Elle avait essayé d’être active, récemment. De ne plus se laisser aller, de ne plus faire comme si elle était la seule dépressive sur cette putain de planète. Faire comme si elle pouvait reconstruire vite et bien ce qui avait été perdue dans les attentats qu’elle avait vécu, sinon subit. Ne voulant plus penser le moins du monde à ses problèmes de cœur et de sentiments pour le moment, Brooke s’enterrait un peu dans son atelier, au sous-sol, perfectionnant une énième machine dont elle n’allait pas savoir quoi faire avant un bout de temps. Pas grave, au moins comme ça, elle tuait le temps. Et elle ne culpabilisait pas. Ce qu’elle avait été très douée à faire il y a peu alors que, de toute manière, ça n’aurait en rien arrangé les choses.

Un peu de musique se diffuse en fond sonore dans la pièce. Son talon tapote machinalement le sol, doucement, au rythme des notes entendues. Ca faisait très longtemps qu’elle n’avait plus agit de la sorte. Est-ce que c’était cela que l’on appelait communément une renaissance ? Peut-être que oui. Peut-être que non. La Légende Technologique ne voulait pas se perdre dans des discussions philosophiques inutiles. Elle vivait, elle respirait. C’était ce qui comptait le plus, après tout. Carnage et les caprices de tout à chacun ? Pour le moment, aux oubliettes. Elle bricolait et il ne fallait pas l’emmerder pour des fantaisies car là, oui, pour le coup, elle aurait pu mal le prendre.

Cependant, alors qu’elle finissait d’ajuster un morceau de carapace mécanique sur son invention actuelle, la voix d’Archimède se fit entendre dans l’enceinte de l’atelier.

▬ Madame, je-
▬ Pas maintenant Archi’, tu vois bien que je suis occupée, non ?
▬ Bon et bien je ne vous dirais pas qui vient de nous faire l’honneur de repointer sa moustache après un long silence radio, dans ce cas.

Cette formulation l’interpelle quelque peu. Elle lâche ses outils et se tourne sur sa chaise, vers la caméra de sécurité la plus proche.

▬ … Qui ?
▬ Un ami qui arrive souvent par la porte de derrière.

Cette phrase fait tilt immédiatement dans sa tête. L’instant qui suit, elle se lève et fonce vers l’endroit indiqué par Archimède, ne demandant même pas une confirmation. Tout comme elle se fiche pas mal de n’être qu’en soutien-gorge et short noir pour l’accueillir. C’est pas grave, elle sait de qui il s’agit, ça ne lui posera sans doute pas de problème. En moins d’une demi minute, elle a gravit quatre à quatre les marches menant jusqu’à son laboratoire personnel et arrive là où il a l’habitude de faire son entrée majestueuse. Ça lui a tellement manqué.

Elle distingue sa silhouette dans la demi-pénombre et se jette littéralement à son cou.

▬ Tu m’as manqué, putain ce que tu m’as manqué… T’étais où d’abord ?!

On peut percevoir le tremolo léger de sa voix en fin de phrase. Mais ça ne dure pas. Elle se ressaisit autant que faire se peut et lui agrippe le bras.

▬ Oh peu importe, on aura le temps d’en reparler, l’essentiel c’est tu sois là ! Viens, allons ans mon atelier, on sera plus tranquille pour discuter. Tu restes hein ?

Elle se sent l’âme d’une gamine de douze ans.

▬ Archimède ! Sors le Whisky de fête, tu veux ?!

Sa voix est enjouée, maintenant.

   

En haut de l'immeuble, les jambes dans le vide, les coudes sur les cuisses, le menton dans les mains et les yeux perdus dans les lueurs de la ville. Elles se reflètent dans ses pupilles bleues. Il fixe l'horizon, les maisons et l'école pour jeunes héros. Il regarde tout ça sans réel objectif. Il profite simplement de la vue, qu'il n'a pas pu avoir pendant un an. C'est long. Mais ça lui avait paru court. Trop court.

Elliot était revenu, finalement. Encore plus en forme qu'auparavant, c'était certains, peut-être aussi avec plus de changements. Car oui, il avait changé, terriblement. Ça le faisait doucement rire. On ne le reconnaissait plus au premier regard, il avait retrouvé son anonymat. On ne se permettait plus de le traiter comme un gosse, non plus, et ça lui faisait du bien. Elliot avait changé, mais que dans le bon sens du terme. Il n'était pas fondamentalement une bonne personne, certes non, mais son année de césure lui avait fait faire nombre de choses peu recommandables. Quoi qu'on aurait voulu faire pour lui, si on pensait qu'il n'avait pas encore totalement sombré, c'était désormais trop tard. Personne ne le ramènerait dans le droit chemin, ses mains étaient bien trop tâchées de sang.

Il se releva et glissa ses doigts dans les poches de sa veste noire. Son regard s'était arrêté sur une grande bâtisse, un peu à l'extérieur de la ville. Il était rentré depuis une semaine, il devait passer voir certaines personnes maintenant. Il ne voulait pas qu'elles voient son retour dans les journaux, comme le commun des mortels. Non, il lui fallait quelque chose de plus grandiose, plus digne de lui, plus personnel. Et il voulait voir leur tête, face à son nouveau corps.

Ah, ce corps. Qu'est-ce qu'il pouvait l'aimer. Il est tellement plus simple de se faire respecter lorsqu'on semble avoir une vingtaine d'années. Il l'avait attendu si longtemps que lorsque c'était arrivé, il avait pensé que ce ne serait que temporaire, n'y croyant pas lui-même. Et pourtant, les faits étaient là, son apparence d'adolescent avait disparu. Bon débarras. Il s'éloigna du rebord de l'immeuble d'un pas tranquille. Il commençait à se faire tard, il fallait donc débuter la série des retrouvailles.

Il se revoyait, deux ans auparavant, escalader ce portail, marcher jusqu'à l'entrée, se glisser à l'intérieur et craindre un robot-ménager. Ce soir-là, il ne passerait pas par ce chemin, trop simple. Il franchit les grilles sans mal, et arriva face à la grande baie vitrée, dans sa diagonale, le balcon. Il pensait l'escalader, mais il constata que la porte vitrée était ouverte. Il eut un faible sourire. Soit les Légendes avaient un sacré problème de sécurité, soit Archimède lui faisait ses salutations. Il entra d'un pas nonchalant, les mains toujours coincées dans ses poches. Personne en vue, ou dans ce qu'il pouvait voir. Il allait devoir un peu chercher. Enfin, il le crut jusqu'à voir débouler une furie rousse qui se jeta dans ses bras. Il faillit perdre l'équilibre, se rattrapant de justesse au mur. Il n'en plaça pas une, Brooke était surexcitée, on aurait dit une enfant, il pouvait même entendre son émotion légèrement percer dans le ton de sa voix. Elle lui posa des questions auxquelles il n'avait pas le temps de répondre. Elle lui prit le bras, le tira derrière elle, demanda de l'alcool. Il constata qu'elle était en soutien-gorge, mais ça ne lui déplaisait pas.

Lorsqu'elle le lâcha enfin pour se tourner vers lui, il prit le temps de mieux l'observer. Son esprit de déduction eut du mal du mal à admettre ce qu'il devinait. Elle aussi avait changé, en un an. Plus que lui, peut-être, en tout cas autant. Elle était toujours aussi belle, bien sur, mais on aurait dit que quelque chose avait disparu de sa vie. Il ne savait pas encore quoi, pas encore, mais il s'en doutait déjà un peu. Il associa ses observations avec ce qu'il avait appris des derniers événements marquants de la ville. Il comprit vite que ça ne lui avait pas réussi, voir aps du tout. Dommage, il n'avait pas été là pour voir ça de ses propres yeux. Ç’avait dû être une si belle descente aux enfers pour tous ces héros imbus d'eux-mêmes.

- Évidemment que je reste. Toi aussi tu m'as manqué, plus que tu ne le crois, et Archi aussi, bien entendu.

Il ne mentait pas. Il avait plus d'une fois songé à elle, et ses mèches rousses. Et puis toutes ses foutues technologies, aussi, ç'avait été étrange de ne côtoyer aucun robot autonome, aucune intelligence artificielle, pendant une année complète. Elle lui servit le whisky apporté par son robot ménager préféré – qui se jeta sur lui, lui-aussi, en émettant des bruits pouvant s'apparenter à des gazouillis de joie. Il but une gorgée de l'alcool symbolique, pour eux deux, c'était grâce à lui qu'ils étaient devenus... amis ? Ou quelque chose dans le genre.

- Où est-ce que j'étais ? Ouais, on en reparlera, je ne pense pas que cela soit très intéressant pour le moment. La vie de criminel n'est pas très passionnante, à côté de celle d'une Légende.

Il ne put s'empêcher de sourire, sans pour autant la regarder. C'était étrange, il avait envie de la taquiner, ce soir. De lui montrer que c'était bien lui, qu'il n'avait pas changé à ce point, pas comme son physique l'annonçait. Alors qu'en fait, justement, un an auparavant, il n'aurait peut-être pas osé, pas aussi brusquement. Et puis, ce qu'il avait appris le démangeait, il voulait voir sa réaction. Mais pas tout de suite. D'abord, les retrouvailles, il était venu pour ça, pour la voir, pour lui parler, pour la regarder. Pour qu'elle lui dise exactement ce qu'il voulait entendre, aussi.

Il adorait raconter des histoires, habituellement, mais celle de son année mystérieuse n'était en réalité pas quelque chose de très reluisant. Il aurait bien voulu l’impressionner avec des aventures fantastiques, toute sen couleurs. Mais non, pas cette fois. Il la regarda un instant, elle était restée silencieuse jusque là, mais il voyait dans son regard qu'elle mourrait d'envie de parler, de quoi que ce soit, de lui, d'eux, de sa vie, de nourriture, mais pas d'elle. Il aurait presque était capable d'engager une autre conversation, plus sympathique. Peut-être même l'inviter à dîner quelque part. Il avait envie, au fond, de passer un bon moment en sa compagnie. Il avait envie qu'elle lui dise qu'il était génial avec elle, qu'elle l'adorait, qu'elle lui redise qu'il lui avait manqué. Il avait envie de compter un plus pour elle. Il aurait voulu être amical, ce soir. Mais sa personnalité ne le lui permit pas.

