J'embrasse une dernière fois mes parents avant leur embarquement. L'école m'a autorisée à les accompagner à l'aéroport afin de leur dire au revoir une dernière fois. Les larmes aux yeux, je leur promets d'être sage et de faire de mon mieux pour atteindre mes objectifs.
Ils partent, vont dans l'avion qui les ramènera en Islande.
Désormais je suis seule, sans personne d'autre sur qui compter  que moi-même. Mais je réussirai, comme Robot-Rock a réussi avant moi. Je ne serais certes jamais une Légende comme elle, ne possédant pas le talent nécessaire, mais j'aspirerai  à devenir une héroïne.
Le surveillant chargé de m'accompagner me fait un signe. Il est temps d'y aller.
Je monte dans la voiture de fonction noire de l'école, la tête légèrement baissée. Malgré mes bonnes résolutions, j'éprouve un peu de chagrin. Vous savez, je n'ai jamais été séparée de mes parents avant aujourd'hui.
Je me laisse envahir par la tristesse le long du trajet, quelques larmes coulant même sur mes joues. Mais une fois arrivée, je me reprends. Je dois être courageuse.

Je marche rapidement tête baissée dans le hall afin de retourner le plus vite possible dans ma chambre. Heureusement qu'aujourd'hui est une journée libre pour moi ! Mais demain, je commencerai les cours. Je suis un peu excitée et anxieuse à la fois, ne sachant pas réellement à quoi m'attendre. J'espère que j'y arriverais, et que j'apprendrais plein de nouvelles choses.
Arrivée dans mon dortoir, je remarque un mot placardé sur la porte :

"Mademoiselle Robinson,
Vous êtes priée de vous rendre aussitôt à l'infirmerie afin de réaliser un bilan de votre état actuel de santé.
Cordialement,
Le service sanitaire de la HSSUP."

Mon plan de l'école dans les mains, je commence à chercher où se trouve l'hôpital scolaire. Je viens tout juste d'arriver ici, depuis ce matin seulement à vrai dire, et je ne connais pas encore tous les recoins du campus.
Bâtiment d'apprentissage, troisième étage. Bah, au moins ça me fera une occasion de visiter cet édifice, non ?
J'atteins enfin, après m'être perdue plusieurs fois, le palier de l'infirmerie. Je pense que j'ai définitivement perdu mon sens de l'orientation... s'il m'est déjà arrivé d'en avoir. Après quelques instants d'hésitation (dois-je entrer ou attendre qu'on m'appelle ?), je toque timidement à la porte. Avec un peu de chance cette visite s'avèrera assez courte. Pas que j'ai une phobie des médecins, mais je n'aimerais pas spécialement séjourner à l'hôpital pour mon premier jour ici.

Comme tous les matins, j'étais à la bourre. Mais ce qui différenciais tous les matins de celui-ci, c'était le faire que je sois à la bourre et que j'ai un peu plus de deux heures de retard. Comme à mon habitude, j'vais débrancher mon réveil hier matin en me levant. Et oublié de l'activer hier soir. J'étais donc encore plus mal rasé que d'habitude -une barbe mal rasée s'entretient — je n'avais pas eu le temps de déjeuner, et comble du comble, il ne me restait plus qu'une cigarette. Il allait me falloir en taxer aux collègues et je n'aime pas devoir des services.

L'ambulance s'engouffra aisément dans le parking de l'école et je retrouvais ma place réservée. Je désactivais le gyrophare et le deux tons qui m'avaient permis d'arriver un peu plus vite, sortit du véhicule en ne fermant pas les fenêtres, puis partis en courant en direction du haut d'entrée. Il fallait que je sois en retard le jour de l'arrivée d'une élève qui trainait une maladie grave. J’espérais qu'elle n'a pas attendu mon arrivée trop longtemps. Je n'avais même pas eu le temps de compulser son dossier. Piètre médecin que je suis.

