sait qu'il va lui laisser la vie. Parce qu'il est juste. Et qu'il sait qu'Abd Allâh veut devenir l'un de ses disciples. Alors il ne s'inquiète pas. Ce n'est que le premier jour.
Deuxième jour, le petit garçon se sent vraiment seul. Habituellement, il a ses professeurs. Et il y a toujours de l'agitation autour de lui. Pas là. Il est tout seul. Seul les rats sont présents. Et ils sortent peu à peu de leur cachette pour venir lui renifler les pieds. Il a attaqué son morceau de pain. Un petit morceau. Il l'a découpé en sept morceaux. Pour être sûr d'en avoir un peu pour tous les jours. Même si ce n'est pas suffisant pour combler la faim qu'il a. Son  ventre commence déjà à lui faire comprendre qu'il n'a pas assez à manger. Mais il tient bon.
Cinquième jour. Abd Allâh n'a plus rien à manger. Un des rats lui a volé ce qui lui restait. Mais il ne désespère pas. Il n'a plus que trois jours à tenir. Et il lui reste encore au moins un demi-litre d'eau. Il pense pouvoir tenir. Même s'il a faim. Et froid. Il n'est pas assez couvert. Et le sol en pierre est froid    et humide.
Septième jour. C'est la fin. Abd Allâh est malade. Il a froid. Il a faim. Il a soif. Mais il tient bon. Sa volonté. C'est bien la dernière chose qui lui reste. Alors il s'y accroche. Il commence a comprendre ce que le Patiarche voulait dire. Croit-il. Si sa volonté est inébranlable, c'est grâce à son Dieu. Il sait qu'il le met à l'épreuve. Qu'il veut le tester. Alors le jeune garçon fait tout pour en être digne. Au matin du huitième jour, la porte s'ouvre. Il sourit. Il sait qu'il a réussi. Et sa fièvre le fait tomber dans les pommes. Pendant plusieurs jours, il va rester inconscient, à vaciller entre vie et mort. Un tel régime n'est pas bon pour un garçon de six ans. Mais finalement, il s'en sort. Et tout le monde loue de sait Datu Mangayanon. Parce que c'est grâce à lui qu'il a pu s'en sortir. C'est sûr. Ils ne savent pas  que le petit garçon a commencé à developper son don. Alors, bien sûr, il lui faut du temps pour agir. Mais c'est un début. Et quand il se réveille, il n'est pus malade. Il a juste très faim, et très soif.
Et la vie a repris son cours normal. Après tout, cela l'était. Deux ans plus tard, deux nouveaux enfants naissent. Un garçon et une petite fille. Leurs parents sont deux couples du culte. Ils sont heureux. Abd Allâh aussi. Maintenant, il n'est plus le plus jeune. Et il n'est plus tout seul. Il a un petit frère et une petite soeur sur qui veiller. Il sait qu'il en sera digne. Il en oublia presque ses futurs épreuves à venir...
A dix ans, le jeune garçon a sa deuxième épreuve. Son baptême du feu. Littéralement. Il est censé se faire marquer au fer rouge. Pour montrer à tous son allégeanceà Datu Mangayanon. Seulement, tout ne se passe pas comme prévu. Au moment où le fer chauffé rentre en contact avec sa peau, celle-ci brûle, comme celle des autres disciples avant lui. Le petit garçon cri. Il a mal. Il souffre. Sa peau dégage une odeur de brûlé. Et quand le métal quitte sa peau, la douleur n'en devient que plus vive. Sur l'instant. Car, en suivant, sa peau rougie retrouve une teinte mâte, et la plaie se résorbe en un instant. Comme s'il n'était jamais rien arrivé. Mais Abd souffre toujours. Il pleure, serrant ses bras contre lui. Il ne comprend pas ce qui lui est arrivé. Comme le Patriarche. Il regarde le dos lisse du garçonnet sans comprendre. Il l'a touche. C'est comme si rien ne s'était produit. Peut-être c'est-il trompé? Il reprend le fer, le fait chauffer à nouveau, et le plaque encore dans le dos d'Abd Allâh. Il crie. Il souffre. Il ne s'y attendait pas. Il se débat, cherche à fuir le fer. Il y arrive. Et, à nouveau, son dos guérit. C'est incroyable. Alors, le Patriarche comprend. Il prend le gamin par le bras et le tire dans une autre salle, où il demande à ses disciples de se réunir. Alors, seulement il peut commencer son discours.