- Parlons-donc de toi. Il paraît que t'as tué quelqu'un de sang froid, devant des dizaines de gens, et que tu as fait exprès de ne pas abréger ses souffrances. Vrai, ou simples divagations journalistiques ?

C'était plus fort que lui. Il s'était retenu, en la voyant si heureuse de sa présence. Mais pas longtemps. Il souriait, un sourire mesquin, comme une provocation. Il ne pouvait rien y faire, il adorait ça. Lorsqu'il s'était intéressé aux événements marquants de l'année, c'était une des choses qu'il avait tout de suite noté. Il savait qu'il aurait mieux fait de se taire, mais ce n'était pas dans ses habitudes. Lui, il avait toujours été meilleur lorsqu'il s'agissait de retourner le couteau dans la plaie. Et il avait beau réellement apprécier la jeune femme, elle n'échappait pas à la règle. C'était une Légende, une icône. La voir trébucher, tomber, être en difficultés, c'était toujours appréciable pour un criminel de son espèce. La pire.

- Et dire que pour la même chose, une personne banale aurait été mise en prison – voir condamnée à mort. Je trouve ça injuste, pas toi ?

C'est génial, n'est-ce pas ? Profiter du malheur des autres. Leur renvoyer en pleine face, sans aucune compassion. Être désagréable. Être haïssable. Ça lui avait manqué à Elliot, peut-être même un peu trop.

   

Tout était bien parti, pourtant. Brooke avait senti cette adrénaline spécifique, toute particulière, qui lui avait fait un bien fou tout le temps qu’elle s’était diffusée gentiment dans ses veines aliens. Elliot. Bordel, ce nom se suffisait à lui-même. Pourtant, leur relation, si elle n’était pas complexe, demeurait au moins pas mal floue. Même pour elle. Au fond, que ressentait-elle pour le criminel ? Elle se bornait à penser une simple amitié un peu hors-norme, mais si, au fond, il y avait plus que cela ? Si tout n’était qu’un enchevêtrement d’improbabilité ? Après tout, dans sa vie et vu les récents évènements qui lui étaient tombés sur le coin de la gueule, ce n’aurait même pas été ne serait-ce qu’un peu étonnant qu’une révélation de ce genre se fasse entendre. A la limite ce serait presque normal. Sauf que ce soir, elle n’avait pas envie de lutter avec des « et si » et des interrogations longues comme le bras. Ce soir, elle avait juste voulu s’amuser un peu, oublier, se saouler avec une personne proche et rire. Ce soir, elle voulait juste faire comme si elle était encore humaine aux yeux de la société.

Même si elle s’était elle-même jetée en pâtures aux vindictes de la foule en fin de compte. Masochiste.

Elle n’en avait pas cru ses oreilles en entendant son ‘’’’’ami’’’’’ parler e la sorte. Lui parler de la sorte. C’était le même Elliot pourtant, non ? Enfin, physiquement, on observait quelques changements bien rodés mais Brooke ne s’était pas attardé dessus puisqu’elle l’avait déjà vu ainsi, un soir ou Just Dance et Never Gonna Give You Up s’était invité entre elle et la déprime passagère. Ca ne l’a choquait qu’à peine. Non, ce qui lui fit un mal de chien, ce fut d’entendre ses mots, ses paroles, ses tournures de phrases. Déblatérées exprès pour faire mal, elle en était convaincue. La Klong n’était pas très douée en relations humaines – ahah c’te blague – mais elle faisait tout de même de son mieux. Et là, elle comprenait clairement l’insinuation. Et ça ne lui plaisait pas, forcément. Qui aimerait être traité de monstre, comme ça, même implicitement ? Personne. Et certainement pas elle, maintenant. Pourtant, monstrueuse, c’est ce qu’elle était. C’est ce que l’on s’évertuait à lui faire comprendre tous les jours depuis le ‘procès’.

Tous les jours. Tous les jours. Tous les jours. Tous les jours. Injustice.

Les doigts se resserrent autour de son verre de whisky, qu’elle allait remplir pour suivre Elliot dans son mouvement. Mais non, finalement, elle en fera autrement. Alors qu’il termine sa diatribe, elle sent un accès de rage dévaler ses veines et, d’un coup, éclate le récipient au sol. Elle a mal, tellement mal. Et personne ne le voit. Personne ne veut le voir. Elle peut clairement aller se faire foutre, en gros. De son pied gauche, elle écrase les débris, s’entaillant la paume de la voute plantaire. Elle s’en fiche. Elle n’est plus à ça prés. Même si ça fait mal, ouai. Le sang s’échappe en de petites coupures, laissant les tracés de son pas sur le sol, même si dans la pénombre, ça ne se distingue pas des masses.

▬ T’as raison ouai. Toi t’es une pourriture, moi je suis un monstre.

Elle ouvre grands les bras, comme pour se monter vulnérable.

▬ Du coup t’attends quoi toi aussi pour me tuer ? T’es donc à ce point faible et pathétique pour ne t’en prendre qu’a des plus faibles que toi ?

Elle le regarde, une lueur de rage dans les yeux.

▬ Si l’intérêt public t’importe tant que ça, viens donc, fais une bonne action pour une fois dans ta putain de vie, Elliot.

Elle ment. Parce qu’elle va se défendre de toute manière. Mais cela, elle l’ignore seulement encore.


   

Et le pire, c'est qu'il sourit. Il fait tourner le verre entre ses doigts, et il sourit. Il est insupportable, il le sait. Mais il ne peut pas se retenir. Il ne la regarde pas tout de suite, préfère l'écouter parler, l'écouter s'exprimer. Il ne se lève pas, ne bouge pas, fait simplement tourner ce verre entre ses doigts. Il sent ses yeux le fusiller, le découper en tranche, le tuer. Il sait qu'elle lui en veut. Il lui a détruit sa joie, l'a réduite en poussière, l'a broyée dans sa paume tâchée de sang. Mais il continue quand même de sourire. Parce que c'est ce qu'il attendait, c'est ce qu'il avait deviné. Elliot décryptait quelqu'un en un regard. Il avait mentalement disséqué la Légende plus sieurs fois auparavant, ce soir-là aussi. Elle avait beau avoir été heureuse de le voir, il savait que ça n'aurait pas duré la soirée. Il avait préféré écourter les bavardages inutiles. Il pensait avoir fait pour le mieux. C'était cette Brooke là qu'il était venu voir, pas celle pleine de faux-semblants. L'autre, que les journaux avaient décrie comme dépourvue de cœur. Ah, ces imbéciles, que savaient-ils sérieusement des gens sans cœur ?

- Je ne crois pas avoir parlé de monstre, juste d'un manque de compassion.

C'était vrai. Elle avait fait ses déductions toute seule. Elle avait entendu des mots qu'il n'avait pas prononcé, qu'il n'avait même pas sous-entendus. Il reposa le verre sur la table et tourna enfin sa tête vers elle. Il ne s'arrêterait pas de sourire, ça lui avait trop manqué, de voir dans le regard des autres cette haine à son encontre. Il ignora les insultes à son égard, ce n'était même pas blessant, il avait connu pire. Et puis, il ne pouvait nier être une véritable ordure, ç'aurait été se mentir à lui-même. Elle titillait sa fierté, certes, mais pas assez, il savait quelle était capable de pire, il allait l'y pousser, qu'importe qu'il en subirait les conséquences.

- Te tuer ? Arrêtes ta comédie Brooke, t'es plus une enfant. On est pas dans un film, je ne te tuerais pas, parce que c'est pas écris dans un scénario et parce que c'est pas mon boulot. Pas encore.

Il n'avait en tout cas reçu aucune offre à ce sujet pour l'instant. Il n'avait jamais envisagé que cela pourrait arriver, en fait. Et il ne comptait pas réfléchir à ça pour le moment, cela viendrait en temps voulu. Il se leva finalement pour lui faire face. Il la dépassait de plusieurs centimètres désormais. Fini le temps des tapotements amicaux sur la tête. Il ne s'avança pas vers elle, se contenta de la toiser. Il avait fini par effacer le sourire de son visage. Mais son air supérieur, lui, ne disparaissait pas.

- Tu crois franchement que moi je suis affecté par l'opinion publique ? Elle ne rêve que de me voir en taule, et je ne pense qu'à lui montrer que je la hais. Entre-nous, celle qui s'en préoccupe le plus, c'est toi. Tu reprends leurs mots comme si c'était les tiens, même quand ils te détruisent intérieurement. Tu vis à travers eux, incapable de t'en détacher, dépendante, enchaînée à leurs caprices. Hier ils t'adoraient, aujourd'hui ils te craignent, demain ils te lyncheront en place publique. Ce n'est pas moi qui vais te tuer, c'est eux. Et quand ils l'auront fait, ils t'oublieront, comme ils ont oublié les autres avant toi. Et tu sais chez qui ton souvenir va subsister ? Chez des types comme moi, des criminels que t'auras mis en taule. Et il n'y aura rien de positif là-dedans, je peux te l'assurer.

Il reprit sa respiration. Sa tirade avait été plus longue que ce qu'il s'était imaginé. Le silence qui pesait désormais lui paraissait lourd, chaotique. Il se resservit un peu de whisky, le but d'une traite, reposa le verre sur la table.

- Je déteste quand tu me fais faire ça.

Il sentait qu'il s'était énervé, contre elle et ses idées toutes plus stupides les unes que les autres. Ça lui faisait perdre ses moyens à chaque fois, de la voir malheureuse, il ne le supportait pas. Il ne savait même pas vraiment pourquoi, c'était instinctif. Ou plutôt, ça concernait quelque chose chez lui qu'il était incapable d'expliquer, alors il mettait ça sur le compte de leur « amitié ». Drôle de relation. Il s'avança vers elle, s'arrêta à quelques centimètres.