Je déboulais à toutes berzingues dans le couloir, manquant de rater la dernière marche de l'escalier, loupant mon virage, ce qui me permit de prendre appui sur le mur pour repartir plus vite, puis m'arrêtais nette au milieu du couloir. Sourire de composition pour les élèves présent. Je m'étais plantée d'étage. Bon. Je repartis un peu plus calmement vers l'escalier, entonnant même l'hymne russe pour me donner bonne figure. J’empruntais l'escalier à nouveau pour débarquer dans le bon couloir, cette fois. Une jeune fille frappait à la porte de mon infirmerie. Une petite créature aux cheveux bleus et à la peau blanche regardait la porte en se demandant quoi faire. Je n'arrivais même pas à remettre son nom. Mademoiselle Robert ? Rubensant ?

Bonjour mademoiselle, lançais-je avec mon habituel air blasé, ouvrant la porte d'une pression de l'épaule. Je suis le docteur Rosace, le seul médecin de cette école, me présentait-je en l'invitant a entré d'un geste. Je m'excuse d'avance pour les retards que j'aurais les prochaines fois que nous nous verrons.

Je fis un petit sourire et la fis s'asseoir devant mon bureau. Son dossier était posé à côté du clavier de l'ordinateur et de la GameGear. Les priorités de ma vie étaient à revoir, mais tant pis. Je pris connaissance de la chose. Alyssa Robinson. Je savais bien qu'il y avait un R au début, non de dieu. Le dossier indiquait qu'elle souffrait d'une Leucémie. Et c'était tout. Les trois quarts du texte étaient grisés, il n'y avait aucun nom de médicaments, ni aucun nom tout court, d'ailleurs... Et les autres informations qui apparaissaient étaient d'une inutilité flagrante. Je n'ai jamais aimé garder des patients plus de temps qu'il n'en faut normalement, mais Alyssa allait devoir répondre à quelques questions...

"Je suis désolée pour le temps que ça va prendre, mais je vais devoir te demander deux ou trois petites choses, comme par exemple quels sont les médicaments et les traitements que tu as eus a prendre, combien de temps a duré ta chimiothérapie... Tout ce qui te parait important. Si tu ne veux pas répondre, je ne te forcerais pas, j'ai bien d'autres moyens pour obtenir ces informations..."

Je terminais ma phrase en lui montrant le dossier, tout censuré de noir, et en m'excusant pour mes conférèrent qui ne pensent qu'a l'argent et qui mettent donc la vie d'une jeune fille innocente en danger par leur avarice. Je me foutais totalement de savoir ce que la petite jeune fille devant moi avait ingéré, je voulais savoir si ça allait entrainer des rechutes. Bon. J’installais les lentilles sur mes pupilles et mes yeux prirent instantanément la couleur rouge si particulière. Si on faisait un particulièrement attentionné, on remarquait de très, très fins traits noirs qui courraient le long des lentilles. Le circuit imprimé et les différents éléments miniaturisés à l'extrême étaient visibles, bien qu'il soit parfois de la taille d'un demi-micron.  

"Je te présente mon Outil de travail. Des lentilles spéciales que j'ai fabriquées moi même. Comme tu remarques, il n'y a absolument aucun appareil que tu trouverais dans un hôpital. Il est interdit d'avoir un scanner ou d'appareil a radiographie dans une école. Ici, pas de prise de sang, de machines bizarres ou de chimio. Ces petites lentilles remplacent tout ça. Je peux même te dire que ton taux de globule blanc est encourageant, que tu manques un peu de globule rouge, mais que ton état de santé est stable pour l'instant."

Ça ne m'arrivait pas souvent de parler autant. Mais je devais des explications à la gamine.

J'étais en train de me demander si je devais entrer ou non dans l'infirmerie, lorsqu'un géant brun arriva au pas de course devant moi. Je levai la tête, le regardant avec de grands yeux. Il était vraiment imposant. Bien sûr, vous pourriez me dire que pour moi et ma petite taille, tout peut me paraître grand, mais je vous assure que cet homme-là est réellement  énorme.
Il ouvre la porte d'un coup d'épaule, et me fait signe d'entrer, en se présentant comme le médecin scolaire de l'établissement, le Docteur Rosace. Il s'excuse de son retard d'un air qui pourrait me paraître presque blasé. Je ne réponds pas, toujours plongée dans ma contemplation ébahie de cet homme gigantesque. J'ose seulement espérer qu'il ne sera pas trop brusque.

