« Sven est né par une belle après-midi ensoleillée de mars, au Danemark. Fils unique doté d’un père commercial et d’une mère pharmacienne, il n’a jamais manqué de rien. Il a très vite manifesté un intérêt particulier pour le grand air. Souhaitant toujours être dehors pour jouer, faisant fi du reste. Enfant éveillé et remuant, Sven jouait constamment dehors, qu’importe le temps. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, peu lui importe du moment qu’il était dehors.

Lorsqu’il fut en âge de fréquenter l’école, Sven se fit énormément d’amis. Son caractère enjoué et son sourire contagieux étaient la clé de tout. Mais il n’y avait qu’une personne qui se détachait du lot malgré une différence d’âge d’un an seulement. Il y avait, à côté de chez lui, une maison qu’il aimait. Parce que cette maison, c’était celle de sa meilleure amie, Lykke. Lykke c’est une fille qu’il a adoré dès la première seconde, dès le premier regard. Elle a déjà quatre grands frères, mais ils sont tous nettement plus âgés qu’eux deux. Alors Sven, désireux d’avoir une petite sœur -ou un petit frère qu’importe-, était très heureux de trouver quelqu’un avec qui jouer et sur qui veiller. Leurs mères étaient, pas le plus grand des hasards, d’excellentes amies. Il était donc presque naturel que les deux enfants soient liés.

Tout allait pour le mieux. Sven grandissait bien et s’épanouissait avec Lykke. Ils jouaient dans la boue, montaient des cabanes pas franchement stables, volaient les cookies fraichement sortis du four, et tant d’autres frasques. Ils étaient inséparables. Unis comme les deux doigts de la main. Sven avait tout pour être heureux. Il allait même devenir grand frère ! Sa mère était enceinte et Sven se réjouissait déjà de la venue de son petit frère ou sa petite sœur. Sven était réellement on ne peut plus heureux, et il communiquait ce bonheur à Lykke. Mais un accident de voiture arracha la vie de la mère de Sven ainsi que celle du bébé qu’elle portait. Ce fut un choc énorme. Autant pour le père de Sven que pour Sven lui-même, âgé alors de 5 ans.

Il se renferma et commença à perdre son sourire, sa joie de vivre. Il se maudissait, persuadé d’avoir porté malheur à sa mère. Il ne sortait plus, n’allait plus jouer. Lykke s’était inquiétée et avait tenté de le réconforter. Sven était conscient que son état préoccupait sa meilleure amie, alors il fit des efforts. Juste pour elle. Lykke venait dormir avec lui, lui chantait des berceuses, le rassurait autant qu’elle pouvait. Et il s’est raccroché à elle. Peu à peu, il a repris du poil de la bête. Dans sa tête, Lykke c’était son copain d’aventure avec son caractère de garçon. Les Nielsen ont tous un caractère bien trempé et affirmé.

Un jour, le père de Sven décida de quitter la maison, par souci professionnel. Sven fut arraché à Lykke. Nouveau coup de massue. Le garçon eut du mal à se remettre de cette séparation malgré la communication épistolaire avec son amie. Mais, pour elle, il deviendrait fort et courageux. Il ne voulait pas qu’elle s’inquiète, il voulait qu’elle reste celle qu’il avait connu. Alors il a ravalé sa tristesse et est allé de l’avant, en se jurant qu’il reverrait un jour son amie d’enfance. C’est à cette époque qu’il a découvert son don. Il jouait au volley avec ses nouveaux camarades de classe. Et il fut lui-même surpris par cette agilité. Mais il ne s’est pas inquiété. Un coup de chance sans doute. Sauf que cet évènement se répéta encore et encore. Il esquivait les ballons, ou les interceptait avec une fluidité déconcertante. Très souple, il grimpait aux arbres pour déloger ballons de baudruche ou chatons effrayés avec cette agilité presque féline. Soucieux d’être pris pour un genre de monstre, il n’a rien dit. Ni à son père, ni à un médecin, pas même à Lykke. Il a gardé ça pour lui. Jusqu’à ce jour.

Il était seul au parc, sur le terrain de basket. Il faisait rebondir la balle qu’il avait pris soin d’emporter. À cette période, tous ses amis étaient partis en vacances ou n’étaient pas disponibles. Alors il jouait, seul. Il faisait rebondir le ballon mollement jusqu’à ce qu’une voix familière l’arrache de sa rêverie. Une voix qu’il reconnut sans mal car, toujours fourré dans cette maison, il avait pour habitude de l’entendre souvent. Calant le ballon sous ton bras, tu t’avances prêt du grillage, guettant l’arrivée de la personne.

- Nan mais c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin là. Il est peut-être aux putes, on y a pas pensé…

À cet instant, les yeux de Sven se sont illuminés. Il s’agissait de Peter. L’un des frères de Lykke. Le troisième de cette grande fratrie. De son agilité féline, il avait escaladé le grillage en quelques instants, alors qu’emprunter la porte à quelques pas aurait largement suffit.

- Peter !
- …ah bah non il est là ce con. Content de te revoir mon pote ! Regarde qui est là !

Sans comprendre, Sven s’était quelque peu penché sur le côté pour voir derrière Peter. Et ce fut le choc. Le ballon du ténébreux glissa jusqu’au sol pour vous dire. Lykke était là, derrière son frère. Leurs regards s’étaient croisés, leurs bouches entrouvertes. Et ils s’étaient foncés dedans comme deux gros bourrins, s’enlaçant sans chichis. Les deux meilleurs amis étaient enfin réunis. Lorsque Sven a débarqué chez Lykke, ce fut jour de fête, embrassade et grosse bouffe. Party hard quoi. Si bien que Sven a du rester dormir chez Lykke. À noter d’ailleurs que les deux là n’ont pas perdus leurs bonnes habitudes et ont dormi ensemble. Mais ce n’est qu’un détail.

Et c’est ainsi que les deux amis furent ensemble, terminant donc leur croissance. Et, contre toute attente, Sven finit par parler de son don à son amie de toujours. Lykke lui fit par du sien. Et ils ont rigolé comme deux carpes, ravis d’être tous les deux bizarres. Allez savoir ce qu’il y avait de drôle là-dedans mais bon. Sven prit connaissance d’une école qui formait les jeunes « prodiges » tels que Lykke et lui pour en faire des héros. De son caractère chevaleresque et aventurier, il fut tout à fait naturel pour Sven de s’enrôler dedans. Lykke n’a d’ailleurs pas tarder à l’y suivre.

Et c’est ainsi que s’achève notre récit. Bonne nuit. »

- …t’es pas sérieux là ?
- Si pourquoi ?
- …c’est CA ta biographie ? Mon dieu mon pauvre mais t’es un véritable ours. Et c’est quoi cette manie de parler de toi à la troisième personne là ?
- C’est cool les ours, ça mange du miel. Et c’est cool aussi la troisième personne, ça fait moins égoïste.
- Ouais mais toi t’as plutôt l’aspect feignant de l’ours pour le coup. Et t’es vraiment con. En plus, tes temps c’est le chaos. T’aurais pu t’appliquer.
- Pas l’temps. Y a Lykke qui m’a invité à manger chez elle ce soir, j’ai les crocs.
- …morfale.