- Vas-y, frappe-moi, je sais que t'en meurs d'envie.

Oublie les retrouvailles chaleureuses Elliot, de toute façon, tu n'es capable que de te faire haïr, en particulier par ceux que tu apprécies le plus.

   

Assez. Assez. Assez. Assez. Ca ne faisait pas dix minutes qu’Elliot était là et déjà, Brooke n’avait qu’une envie, c’était qu’il reparte par le chemin inverse d’où il était venu. Si c’était pour dire des saloperies pareilles à son encontre, inutile qu’il soit là. La rousse avait besoin d’amis, de gens pour la soutenir, la comprendre. Pas un putain de petit branleur tout juste bon à exceller dans son domaine de prédilection ; à savoir, la manipulation et le mal fait à autrui. Elle avait oublié à quel point il était fort à ce petit jeu-là, cette perversion amère. Et si, d’ordinaire, elle aurait laissé couler, aujourd’hui ce n’était pas le cas. Ce soir, elle ne voulait plus la jouer maternelle, conciliante. Elle ne voulait plus voir au-delà du masque. Juste la paix, c’était ça, qu’elle voulait, dont elle avait besoin dans ses veines.

Alors, elle avait décidé de bouder, de ne pas lui faire de cadeau. Pour une fois que ça venait d’elle.

Archimède ne disait rien, n’osant sans doute pas intervenir. Le robot ménager, quant à lui, s’était écarté des deux protagonistes de cette scène surréaliste, trop improbable pour que même les schémas mathématiques puissent l’expliquer. La respiration de la Légende – ou du moins, de c qu’il en restait – s’était accélérer quelques peu. Son regard aurait pu lancer des dynamites si c’avait été possible. Ne parlons même pas de ses mâchoires, tellement crispées que même elle avait l’impression d’en souffrir. Dégage. Dégage. Dégage. Putain mais casse-toi de chez moi, de chez nous, t’as rien à y faire. T’as jamais rien eu à y faire de toute manière. Elle aurait voulu lui dire ça à voix haute. Mais non, rien n’était sorti.

Parce qu’au fond, elle n’en avait clairement pas envie, c’est tout. Elle ne l’admettait tout simplement pas.

Finie la sympathique Robot Rock, Brooke se laissait aller à des sentiments qu’elle n’aurait jamais pu penser connaître un jour. Ou du moins, pas à ce niveau-là. L’injustice, elle avait connu. La méchanceté, pareil. La vilenie, aussi. Mais ça, ce qu’il faisait, en parfaite connaissance de cause, non. C’était une première, pour elle. Que les autres, les inconnus, lui veulent du mal, la haïsse, au final, elle s’en branlait royalement. Mais que lui, Elliot, l’une des rares personnes à avoir pu s’attirer sa confiance, lui fasse un coup pareil, non. Elle ne pouvait pas admettre, ni pardonner. Elle sent les larmes qui lui montent aux yeux, si bleus, si expressifs.
Sauf qu’elle n’en montre rien ; elle ne veut rien en montrer.

Parce qu’elle a déjà suffisamment donné à ce niveau-là.

Elle estime avoir déjà été suffisamment patiente avec lui, ce salopard, au final. Elle ne sait pas ce qui a pu le changer à ce point-là en un an seulement – mal placée pour parler, elle l’est à fond – mais rien à foutre, il avait qu’à être plus sympa, comme ce à quoi elle s’était attendu de sa part, et peut-être aurait-elle un peu plus accueillante. Pourtant, elle était prête à lui accorder sa présence, elle en avait besoin, pour construire un début d’équilibre dans ce foutoir sans nom qu’était sa vie à toutes les hauteurs pour le moment.
Mais il a tout cassé, encore.

Ils sont tout proches maintenant. L’ex-Vaughan s’est rapprochée, aussi. Elle peut sentir leurs respirations qui s’entremêlent. Ohoh, elle peut le frapper ? Sérieusement ? Genre, elle allait attendre son approbation, tiens. Ça la démange d’agir comme ça, après tout. Il s’estime plus bas que terre ? Soit, elle va le conforter dans son idée, à sa manière, dans ce cas. Quelle générosité. Ahah. Elle attrape son col avec une vivacité dont elle ne se savait plus porteuse. Et le coup de tête part tout seul. Mais comme il a plein de copains, il a aussi embarqué avec lui un coup de genou dans le bras gauche. Pas d’os cassé ni rien, mais il aura au moins un beau bleu demain. Le genre d’hématome qui prend la moitié d’un membre. Sympathique.

Elle finit par le repousser plus loin avec son pied ensanglanté et virevolte vers le salon.

« Fous le camp, puisque tu le veux tant. Finalement t’es même pas différents des autres. »

Elle insiste bien sur le mot ‘autre’, même si elle doute que ça le touche, vu comment les choses sont parties.

« Archimède va te raccompagner jusqu’à la sortie si jamais tu ne sais plus marcher comme un grand. Je ne veux plus te voir, jamais. »

Menteuse. Menteuse. Menteuse. Ça fait mal putain. PUTAIN !



   

C'est lorsqu'il croise son regard qu'il regrette. Une fraction de seconde. Un infime moment. Il songe qu'il n'aurait peut-être pas dû. Mais c'est trop tard. Et de toute façon, même si la scène s'était rejouée, il était persuadé que ça serait quand même arrivé. Mais son regard. Bleu comme le sien, emprunt d'une douleur qu'il ne connaissait pas. Ça lui avait fait mal, un peu, parce qu'il y lisait qu'elle le haïssait pour ce qu'il venait de faire. Pourtant, c'est ce qu'il avait voulu, ça se passait exactement comme il l'avait prévu. Et n'était-ce pas lui-même qui tirait sa fierté de ce genre de pensée ? Pourquoi assurait-il qu'il aimait se faire détester, s'il n'était plus capable d'assumer par la suite. Ou peut-être était-ce parce que venant d'elle, c'était différent. Tout était toujours différent lorsqu'il y avait Brooke. Mais il était incapable de dire pourquoi.

Il ne prit pas la peine d'éviter ses coups. Il lui avait lui-même proposé de les faire, ç'aurait été le summum de la lâcheté de se défiler au dernier moment. Elliot était lâche, mais pas assez ce soir. Pas assez pour déguerpir dans la nuit comme elle voulait qu'il le fasse. Mais il ne lui obéirait pas. Il sait très bien que ça serait la meilleure chose à faire, mais il ne peut pas s'y résoudre. Il n'a pas envie de la laisser, après l'avoir lui-même rendue aussi furieuse, il voulait être celui qui la réconforterait. Enfin, il n'avait pas précisément cette idée en tête, mais c'était sûrement quelque chose comme ça. Il ne savait juste pas mettre de mots dessus.

La douleur dans son bras se fait finalement ressentir. Pas violemment, mais il la sent. Elle n'avait pas été amicale. Il passa une main sur son front, une bosse commençait déjà à se former. La Légende avait la tête dure. Dure mais pas assez remplie. Elliot avait envie de la traiter d'idiote. Il n'arrivait pas à comprendre qu'elle puisse être si aveugle. Mais elle ne lui en laissa pas le temps, filant hors de sa portée, fuyant comme lui avait l'habitude de le faire. Lui, pas elle. Ce n'était pas son genre à elle de se défiler. En fait, il n'y avait rien qui soit habituel ce soir. Rien de normal. Tout était déréglé, incorrect, inapproprié. Ses mots, les réactions de la rouquine, ses pensées. Il était venu avec une idée en tête, au départ, mais voilà qu'elle s'était échappée. Il se retrouvait là, les bras ballants, en se demandant s'il devait la rattraper, ou juste se retourner et partir.

Mais il ne peut pas à se résoudre ça. Il en est juste incapable. Sa dernière phrase lui a fait mal, plus qu'il ne l'aurait cru. En fait, il ne pensait pas que des mots pourraient l'affecter autant un jour dans sa vie. Et pourtant, ceux de Brooke viennent de le faire. Je ne veux plus jamais te revoir. Est-ce qu'elle sait ce que cela signifie ? Est-ce qu'elle a la moindre idée de ce que cela veut dire ? Plus jamais. Peut-être que oui, en fait. Peut-être qu'elle le pense réellement. Le criminel ne veut pas savoir. En fait, il ne veut plus comprendre, ni réfléchir. Il veut juste agir, comme un imbécile. Il voit sa silhouette s'éloigner de lui, et il a l'impression que s'il ne la retient pas, ça sera pour toujours. Et il ne veut pas de ça.

Elliot ignore le robot ménager – adorable créature de fer voulant l'aider – il traverse la pièce pour la rattraper, avant qu'elle ne disparaisse complètement de sa vue, ou de sa vie. Sa chevelure rousse lui fouette le visage lorsqu'elle se retourne vers lui, après qu'il lui ait agrippé le poignet. A nouveau, il croise son regard. Plus longtemps, cette fois. Il n'a aucune idée de ce qu'elle peut lire dans le sien, il s'en moque, il n'a rien à lui cacher qu'elle ne sache déjà. Enfin, c'est ce qu'il pense pour l'instant. Mais lui se perd dans ses pupilles couleur ciel, il est incapable de s'en détacher, pendant plusieurs secondes, il ne sait plus ce qu'il veut lui dire. Mais cela revient vite. Il la lâche, s'écarte de quelques centimètres et détourne son regard. Il ne peut pas la fixer plus longtemps, trop faible pour ça. Faible, atrocement faible. Et il continue quand même de se cacher derrière des murs de méchanceté.

- T'as rien compris.

Les mots sortent d'eux-même, il ne sait même pas pourquoi. Il est énervé, de nouveau. Contre elle, et surtout contre lui-même. Il se rend compte qu'il est incapable de s'exprimer correctement, que tout ce qui passe par ses lèvres fini par être déformé, mal interprété. Et il ne sait même pas comment arranger ça. Alors il improvise.