Il me fait signe de m'assoir devant son bureau. Je m'exécute, légèrement perturbée par l'odeur si familière des hôpitaux. Une odeur de désinfectant et de maladie. Je ne suis pas phobique, loin de là. Mais ça me met simplement mal à l'aise de retrouver si rapidement un lieu aussi angoissant, même si ce n'est que pour quelques instants... En réalité, j'ai surtout peur que l'infirmier réalise que je suis inapte à intégrer la Heroe's.
Il prend mon dossier avant de le parcourir d'un air désinvolte. La console de jeu posée sur son bureau me rappelle aussitôt Ririko, ma camarade de chambre. Je ne l'ai rencontrée que ce matin, mais elle a l'air gentille, quoique j'ai l'impression de la mettre un peu mal à l'aise. Mais je pense qu'on cohabitera facilement et sans histoires.

Après quelques instants, le docteur Rosace me montre d'un air désolé mon dossier à moitié grisé et m'explique que je devrai répondre à ses questions sur les traitements que j'avais ingéré. Après réflexion, je me rends compte qu'il est normal qu'aucun nom de médicament ne soit marqué, puisque j'étais, pour ainsi dire, un cobaye. Je ne pense pas que le gouvernement fut d'accord pour prévenir la Terre entière  du sérum qu'on m'avait injecté. Au cas où ça aurait mal tourné, on aurait sûrement simulé une mort naturelle, due à mon cancer.
Je joue nerveusement avec mes cheveux, tandis que le médecin met quelque chose sur ses yeux, les rendant rouges.
Il me dit que c'est son outil de travail. Des lentilles ultra-perfectionnées. Je le fixe, les yeux écarquillés. J'ai toujours été passionnée et attirée par ce qui avait attrait à la technologie.  
Je commence, d'une voix claire, le regard toujours rivé sur ses lentilles, repérant ce qui doivent être des circuits électroniques :

"Je vais essayer de vous expliquer du mieux que je peux.
J'avais cinq ans lorsqu'on m'a identifié une leucémie. Le traitement habituel n'était donc pas adapté à ma corpulence. J'ai alors dû faire une cure à base de plantes à vertu thérapeutique, contenant du curcuma et du ginseng, il me semble. Ça n'avait pas pour but de me soigner, mais plutôt de ralentir la propagation de mauvaises cellules. À l'âge de huit ans, j'ai commencé ma chimio-thérapie. Au début, je ne me sentais pas trop mal. C'était un cancer qui se développait assez  lentement, vous savez.
J'ai fait une pause de quelques mois à l'âge de 10 ans, mais la leucémie a repris de plus belle, devenant plus aiguë, plus violente. J'ai donc été contrainte de recommencer le traitement. J'ai dû également  enchaîner des greffes de moelle osseuse à partir de mes onze ans, et jusqu'à mes quatorze ans, pour essayer d'éradiquer le mal qui me rongeait."

Ce petit discours, je l'ai prononcé maintes fois devant les nouveaux internes en de l'hôpital qui m'a hébergé durant ces longues années, qui désiraient m'ausculter pour valider leur formation, et devant les chercheurs américains qui m'ont permis de rester en vie.
Je baisse la tête, indécise.

"La suite, ce qui s'est passé depuis mes quatorze ans jusqu'à mon entrée dans cette école, je ne sais pas si je peux vous la raconter.", je finis par lâcher.
Je ne désire pas trahir un secret d'Etat en faisant ces révélations. Et puis surtout, je ne veux pas qu'on m'interdise l'accès ici par précaution, sous prétexte qu'on ne sait si ce que j'ai reçu serait radioactif ou je ne sais quoi pour les autres élèves.