-Mes frères, mes soeurs. Aujourd'hui s'est produit un miracle. Notre jeune frère Abd Allâh a reçu un présent de notre très cher maître. Lors de la cérémonie, nous lui avons offert la marque de Datu Mangayanon. Et regardez-le! Son dos est indemne. C'est la preuve que notre Dieu l'a béni. Nous avons donc la chance de voir sa toute puissance en action! Abd Allâh est un Elu. Félicitons-le.  
Le petit garçon, roulé en boule, cherchant à se remettre de ses douleurs ne le sait, mais il s'agit là du premier grand tournant que prend sa vie. Suite à cet évènement, le jeune garçon est enfermé dans une chambre close sans fenêtre. Personne n'a le droit de le voir. Exception faite de son jeune frère Abel, et de sa jeune soeur Lilas. Et le Patriarche. Mais le jeune garçon évite ses cadets. Il ne veut pas qu'ils les voient dans son état. Tous les jours, le maître de la secte vient le chercher et teste les limites de son don. De peur de choquer les esprits les plus sensibles, je ne m'attarderais pas sur ce qu'il a dû subir. Mais pour vous donner une idée, l'aiguille à tricoter qui lui traverse le bras, en passant par l'os, date de cette époque. Et pour traverser l'os, il faut forcer. Ou se servir d'outils. Enfin... Le petit Abd Allâh souffre beaucoup de son traitement. Mais il ne dit rien. On lui a promis qu'il pourrait à nouveau sortir s'il est sage. Alors il l'est. Et après près d'un an où on le teste, il peut sortir. Il est heureux. Il retrouve le sourire. Il passe son temps à jouer avec son frère et sa soeur. Mais le bonheur n'est qu'éphémère. Et bien vite, on se rend compte que le don du jeune garçon ne se limitait pas à lui-même. Nouvelle série de tests. Nouveau cobaye. Quoi de plus motivant que d'utiliser son petit frère, qui n'avait pas encore fait ses preuves comme disciple de leur Dieu? C'est à cette période qu' Abd commence a se poser des questions. Il commence à réfléchir. Ils sont allés trop loin. Son esprit formaté n'en peut plus. Il a des pensées qui lui sont propres. Qui ne sont pas celle d'un Dieu dont il remet peu à peu l'existance en doute. Mais il ne dit rien. Et il fait ce qu'on lui demande. Il fait tout pour maintenir son jeune frère en vie. Cela l'épuise. Cela les épuise. Et quand, lors de ses douze ans, le petit garçon doit passer son épreuve, il ne survit pas. Abd est ravagé. Il est persuadé que c'est de sa faute. Pendant un temps. Puis il se rend compte que c'est de la faute du Patriarche. C'est lui qui lui a fait passer cette épreuve alors qu'il n'allait pas bien. A son tour, sa petite soeur passe son épreuve. Elle survit mais se fait mordre par un rat. Les premiers temps, tout va pour le mieux. Mais, d'un coup, elle tombe malade. La morsure lui a transmis une maladie. Abd veut essayer de la soigner. Le Patriarche refuse. Et la petite fille meure. Le petit garçon s'en veut énormément. Il aurait pu la sauver. Il le pense sincèrement. Il en veut au Patriarche. A toute la secte. Personne n'a rien fait pour elle. Et tout cela pour un Dieu qui n'a encore rien fait pour eux. Et sa petite soeur est morte. Morte... Il n'a rien pu faire. Rien du tout. Abd pleure toutes les larmes de son petit corps. Il ne s'en remet pas. Jusqu'à la naissance d'une autre petite fille dans l'année. Et là, la résolution du petit garçon change. Son attitude n'est pas la même. Il se jure qu'il fera tout pour la protéger.