- Merde Brooke, pourquoi tu penses toujours que c'est de ta faute ? Pourquoi pour une putain de fois dans ta vie tu ne vas pas les envoyer se faire foutre eux ? Pourquoi moi ? Parce que je t'ai dit ce que tu ne voulais pas entendre ?

Trop de choses se bousculent dans sa tête, tout en même temps. Il sait qu'il ne s'exprime pas correctement, qu'il n'arrive qu'à la décevoir, toujours plus. Il le lit sur son visage. Mais il ne veut pas s'arrêter là, pour une fois, il veut terminer ce qu'il a commencé. Qu'elle finisse par comprendre ce qu'il veut lui dire depuis le début de cette conversation, sans queue ni tête, lorsqu'on y songe calmement.

- Tu sais bien que je suis incapable de compatir, je suis un criminel. J'ai passé un an à risquer ma vie pour quelqu'un et au final je n'ai rien obtenu en retour. Alors non, je suis pas venu pour te plaindre, ni pour te dire que ce n'est pas si grave. Parce que tu as quand même appuyé sur cet interrupteur, personne ne peut le nier.

Il en rajoute encore, il ne le fait même plus exprès. Il serre les dents. Il sait que s'il ne s'exprime pas clairement une bonne fois pour toute, il va la perdre. Elle va le renvoyer de chez elle et ne plus jamais lui adresser la parole. Et il ne veut ça pour rien au monde. Il ne le supporterait pas.

- Je sais que je m'y prends mal, je suis pas doué avec ça.

Le terme exact aurait été « totalement incapable de gérer ce type de situation » mais il n'a pas l'envie d'en plaisanter. Pas pour l'instant. Plus tard peut-être, à voir.

- Mais plutôt que de croire que je suis venu te juger, essaye de comprendre que je voulais juste...

Il bute sur le mot. Il ne l'utilise pas assez souvent. Même carrément jamais. Et puis son comportement n'a tellement pas été dans ce sens là jusqu'à présent. On ne pouvait pas en vouloir à Brooke de s'être énervée. Il avait été le pire des salops, c'était vrai. Et maintenant qu'il voulait se rattraper, il se rendait compte qu'il avait manœuvré la chose de manière à ne pouvoir s'en sortir qu'en passant pour un imbécile. Le roi des imbéciles.

- ... te réconforter.

C'est sur. Et toutes ces horribles choses prononcées précédemment ? Tu les mets à la poubelle tranquillement c'est ça ? Elliot, ça ne marche pas comme ça. On ne s'arrange pas pour faire mal à quelqu'un juste avant de lui dire qu'on tient à lui, ça ne fonctionne pas. Ta manière d'être ne fonctionne pas. Et il s'en rend compte, soudainement. Ça lui arrive à la figure comme une illumination. Il se mord la lèvre inférieur. Il se rend compte qu'il regrette, mais c'est trop tard. Bien trop tard. On ne remontera pas le temps pour lui. Tant pis.

   

Non, elle ne reviendrait pas sur sa décision, même pas en rêve. Aveuglée par la colère, les nerfs mis à vifs par la rancœur, Brooke s’apprêtait à faire une erreur monumentale qui lui aurait coutée très cher par la suite car elle ne se le serait jamais pardonné, c’aurait été trop dur. Pourtant Elliot l’avait bien cherché. Il le savait pourtant, comment elle était, comment elle pouvait être, non ? C’est bien comme ça que sont censés être les amis, non ? Et si finalement, il n’en était pas un, d’amis ? Cette possibilité lui explosa soudainement au visage, comme de l’acide, alors qu’elle sentit son poignet être capturé par ses phalanges. Il la retourna, croisa son regard.

Ô bien sûr, elle pouvait lire tout un tas d’émotions qu’elle décrypte facilement dans ces grands yeux bleus ciels qui trouvent quand même le moyen de l’apaiser, pour un petit instant. Seulement les flammes de sa rage sont trop puissantes maintenant. L’anglais a déclenché un ouragan dans le cœur déjà bien remué de la jeune femme. Elle ne sait même pas pourquoi elle l’écoute, pourquoi elle boit presque ses mots, pourquoi tout simplement. Quelque chose en elle espère qu’en fin de compte, c’est lui qui va se mettre à genoux pour lui demander pardon. C’est malsain mais ça lui ferait plaisir. Sauf que non, elle n’est pas idiote, du moins, pas à ce point, non plus. Elle savait bien que le brun jamais ne s’abaisserait à faire une chose pareille, ni pour elle ni pour personne. Car a bien y regarder, il n’avait pas un tempérament à agir de la sorte, même pour une personne proche. Mais alors, qu’est-ce qu’elle était pour lui et réciproquement, putain ?! Cette question, elle avait beau la disséquer, la réponse qu’elle en tirait n’était jamais claire.

Alors, elle péta juste un bon gros câble et se mit à hurler comme une hystérique, puisque de toute manière, elle n’était pas en état de faire quoi que ce soit d’autre pour le moment.
« Mais bordel de merde, vous me soulez tous, tous, tous ! Pourquoi personne n’essaie de se mettre à ma place pour une fois ?! J’ai toujours été là pour tout le monde, je répondais présente, et maintenant que j’ai besoin de soutien, on m’enfonce ! Mais toi comme les autres là-bas, vous ne savez pas ce que je vis. Non, vous ne savez pas et vous ne le saurez jamais ! JA-MAIS, tu m’entends Elliot ?! Jamais putain ! Vous ne savez pas ce que ça fait d’être seule, de ne plus être humaine à ses propres yeux ! Tu ne sais pas ce que ça fait de découvrir qu’on est une extra-terrestre et pire encore la petite sœur d’un dictateur psychopathe ! Avoir le même sang que ce salopard dans les veines, tu peux pas comprendre à quel point ça me tue parce que tu ne te met pas à me place et ne te cache pas derrière ton statut de criminel pour prendre de la distance, t’as assez fuit comme ça putain ! »
Elle s’essouffle mais reprend vite une suite de discours saccadée.

« Tu sais pas ce que ça fait de se dire qu’on va vivre deux cent quarante ans et qu’on a pas fini de douiller ! Tu sais pas ce que ça fait de se faire fusiller parce qu’on a fait une TOUTE PETITE PUTAIN D’ERREUR DE CALCUL ! Cette exécution, tout le monde était pour ! Et une fois que je me suis salie les mains, on m’accuse des pires horreurs ! Je ne voulais pas le torturer, c’était une bavure ! Une bavure putain ! Je dois le dire dans quelle langue à la fin pour que tu comprennes ?! »

Une fois encore, elle l’attrape par le col et le secoue, comme si ça pouvait arranger les choses. Cela dit, elle ne le regarde pas, trop douloureux. Et puis son pied la lance encore. Elle peut sentir le sang qui s’échappe à travers les petites coupures, en dessous de ses orteils. Tant pis, elle s’en fiche, elle veut juste un peu de paix, pour changer. Le moment surréaliste continue alors qu’elle ne peut plus contenir ses larmes, qui coulent le long de son visage. Elle baisse se dernier, espérant sans trop y croire qu’Elliot n’y verra que du feu. Elle se rapproche de lui, essayant de masquer cet aspect de faiblesse qui ressort beaucoup trop à son goût, ces derniers temps. Elle ne se reconnait pas elle-même. Ça aussi, ça fait mal. Très mal. Trop mal. Surtout lorsque l’on est aussi fragile et instable que Brooke en ce moment. Ses yeux tressautent. Elle les ferme un peu pour continuer ses diatribes inutiles pourtant bourrées de sens.

« Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’à chaque fois que je dis la vérité, que j’essaie de me justifier pour que les gens comprennent, je me fait traiter de monstre, hein ? J’ai juste voulu protéger tout le monde et venger les morts, c’est mal d’en être arrivé là ? D’être passé par cette case obligatoire et d’avoir commis une petite bourde ? Ce type n’était même pas humain mais certains le plaigne. Moi non plus je ne suis pas humaine, mais parce que je suis Klong, on me descend… Je pensais que prendre le nom de Meknes apaiserait les craintes et le décrédibiliserait, mais je me suis planté en beauté. Je ne suis pas différente d’eux pourtant… Je fais des choix et j’essaie de vivre avec, c’est tout… Et ce qu'il y a de plus dur à supporter, c'est que tout ce qu'ils me disent, je le comprend. Je ne peux pas les envoyer chier... pour le simple et bon motif qu'ils ont raisons.... ils ont raisons sur toute la ligne putain... »

Parler, c’était de plus en plus dur.

« J’ai sacrifié le mauvais frère… »

Ici, elle faisait référence à Lester, dont elle avait abandonné le nom de famille qu’il lui avait donné il y a seize ans, pour lui fournir une existence propre. Elle était Brooke 3MAJ maintenant, l’alien de service. Elle regrettait ce choix, vraiment. Jamais elle n’aurait pu penser que cela aille si loin, ce bazard incommensurable. Elle a mal, tellement mal. Elle voudrait remonter la pente, mais pour l’instant c’est trop dur. Elle était au fond du gouffre et Elliot vient d’achever le travail de la briser en tout petits éclats, tout petits morceaux. Ça brule le cœur.

« Je n’ai pas hurlé parce que tu m’as dit ce que je ne voulais pas entendre… Mais parce que tu as parlé comme eux tous, au dehors… C’est tout… »

Plus ça va et plus elle trouve ses réactions, ses argumentations vaseuses au possible. Elle n’ose même pas lui demander s’il reste ou pas en fin de compte, cette question, par fierté ou autre sentiment à la con dont elle est toujours pourvue, l’en empêche, tout simplement. Elle souffle une expiration épaisse dans le costume du jeune homme, raffermissant sa prise dessus malgré tout. Elle ne pensait pas être aussi ravie qu’un jour il la surplombe. Pourtant, maintenant, c’est le cas.

   

- Brooke, je...

Non, tais-toi.