Pour le reste, le Patriarche se rend compte que le petit garçon commence à réfléchir. A se poser des question. Cela lui pose problème. Avec son pouvoir, il risque de lui faire de l'ombre. Et si en plus, il se met à réfléchir... Il se dit qu'il va devoir trouver une solution. Et le plus vite sera le mieux...
Abd fête aujourd'hui ses dix-huit ans. Mais il n'y a personne pour les lui souhaiter. Depuis que le Patriarche l'a jugé "dangereux", il a été relégué dans une petite chambre fermée, sans fenêtre. On ne l'en sort qu'a de rares occasions. Pour les grandes fêtes en l'honneur de leur Dieu. Forcément, on le considère comme son messager sur Terre... Sauf que le jeune homme ne se sent pas le moins du monde élu d'un quelconque Dieu. Mais il ne dit rien. Ces rares sorties lui permettent de voir sa petite soeur. Il l'adore cette gamine. D'ailleurs, il aurait bien aimé la voir aujoud'hui. Quand on lui apporte à manger, il en profite pour prendre de ses nouvelles. Son coeur rate un battement; sa petite soeur est malade depuis le début de la journée. Terriblement. Une grosse fièvre. Sa vie est dans les mains de Datu Mangayanon. Si on les écoute. Abd ne réfléchit pas. Jusqu'alors, il est resté calme, et silencieux, enfermé dans sa chambre. Mais là, il doit la voir. Il quitte sa chambre en courant, malgré les cris qui lui demandaient le contraire. Il court au chevet de sa soeur. Le Patriarche est à ses côtés, et fait tout pour tenir Abd éloigné. Mais le jeune homme ne se laisse pas faire. Et pour la premire fois de sa vie, il frappe quelqu'un; le Patriarche tombe au sol, et il en profite pour se rapprocher de sa soeur, et de la soigner. Comme elle n'est malade que depuis quelques heures, son pouvoir agit. Et la fillette va mieux. Mais Abd est allé trop loin. Le Patriarche considère qu'il est allé contre la volonté de leur Dieu. Qu'il était entrain d'imposer une épreuve à la jeune fille. Abd lui rit au nez; il pensait que l'on ne devenait l'un de ses disciples qu'après la première épreuve... qu'elle n'est censéeb ses actes. Comme si cela allait changer quoique ce soit...
Pendant près d'un an et demi, le jeune homme reste enfermé dans sa caveavec pour seul compagnie un rat qu'il a fini par aprivoiser, en le nourrissant de son sang et de sa chair. Il l'appelle Nothing. Parce que, comme lui, ce rat n'est rien. Il trouve que c'est un nom approprié. Puis, il fini par sortir. Et pendant la moitié d'une année, Abd reste calme. Il évite le Patriarche, qui a le don de l'énerve par sa simple présence. Mais arrive l'épreuve de sa soeur. Elle se passe bien... Jusqu'au dernier jour. Un rat la mord. Et en quelques heures, une nouvelle infection se développe dans son petit corps, la mettant à l'épreuve. Abd souhaite donc la soigner. Mais à nouveau, le chef s'interpose!
-Cesse de t'interposer à la volonté de Datu Mangayanon!
-S'il m'a donné ce don, c'est bien pour que je puisse m'en servir!
Et, en le bousculant à nouveau, Abd soigne sa soeur. Cependant il a conscience qu'il ne pourra pas rester. Non seulement, il est allé trop loin, mais en plus, il ne supporte plus l'esprit malsain de la Secte.
-Viens, partons ensemble!
-... Tu es allé trop loin Abd... Tu aurais dû laisser Datu Mangayanon me mettre à l'épreuve... Pars... Tu n'as plus ta place. Mais moi, je reste...
C'est donc seul que le doté s'enfuit. Il ne peut pas forcer la petite fille à l'accompagner, même s'il en avait envie...
Pendant tout une année, il joue aux clandestins sur divers bateaux pirates somaliens, parfois dans des bateaux de croisières. Il se fait prendre en stop, et squatte les bus. Il se retrouve projeté dans un monde dont il ignore presque tout. Suite à quoi, il arrive en Amérique du Nord. A New-York. Durant deux nouvelles années, il erre dans les rues de cette ville, entant que sans-papiers, aprs tout, il n'en a jamais eu, et entant que voleur à la tire, quand bien même il ne se rend pas compte que ce qu'il fait est mal. Jusqu'au jour où un inconnu lui tend la main. Ghost est son nom. Il a à peu près l'âge d'Abd et dirige une grosse boîte, cadeau de son père qui vient de partir à la retraite. Il est donc extrêmement riche. Et il a un passe-temps: il prend sous son aile des personnes au hasard. Tant qu'elles sont dans le besoin. Et, heureusement pour Abd, c'est tombé sur lui. Ghost l'a donc ramené chez lui, lui offrant un lit, et un toit où vivre. Il lui a appris tout ce qu'il avait à apprendre. A compter, à vivre dans la société new-yorkaise... Il a également enseigné au jeune somalien ce qu'était les sentiments. La joie pour commencer. La joie de vivre. Puis l'amour. D'abord celui d'un ami. Puis celui d'un amant. Car, finalement, Ghost a fini par tombé dans son propre piège, et c'est fait prendre par la fragilité et l'innocence d'Abd. Et pendant quatre ans, le jeune homme peut vivre aux côtés de Ghost sans ennuis. Surtout après que ce dernier ce soit arrangé pour lui offrir des papiers, lui permettant de rester en toute légalité. Et leur histoire aurait pu se finir ainsi. Une jolie Happy End. Mais les bonnes histoires ne se finissent pas bien...
Abd a 27ans et demi quand un braquage à lieu dans l'entreprise de Ghost. Braquage qui tourne à la prise d'otage à l'arrivée d'un super-héros. L'otage en question se trouve être l'américain au nom de fantôme. Le super-vilain a pris celui qui a le plus d'importance dans la boîte, en promettant de le libérer une fois sorti du batiment et en sécurité. Sain et sauf. Normal. Sauf que le super-héros, sans doute un peu tête-brûlée, a voulu essayer de le sauver. Mais tout ne s'est passé comme l'a voulu. Et Ghost est mort. Quand on est venu l'annoncer à Abd, celui-ci a vu son monde s'effondré en un instant. Et il a pour la première fois goûté à la souffrance de la tristesse. Sensation qu'il s'est promis de ne jamais ressentir à nouveau. Le jeune mort a quand même pensé au somalien avant sa mort, et en a fait son héritier pour tous ses biens matériels autre que l'entreprise. Quand on est à la tête d'une grosse boîte, il vaut mieux être prévoyant. Et Abd lui en est reconnaissant. Il n'est pas dit qu'il aurait pu travailler... Ce monde lui reste majoritairement inconnu, quand même...
Suite à cet évènement, Abd en veut terriblement aux super-héros. Ils n'ont pas sauvé Ghost. Aucun n'est intervenu quand il était enfant. Ni quand son frère et sa soeur ont passé leur épreuve. Alors forcément... Le jeune homme s'est promis d'aider toute personne dans le besoin qu'il croiserait. Comme Ghost avait fait avec lui. Sauf qu'il a aussi son don pour l'y aider. Et c'est à ce moment qu'il comprend vraiment pourquoi on le lui a confier: C'est pour pouvoir aider toutes les personnes que  Datu Mangayanon mettraient sur sa route. Celles qui d'elles-même viendront n'auront rien... Ce n'est pas grâce son Dieu qu'elles sont tombées sur son chemin. Il comprend aussi que son Dieu est un Dieu de la mort. Comme il y a en a dans toutes les religions. A la différences près qu'il ne tue pas. Mais il créait une suite de circonstances qui vont sauver une vie. D'où le cadeau de son don. Et super-héros, civils, ou super-vilains, aucune différence ne sera faites...