Quoi qu'il veuille dire, ça ne sert plus à rien maintenant. Il a eu ce qu'il voulait. Elle lui a donné toutes ses émotions en pâture, il n'a plus rien à rajouter. Il ne peut pas l'enfoncer plus qu'il ne l'a déjà fait. Il est venu l'achever, bien, il a réussi son coup. Qu'est-ce que ça lui a apporté ? Rien, ou la certitude qu'il était un salopard – bien qu'il le savait déjà. Il ne sait même plus quoi faire maintenant. La situation avait dérivé non pas à son désavantage, mais plutôt de manière incongrue, vers une tournure dont il ne savait rien à l'avance. Jusque là il avait pu prévoir qu'elle s'énerverait, qu'elle lui en voudrait, qu'elle le haïrait. En fait, il s'était attendu à ce qu'elle le frappe encore et que, après sa tirade, lui ordonne finalement de s'en aller, sans lui laisser le choix, cette fois. Il avait pensé qu'il repartirait par où il était venu, les mains dans les poches, les épaules supportant mal le poids de la culpabilité. Mais non.

Elle était là, toute proche de lui, les doigts sur sa veste. Elle pleurait. Elle voulait lui cacher, mais il n'était pas le dernier des imbéciles – enfin, techniquement si. Tout du moins, il l'entendait sangloter, et ça le mettait si mal à l'aise. Il ne l'avait jamais vu comme ça, en fait, il avait du mal à imaginer que cela pouvait lui arriver, de craquer. C'était une Légende, elle était forte, elle avait surmonté tellement de choses. Il ne pensait pas que lui, un vulgaire criminel comparé à elle, serait capable de la pousser jusque dans ses derniers retranchements. Oui, c'était ce qu'il voulait, au départ. Mais il n'en était pas très fier, finalement. Ça ne lui avait apporté aucune satisfaction de savoir qu'il avait réussi. Peut-être même pour la première fois de sa vie, il se rendit compte que les autres ne trouvaient pas forcément ça très drôle, lorsqu'il se mettait à son petit jeu préféré. En règle général, il s'en serait moqué. Mais pas ce soir, apparemment.

Il aurait dû être l'épaule sur laquelle elle devait se laisser aller, il le savait. Mais il en était incapable. Il n'était pas fait pour ça, pour jouer les psychologues improvisés. La dernière fois qu'il avait tenté, c'était avec Damian. Et avec ce dernier aussi, il y avait eu de l’ambiguïté. Et puis au final ils avaient coupé les ponts, comme ça, sans raison. Il ne l'avait jamais revu. Elliot ne voulait pas ce que cela se passe de la même manière avec la rouquine. Il savait qu'elle était forte pour ça, écouter les autres parler, les soutenir, elle venait de lui dire, elle le faisait, tout le temps, pour tout le monde. Mais pas lui, oh non, parce qu'il n'avait aucune idée de la conduite à adopter, après, et il finissait toujours par merder. Comme il venait déjà de le faire admirablement bien ce soir. Il finit par se dire que les mots ne servaient plus à rien. Il ne se voyait pas en rajouter après elle, il en avait déjà assez fait comme ça.

S'il ne sait plus quoi dire, il essaye au moins d'agir. Ses bras jusque là laissés le long de son corps se mettent en mouvement. Il n'est pas sur que ce soit vraiment ce qu'elle attend – en fait il se doute qu'elle n'attend plus grand chose de lui désormais – mais il tente. Et si elle le repousse, tant pis. Il s'en ira, et pour de bon cette fois. Une de ses mains remonte le long de son dos et vient se passer dans ses cheveux, l'autre lui entour la taille. Il la prend dans ses bras, comme elle, lors de leur première rencontre. Il ne la serre pas vraiment, n'ose pas. Il essaye juste de la rassurer, ou la calmer, quelque chose comme ça. Parce qu'elle pleure encore, et qu'il sait qu'en règle général, deux personnes comme eux, proches, amis, peut-être, ont le droit de se consoler lorsqu'elles vont mal. Brooke allait mal. Il penche sa tête près de son oreille.

- Pourquoi est-ce que j'aurais été différent des autres ? Je suis pire qu'eux. Tu le sais, non ?

Il pensait qu'elle était au courant depuis longtemps, l'avoir parmi ses proches ne voulait pas forcément dire que ça changeait sa personnalité. Elle le traitait comme un enfant, avant, parce qu'il avait la taille pour. Mais ce n'était plus possible maintenant. Il avait envie qu'elle se rende compte qu'il n'était pas ce qu'elle attendait, qu'elle se trompait à son sujet, qu'il n'était pas fondamentalement bon. Mais en même temps, il voulait le contraire. Ça n'avait plus aucun sens. Ce qu'il se passait dans sa tête n'avait plus aucun sens non plus.

- C'est à tes amis qu'il faut demander un soutien, en général, pas aux types nuisibles comme moi.

Il parlait de Strider, Johan, les légendes – encore vivantes – et puis des autres aussi : Eric, Serren, et tous ceux qu'il ne connaissait pas. Elle avait des amis. Elle n'était pas seule, elle, même si elle s'évertuait à penser le contraire. C'est juste qu'elle avait attendu sur Elliot, alors qu'il n'était pas celui qu'elle espérait. Ça ne se jouait qu'à un mauvais choix. Ça le tuait de se rendre compte qu'il n'était pas foutu d'être digne d'elle, qu'il n'arrivait même pas à comprendre ce qu'elle voulait de lui. Il n'arrivait pas à se compter parmi ces héros, ces vrais héros. Il n'en était pas un. Il ne le serait jamais.

- Même si...

Et pourtant, il s'évertuait à essayer. Passant du mauvais au bon, sans raison, dansant d'un pied sur l'autre, retournant sa veste à la première occasion. Assumant ses choix, les regrettant après, il était constamment indécis, il ne savait plus quel rôle jouer. Celui du criminel, ou celui du... du quoi au juste ? Il n'avait toujours pas de mot pour. Y en aurait-il un jour ?

- … j'aurais bien voulu en faire parti, tu vois. Mais je t'ai fait mal, je le sais. Tu ne me le pardonneras probablement pas. En fait, au fond, je préfère que ce soit moi qui l'ai fait. Je ne veux voir personne d'autre faire couler tes larmes, personne.

Ses mots n'ont aucun sens. Il avait pourtant voulu arrêter de parler. Mais non, c'est plus fort que lui. Il resserre un peu son étreinte sur elle. Ça ne sert plus à rien de s'excuser maintenant. Il profite juste de cet instant, sachant pertinemment qu'il ne durera pas. Il attend patiemment qu'elle le rejette. Même s'il sait que ça va lui faire mal.

   

Elle avait l’impression de pouvoir rester ainsi pour l’éternité. A vrai dire, ça ne l’aurait dérangé qu’à peine, tout ça. Elle en avait marre, elle était fatiguée. Brooke n’en pouvait juste plus, c’est tout. Elle avait atteint ses limites. Entre Louise, Wilhelm et Serren pour couronner le tout, elle ne pouvait plus faire face et tout garder pour elle. Parce que c’était trop dur, trop incisif. Et celui qui avait crevé l’abcès n’était autre qu’Elliot, celui dont elle aurait souhaité ne jamais voir cette putain de facette d’enfoiré. La rousse avait pris cette habitude peut-être un peu trop à cœur, finalement, de se dire que l’anglais n’était pas un ‘si mauvais bougre que ça’. Qu’il avait, bien sur, ‘son caractère’, mais qu’il ne pourrait pas tuer quelqu’un de sang froid ou blesser délibérément avec des mots choisis. C’était une belle claque dans la gueule qu’elle venait de se prendre, en deux temps, trois mouvements. Et le pire était qu’elle commençait à culpabiliser en se disant que c’était peut-être de sa faute, au final ; qu’elle n’avait pas été assez « prévoyante », pas assez présente, tout ce joyeux bordel, en somme.

Elle l’écoute parler, encore et encore. Elle n’arrive pas à dire ce que ces mots, ces termes, on comme impact sur elle. Est-ce qu’ils lui font du bien ou est-ce qu’ils l’enfoncent, au contraire ? Elle ne veut plus réfléchir. Elle veut juste lui dire ‘ta gueule’, qu’il se la ferme une bonne fois pour toute. Sauf qu’elle n’en fait rien parce que visiblement, dès qu’elle ouvre la bouche, ne serait-ce que pour essayer de dire une gentillesse, ça part en vrille, pour rester polie. Et elle n’a pas envie d’une énième prise de gueule pour que dalle. Juste du repos, c’est tout ce qu’elle demande. Peut-être qu’après cette crise de larmes, ça ira finalement mieux et qu’elle pourra espérer une pause bien méritée. Ce serait salvateur pour tout le monde, dans doute. Brooke doit panser ses plaies, se refaire une coquille, réapprendre à résister avec le poids des regards mauvais sur ses épaules. Mais ça ne se fera pas en un jour et c’est en cela qu’Elliot était supposé l’aider.

Finalement, en désespoir de cause, elle serre le morceau e tissu entre ses doigts de toutes ses forces, serrant les dents dans le même timing. Putain mais il est complétement con ou quoi ?! Elle doit lui mettre l’évidence sous le nez pour qu’il comprenne à quel point il est dans le faux ?! Non mais… il lui est arrivé quoi pendant un an entier pour qu’il change à ce point-là ?! Merde, il n’était pas le dernier des abrutis pourtant, ça, elle en était sure. Mais on aurait dit qu’il ne voyait même pas l’évidence qui était là, juste en face de son nez. Ou alors il ne voulait pas la voir. Et ça, oui, par contre, Brooke le prenait comme une insulte personnelle. Ça la fait bouillir de tout son être. Elle ne peut plus se retenir. Un pas en arrière en s’écartant de lui et de son emprise si douce. Une première gifle tombe.

« MAIS T’ES COMPLÉTEMENT ABRUTI OU QUOI ?! »

Une seconde, histoire d’assortir les deux joues.

« Tu crois que t’es quoi pour moi sinon un ami ?! Un pantin ? Un passe-temps ?! Putian mais non t’es rien de tout ça ! T’as ma confiance espèce de connard ! Tu as disparu comme ça sans rien me dire pendant un an et même si je n’ai pas pu te chercher, ce n’est pas l’envie qui m’en manquait, très sérieusement ! Tu penses qu’à toi nom de Dieu ! Je me suis inquiété pour toi tu sais ?! Connard, connard, connard, CONNARD ! »

Elle s’essouffle, encore. Sa gorge lui fait mal, elle a l’impression que si elle continue dans cette voie-là, elle va finir aphone avant la fin de la soirée. Seulement… Elle n’a pas vraiment le temps d’y penser, à vrai dire. Avant même qu’elle ne le réalise, ses nano-machines s’enroule autour d’elle pour la faire s’assoir dans le premier fauteuil disponible. Le petit robot ménager fait de même avec Elliot – en émettant des sons qui paraissent être des réprobations robotiques. Brooke ne comprend pas bien tout de suite ce qu’il se joue, là, maintenant.

« Que… ? »
« Avec tout le respect que je vous dois, Madame, permettez-moi d’intervenir. »
« Archimède ? »
« Je ne vous félicite pas ! Ni l’un, ni l’autre ! »

Un hologramme de majordome aux tempes grisonnantes apparait alors entre eux, un peu phosphorescent à cause de la pénombre alentours. Il ne leur laisse pas le temps d’en placer une avant d’enchainer.

« Vous les êtres vivants dotés d’un système nerveux et sensoriel direct êtes si compliqués à comprendre ! Pourquoi ne pas faire les choses simplement et transférer vos données, en l’occurrence, vos états d’âmes respectifs, l’un vers l’autre, sans chercher la complexité ? Honnêtement, dites-moi, qu’est-ce que cela vous apporte sinon la chose désagréable que vous autres appelez la ‘souffrance’ ? Je serais bien curieux de le savoir ! »

Il semble jauger du regard Brooke, puis Elliot.

« Maintenant, Monsieur Holmes, Madame, je me retire de vos champs de visions. Cependant, 0.2 et moi-même ne vous laisserons pas repartir tant que vous n’aurez pas explicitement dit ce que vous avez sur le cœur, l’un comme l’autre. Vous m’en voyez navré de devoir vous considérer comme des enfants de la maternelle. »

Il fait mine de soupirer et disparait. En vérité, il est toujours là, mais il n’est tout simplement plus visible à l’œil nu, voilà tout. Brooke se sent honteuse. En seize ans, c’est la première fois qu’Archimède lui faisait la leçon de ce genre, hors discussion construire et argumentée. Elle se sent toute chose et ne sait plus vraiment quoi dire. Pourtant, le silence perpétuel ne sera pas une solution et elle le sait. Elle doit donc se forcer à briser la glace, comme à chaque fois.

« …Il a raison quelque part, non ? »

Elle déglutit. Vite, ne pas perdre le fil et battre le fer pendant qu’il est chaud.

« Tu… Tu veux pas rester ? On a qu’à aller dans mon atelier, on sera plus tranquille pour parler. Je bloquerai les ascenseurs, comme ça personne ne pourra venir nous déranger pendant qu’on s’explique toi et moi. »

Si explication est le bon terme pour cette situation foireuse, ce dont l’alien n’est, au fond, pas vraiment sure. Elle détourne les yeux, encore. Elle se sent vidée de toute émotion, de toute énergie. Un retour à la case départ ? Il semblerait bien que ce soit en effet le cas. Qui eut cru qu’il eut fallu une telle attaque contre sa personne pour se faire.


   

En fait, ça avait même fait plus mal qu'il se l'était imaginé. Il n'avait pas vu venir les claques, aucune des deux. Son visage avait violemment pris une direction, puis une autre, sans qu'il puisse l'éviter. Et ça avait été douloureux presque tout de suite après. Les mots, eux, n'avaient pas été beaucoup mieux. Comme des lames acérées, les insultes l'avaient égratigné puis blessé, plus qu'il ne l'aurait cru. Il se sentait con, mon Dieu, ce qu'il avait honte. Il aurait voulu se cacher quelque part, derrière un masque peut-être. Fuir très loin de son regard inquisiteur et de ses paroles pourtant toutes plus vraies les unes que les autres. Il est trop fier pour l'admettre, trop imbécile pour reconnaître ces évidences qu'elle lui balance à la figure. Il aurait préféré qu'elle lui dise qu'il n'était rien pour elle, en fait, parce que savoir ça lui fait encore plus mal, maintenant.

Elliot finit par comprendre que ça ne sert plus à rien de continuer comme ça. Il est temps de partir. Ils se sont assez foutu sur la gueule pour le reste de leur vie, au moins. Il sait qu'en plus, s'il reste là, il va faire une connerie – encore une, vous me direz. Et pour le coup, il ne veut pas en arriver là, ça serait vraiment la fin de leur pseudo-amitié peuplée de non-dits, si ce n'était pas déjà fini. Il recule donc, d'un pas, mais ne peut pas aller plus loin. Il bute sur le petit robot-ménager, qui le pousse en sens inverse, vers un fauteuil. Il est trop surpris pour résister, ahuri de voir l'être électrique s'énerver, oui, s'énerver, gazouillant des bruits pouvant s'apparenter à des remontrances. Puis il saute sur ses genoux, et lui cogne le front. Aïe, ça fait mal. Qu'est-ce qui lui prend ?

Il lui prend qu'une intelligence artificiel leur fait la morale. Archimède, dans son hologramme, est plus inquisiteur que l'aurait été un être fait de chaire et de sang. Le criminel se sent comme un gosse disputé par son tuteur. Son discours le laisse sans voix, il n'en revient pas. Il est tombé si bas qu'une machine peut lui dire qu'il est un imbécile – bien qu'il avait toujours considéré la conscience comme plus qu'un simple enchevêtrement de câbles, même sans le vouloir. La douleur d'avoir été si violemment rejeté par la Légende fait place à un véritable questionnement existentiel. Qu'est-ce qu'il fou là, en fait ? Pourquoi est-ce qu'il est venu ? Pour se prendre des claques ? Se faire détester ? Se faire entendre dire qu'on est le dernier des connards ? Non, pas pour tout ça, pas du tout.

Archimède disparaît. Il a encore du mal à croire ce qu'il vient d'entendre. Puis il reporte son regard sur Brooke. Elle aussi semble un peu secouée. Alors ils ne sont que deux gamins, au final, deux garnements qui ne savent pas comment se dire des choses pourtant si simples. Elliot ne pensait pas revenir à cette évidence si rapidement, mais c'était vrai, au fond, il n'avait jamais vraiment grandi. Il se sentait si honteux, tout à coup. Il n'avait pas cessé d'agir comme un idiot toute la soirée. Il n'était même pas foutu de l'assumer. Ça le tuait de reconnaître qu'il avait tort. Il a envie détruire quelque chose, n'importe quoi, ses poings se serrent alors qu'il détourne le regard. Il est pathétique bon sang. Même pas foutu de comprendre ce que les autres ressentent, même pas capable de savoir quand quelqu'un qu'il apprécie a besoin de lui. Il relève la tête vers elle, lorsqu'elle lui propose de s'expliquer. S'expliquer. Ouais, c'est sur, c'est ce qu'il faudrait faire. Mais il ne sait plus quoi expliquer, franchement. Sa connerie ? Ils y passeraient des heures. Quand à elle, elle lui avait déjà dit à peu près tout ce qu'elle avait sur le cœur, il en était certain. Et il ne voulait plus remuer le couteau dans la plaie, miracle, c'était lui qui en avait assez.

- On a pas besoin de s'enfermer quelque part pour ça.

Finalement, quelque chose de clair s'impose enfin à son esprit. Il lui aura fallu toute la soirée pour que cela atteigne son cerveau. C'est une idée limpide, un sentiment aussi nouveau que vieux de plusieurs mois, qu'il avait sentit prendre de l'ampleur, sans jamais vraiment y avoir fait attention. Seulement maintenant qu'il est là, face à la rousse, seul, après s'être ainsi disputé, il ne lui reste plus que ça. Ça commence à l'obséder. Ça le démange. Il prend le petit robot-ménager et le pose au sol pour pouvoir se relever. Il s'approche d'elle, toujours dans son fauteuil, toujours un peu perdue. Lui aussi, il est perdu, totalement à la ramasse, il sait qu'il va faire une énorme bêtise, s'il ne s'arrête pas à temps, mais c'est plus fort que lui. Il croise son regard.

- La seule chose qu'il faudrait que je te dise en fait c'est...

Il hésite, et se mord la lèvre. Il va tout gâcher, il le sait. Comme il sait que s'il ne le fait pas maintenant, il va le regretter. Alors il se penche en avant et pose ses mains sur les accoudoirs du fauteuil où elle est installée. Il se rend compte qu'il n'y a aucune logique dans ses actes. Un quart d'heure auparavant, il faisait tout pour la briser. Et maintenant, il revenait comme une fleur, comme si ils avaient déjà tout oublié. Mais c'est faux. C'est juste qu'il fait ce qu'Archimède lui a dit de faire. Il va lui dire ce qu'il a sur le cœur. Sans passer par ses artifices de criminel, sans passer par sa fierté mal placée. Juste lui, abandonné par sa carapace de méchanceté. Il ne sait même pas pourquoi, il affiche un faible sourire. Si elle pouvait le comprendre, elle lirait sûrement quelque chose comme « il m'a fallu deux ans, un coup de tête, deux claques et un robot-ménager pour te dire ça. » Il a rapproché son visage du sien, ils ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre.

- Je t'aime.

Il le dit dans un souffle, aussitôt disparu. Et il l'embrasse, mais pas comme la dernière fois. Parce qu'il n'était pas soul. C'est un vrai baiser, dans lequel il ne peut s'empêcher de faire passer un bon nombre de ses émotions, même celles qu'il n'aurait jamais voulu partager. Il profite de ses lèvres, parce qu'il sait qu'il ne pourrait jamais réitéré. Et lorsqu’enfin il s'écarte, il sourit encore. Dans la pénombre cela paraît sournois, comme une moquerie, mais ça n'en est pas une. Si Elliot rit, c'est de lui-même.

- Tu vois, Archimède a toujours raison.

Encore une fois oui. Et maintenant qu'il avait rempli sa part du contrat, il allait pouvoir s'en aller. Il n'y avait plus rien à dire. Il sait qu'il a définitivement brisé ce qu'il restait de complicité entre eux. Il ne veut simplement pas l'entendre le lui dire. Il recule de quelques pas et avise la sortie. Il aurait aimé que cela se finisse autrement, vraiment. Mais elle l'empêchait de résonner correctement, et ce depuis plus longtemps qu'elle ne le pensait.

   

Deux solutions possibles ; soit l’univers partaient en vrille encore plus qu’elle ne l’aurait imaginé récemment, soit c’était vraiment elle qui avait un problème. Peut-être qu’au final, c’était elle qui avait été aveugle à tout ça depuis le début, à toute cette affection qu’on lui portait de tout côté.

Peut-être qu’au fond, elle avait choisi d’y être résistante, de ne pas la voir, de ne pas la sentir, de faire comme si tout n’existait pas. Aurait-elle diablement pu être stupide à ce point ? Soudainement, l’Alien se posait ces questions, par centaines, par milliers. Tout ce capharnaüm s’exaltait dans sa tête, tournant encore et encore sans jamais paraitre vouloir s’arrêter. Un milliards d’interrogations, pas une seule réponse. Du moins, pas cohérente. Et Brooke n'était pas encore suffisamment sous l’emprise de l’alcool pour se laisser aller à se satisfaire des explications abracadabrantes d’un lapin sorti d’un chapeau, tout de même.

La seule chose qu’elle réalise bien c’est qu’elle a cette sensation de culpabilité qui la ronge de nouveau. La même chose lorsque c’était arrivé avec Louise, puis avec Strider et enfin avec Serren. Paradoxe. On lui disait qu’on l’aimait et finalement ça ne lui convenait pas. Elle n’était donc jamais satisfaite, cette femme d’un autre univers ; toujours en quête de quelque chose qu’elle avait probablement sous les yeux, pour ne pas changer. Elle a envie de pleurer mais ses yeux piquent trop pour ça. Et puis d’un autre côté, elle se dit qu’elle en a marre de fondre en larmes à chaque occasion. C’est lassant, ça la fait se sentir faible. Et elle n’aime pas se sentir faible, justement. Elle ne l’a que trop été récemment. Sauf que là, tous les calculs et tous les chiffres de la planète ne parviendraient pas à la tirer de son dilemme actuel. C’est difficile.

Et puis il y eut le silence très soudain dans son crâne. Tout s’envola, s’éparpilla dans le néant, la laissant seule avec… rien. Enfin, trois fois rien, plutôt. Sur ses lèvres, celles d’Elliot.

La rousse ne réalise pas vraiment ce qui lui arrive, c’est…
étrange. Mais dans le bon sens du terme. Ce geste lui accorde une certaine nostalgie, la plongeant au cœur d’un souvenir qu’elle n’aurait jamais pu oublier et qui lui fait tellement de bien, la fameuse soirée improvisée Just Dance avec ce même criminel, l’année passée. Malgré tout, ce n’est pas exactement la même chose qui se passe, ici. Ce baiser-là, il est bien différent de celui que le jeune homme lui avait donné avant de s’éclipser dans l’obscurité de la ville émergeante ; à l’intérieur il y avait plus de… quelque chose. Formulée ainsi, la phrase est étrange, mais la 3MAJ aurait bien été incapable de décrypter quoi que ce soit. Etaient-ce des sentiments ? De l’amertume sucre-amer ? Un autre genre de volonté tout à fait différente ? Elle ne savait pas, elle ne savait plus. Brooke se sentait étrangement vidée de toute énergie, si infime soit-elle. Elle ne remarqua même pas que ses nano-machines avaient desserré leurs liens. Elle ferma les yeux, se disant qu’elle pourrait profiter un peu, elle aussi, même si c’était franchement égoïste comme pensée.

Sauf que. Trop tard. A peine venait-elle de clore ses paupières que son ‘ami’ s’écartait d’elle, la laissant en proie à une certaine froideur inédite, qu’elle n’avait encore jamais connue. Et qu’elle ne voulait pas connaitre davantage, soit dit en passant. L’extra-terrestre est perturbée, encore. Il n’y a plus de pensées virevoltantes dans son crâne, mais elle ne sait plus où se situer dans la situation présente. Elle écoute Elliot dire qu’Archimède avait toujours raison. Ah, ça… Comme si elle ne le savait pas. C’était elle qui l’avait construite après tout ! Mais là n’était pas la question. Brooke secoue la tête, essaie de réagir un peu. Ses jambes lui paraissent à la fois lourdes et vidées de toute énergie. Elle n’arrive pas à se lever.

Pourtant elle le veut. Plus que tout en cet instant. Son dos. Elle ne veut pas voir son dos. Non. Non. Non. Pas comme ça. Parce que ça voudrait dire qu’elle risquerait fort de ne jamais le revoir. Et elle n’en a pas envie. Pas le moins du monde.

Alors…

Alors elle prend sur ses réserves pour s’obliger à se mouvoir, à faire quelque chose de concret pour la première fois depuis le début de la soirée. Elle bondit de son fauteuil, mal-assurée sur ses jambes aux genoux tremblants et court vers Elliot, s’affalant plus sur lui qu’elle ne le rattrape vraiment, en fin de compte. Peu lui importe d’avoir l’air d’une mourante ou d’une petite vieille n’arrivant plus à se tenir debout. Tout ce qui compte, là, pour elle, c’est lui. Elle ne voulait pas le laisser s’échapper de la sorte et au diable ce que pourrait en dire les autres. Brooke avait de nouveau besoin de parler, soudainement. Enfonçant son front entre les omoplates du ‘jeune’ homme, elle laisse une seconde de flottement s’installer, le temps de trouver ses mots, avant de rompre le silence.

« Pourquoi…. Pourquoi est-ce que lorsque j’avais besoin absolument de quelqu’un dans ma vie pour m’épauler il n’y avait personne à ma porte et… et maintenant vous me mettez devant des faits accomplis sur lesquels je n’ai aucun contrôle, aucune autorité. Je ne sais même pas ce que je veux moi ! Je ne sais pas quoi dire, quoi faire. Elliot… »

Elle soupire lourdement, s’agrippant un peu plus au costume sous ses doigts. Ses yeux se ferment, encore.

« … J’suis perdue. »

Elle l’avouait enfin à haute voix, avec des mots clairs, concis et choisis pour la circonstance. Pourtant, ça lui fit moins mal qu’elle ne l’aurait pensé auparavant. Elle se sentait même… libérée d’un certain poids. Il avait fallu que ça tombe sur Elliot, cette étrange déclaration. Il était toujours là aux moments improbables. La légende sourit. Oui, au final, c’était peut-être pour cela qu’elle s’était dévoilé ainsi à lui, plus qu’à n’importe qui d’autre, peut-être.

« Pourquoi j’ai l’impression que tu vas continuer à bouleverser toute ma vie… ? »

Question rhétorique. Elle connait déjà la réponse. Mais elle voulait l’entendre de sa bouche. Avec ses mots.



   

Il avait prévu que ça s'arrêterait là. Il devait lui tourner le dos, passer la porte, sortir et ne plus revenir. Rentrer chez lui, se faire un café, regarder un peu la télé. Aller dormir, se réveiller au milieu de la nuit. Enfiler son costume, mettre son masque et aller travailler. Voler un appartement, récupérer une cargaison, éliminer un type gênant. Gagner son argent. Revenir à la maison. Dormir encore. Et oublier la soirée passée avec la rouquine. Oublier tout. Oublier qu'encore une fois, il avait préféré fuir, oublier que les scènes se répétaient toujours de la même façon, oublier qu'il l'aimait. Peut-être le plus dur. Il n'était même pas sur de vouloir s'y résoudre. Après avoir admis cette évidence, s'en défaire aussitôt était bien trop compliqué. Et puis il n'en avait pas envie. Peut-être que se complaire un peu dans ce sentiment lui ferait du bien, lui qui avait toujours cru n'être attaché à rien, et surtout pas aux femmes.

Mais non, au final, rien n'est comme il le prévoit, encore une fois. Il sent qu'elle l'agrippe, fermement. Il s'arrête net, tourne juste un peu la tête sur le côté pour mieux l'entendre parler. Et il ne saurait dire pourquoi mais ses mots le font frissonner. Un tremblement nerveux sans doute, elle ne peut sûrement pas le partager. Mais elle ne le lâche pas, laisse même sa tête contre lui. Il la sent si proche, et pourtant si lointaine. Est-ce qu'elle se rendait compte que le retenir ne le faisait que plus souffrir ? Est-ce qu'elle comprenait qu'il n'avait pas besoin de sa pitié, qu'il pouvait se débrouiller tout seul ? Ou peut-être qu'en fait, c'est elle qui a besoin de lui. Il en prend conscience finalement. Après tout ce temps. Perdu, il devait l'être un peu, lui aussi, mais pas autant qu'elle.

Il aurait probablement dû se retourner, la prendre dans ses bras, la rassurer encore et encore, lui dire qu'il était là pour elle. Après tout, il lui avait fait une déclaration, n'était-ce pas qu'il voulait, l'avoir dans ses bras ? Oh que si, il l'aurait bien serré contre lui, pour toujours. Mais ce n'était pas possible, bien sur, il avait trop de fierté, là encore. Et lorsqu'elle lui posa cette question, il ne fut pas sûre de l'interprétation qu'il devait lui donner. Alors il se dit qu'il n'avait qu'à rester lui-même, c'était le plus facile. Il se retourna finalement vers elle, baissa légèrement la tête pour croiser son regard. Un fin sourire s'afficha sur ses lèvres, un de ceux dont il avait le secret. Il lui prit le menton du bout des doigts pour rapprocher son visage du sien – encore.

- Parce que je suis Elliot.

Il aurait pu l'embrasser à nouveau, s'il l'avait voulu. Mais il ne le fit pas. C'était trop simple. Même s'il en avait envie, ça ne servait à rien, pas maintenant, pas encore par son initiative. A la place, il la relâcha et passa sa main dans ses cheveux en soupirant. Il se sentait tout à coup bien plus à l'aise, il avait l'impression de se retrouver, plus naturel. Son sourire ne disparaissait pas, taquin, joueur, le Smile que tout le monde connaissait. Brooke ne pouvait pas le changer plus longtemps, le naturel revenait au galop, par lui-même, sans aide. Il reporta son regard sur la jeune femme. Elle était toujours en soutien-gorge, ça redevenait quelque chose d'intéressant, après les claques, les larmes et les coups, il l'avait un peu oublié.

- Tu vas attraper froid, si tu restes comme ça.

Il aurait dû partir depuis longtemps, mais là ce n'était plus la peine d'y penser. Il n'aurait pas dit non à un verre de whisky, il n'aurait pas dit non à tout ce qu'elle lui proposerait, si elle le faisait. Mais il n'avait peut-être pas réagi comme elle le souhaitait. Dommage, ça lui apprendrait à vouloir jouer au plus malin. De toute façon, il s'en foutait maintenant, il n'avait plus rien à perdre. Il lui avait tout dit, si elle le renvoyait de chez lui, il ne regretterait rien.

   

Elle n’avait pas trop su sur quoi elle s’engageait lorsqu’elle lui avait sauté dessus, comme ça, sans réfléchir. Brooke avait juste suivi son instinct. C’était ce qu’elle avait voulu faire depuis le début. Ca faisait tellement longtemps qu’elle avait bridé ses envies, agit selon des critères d’intelligence spécifique, fais des choix sans suivre ce que lui murmurait son côté animal qui avait, au final, raison – même si elle ne le réalisait que trop tard à chaque fois, comme ici. En dépit de tout ça, de ce contexte étrange et des personnages qui l’était tout autant, la klong se sentait… étrangement bien. Sereine. Détendue. Voilà, c’est bon, c’était fini. Elle avait balancé tout ce qu’elle avait sur le cœur. Plus rien ne pouvait être regretté maintenant. C’était fait. Elle souffla, profitant de la bonne sensation que faisait l’air rentrant dans ses poumons par grosses goulées. Et puis elle attend les mots, fatidiques, qu’il va surement prononcer, comme d’habitude.

Mais ce qu’elle redoute malgré sa zen attitude ne semble pas vouloir montrer le bout de son nez. Mais elle attend, ne démordant pas, toujours accrochée à lui, désespérément. Elle sent le parfum d’Elliot qui lui noierait presque les poumons. Elle s’en délecte. Il est plaisant. Personne ne dit rien. Jusqu’à l’apothéose de la soirée. La chose à laquelle Brooke aurait dû penser sans pour autant le garder en tête. Ce qui faisait qu’Elliot était si… Elliot, justement.

Lorsqu’il se retourna pour lui relever le menton et la regarder droit dans les yeux, deux constat lui font face, impossible à contredire ; le premier, c’est que son humour est toujours le même et lui arrache un rire franc qui lui fait du bien. Le second, c’est que la croissance lui va bien. Vraiment bien. Ses yeux bleus acier la fascine toujours autant, avec leur teinte unique. Un frisson remonte la colonne de la légende tandis qu’elle se sent plus en sécurité maintenant. Avec lui. Comme c’avait toujours été le ca sans qu’elle ne le réalise. D’ailleurs, et maintenant, ou en est-on, de toute cette situation ? De ce sentimentalisme sur lequel on ne peut mettre ni niveau, ni même de mots ? Honnêtement, pour le moment, Brooke s’en contrefou. Elle est passé par tellement d’état-d ’âmes ce soir que maintenant qu’elle se sent enfin bien ans ses baskets, elle ne veut plus penser à rien d’autre qu’a son petit bonheur personnel. Et pour le moment, il paraissait graviter autour d’Elliot. Alors elle allait être encore un peu égoïste et profiter de sa présence. Juste un peu, pour se donner l’illusion de quelque chose dont elle ignore elle-même tout.

Ses mains du criminel dans ses cheveux libère dans son corps une chaleur qu’elle apprécie d’autant plus qu’elle réalise qu’il fait un peu frisquet ce soir et qu’elle n’est pas très couverte, c’est vrai. Nouvelle phrase de l’anglais dont la professionnelle technologique remarque maintenant le petit côté précieux. Elle sourit. Ses deux mains attrapent le col de son costume – plus doucement, cette fois – et elle se met presque sur la pointe des pieds pour lui murmurer à l’oreille une réponse de son ceux.

« Alors… réchauffes-moi. »

Puis elle se remet face à lui et doucement, dépose ses lèvres sur les siennes. Juste comme ça, chastement. Ce n’est pas une promesse, ce n’est pas un serment. C’est juste l’expression d’une envie qu’elle n’a réussi à trouver réellement qu’en Elliot jusqu’à présent. Bon par contre, ça l’emmerdait prodigieusement d’être plus petite que lui à ce point. La croissance, parfois ça faisait chier, ouai.

Le baiser rompu, elle se laisse aller contre son torse, écoutant battre la symphonie de son cœur, sous sa peau. Il faut qu’elle dise tout dès le départ, pour éviter les mauvaises surprises.

« Je… Je ne peux rien te promettre, Elliot. Mais si tu voulais bien rester avec moi pour l’instant je crois que…. Je crois que j’apprécierai vraiment. »

Ses yeux remontent pour rencontrer encore ceux du hors-la-loi. Elle caresse sa joue, doucement.

« Tu veux qu’on reste ici ou que l’on aille ailleurs ? »

Elle se sentait prête à le suivre jusqu’au bout de monde pour le monde, au sens propre comme au figuré.

   

Lorsqu'elle avait empoigné son col, il s'était attendu à une nouvelle claque. Ça ne l'aurait pas étonné plus que ça près tout, il enchaînait en général les gaffes sans s'en rendre compte. Mais non. Elle avait une autre idée en tête , qui lui plu bien plus que celle de se faire frapper encore une fois. En fait, pour être honnête, elle prononça les mots qu'il attendait, même inconsciemment. Et un doux sentiment de satisfaction vint s'installer en lui. Il fut encore plus présent lorsqu'elle l'embrassa. Il se retint à grand peine de ne pas répondre, ne voulant pas paraître impatient. Mais la sensation était appréciable et aussi court le baiser fut-il, il en profita pleinement.

Elle ne promettait rien, certes, Elliot aurait préféré ne pas l'entendre. Ca titilla sa fierté plus que cela ne le vexa. Elle ne voulait pas l'admettre et ça l'irritait un peu. Ou alors c'était lui qui ne voulait pas comprendre que ses sentiments étaient à sens unique, et ça l'énervait d'autant plus. Mais il ne voulait pas penser à ça, pas maintenant. Ils en reparleraient plus tard, demain, un jour ou jamais. Ils bavarderaient calmement à propos de leurs émotions. Là, ce n'était plus la peine. Ils avaient déjà assez parlé, en rajouter n'aurait fait qu'aggraver les choses. Et au point où elles en étaient, cela ne devait tenir qu'à un fil. Elliot ne voulait pas briser ce fil, comme il ne voulait plus briser Brooke. Plus jamais. Il ne voulait plus voir ses larmes, ni sa colère. Il voulait juste l'aimer. Et si c'était possible, au moins pour un moment, qu'elle l'aime en retour.

Il prit sa main, laissée sur sa joue et la ramena contre ses lèvres pour l'embrasser tendrement. Il ne se reconnaissait pas vraiment dans ce geste. Il l'usait d'habitude pour faire du charme. Mais quel charme pouvait-il faire à une femme ayant déjà vécu le double de ses souffrances ? Elle n'était pas une de ces filles qu'il arrivait à faire tomber dans ses bras pour une nuit, une semaine ou un mois. Elle n'était pas un amusement, pas une conquête. Elle était bien plus que ça. Il aurait voulu qu'elle le sache, mais il était incapable de l'exprimer, pas avec des mots en tout cas. Il abaissa son bras, mais garda sa main dans la sienne, puis sourit à nouveau. Il ne peut pas s'en empêcher, c'est plus fort que lui.

- Et si on s'enfermait dans ton atelier de manière tout à fait suspecte en laissant Archi' garder notre intimité ?

Il sait qu'Archimède ne dira pas non. Après tout, c'est lui qui leur avait demandé de mettre les choses au clair. Eh bien voilà, ils y sont. Les choses ne sont pas encore limpides comme de l'eau cristalline, mais ils sont sortis des méandres de leurs frustrations respectives. Elliot a posé une question, mais il n'a pas besoin de réponse. Il se penche légèrement en avant pour reprendre possession de ses lèvres, pour la troisième fois. Il se délecte de leur douceur, mais finit par rompre le baiser par lui-même. Il ne peut pas faire deux choses en même temps, et la porter lui demande beaucoup de concentration. Il ne la laisse pas réagir, trop rapide pour elle, il passe un bras sous le creux de ses jambes, l'autre derrière ses épaules et la voilà portée comme une princesse. Il ne ploie même pas sous son poids lorsqu'il la soulève. Sa croissance accélérée avait aussi daigné développer ses muscles. Il croise son regard étonné et ne peut s'empêcher de faire un commentaire.

- Désolé, darling, mais j'ai toujours rêvé de faire ça.

Il accompagne le tout d'un nouveau sourire. Il n'avait pas fait l'effort de marquer son accent britannique de cette manière depuis longtemps. Ça lui avait valu beaucoup de moqueries et d'imitations parodiques lorsqu'il était arrivé dans l’État, plus de dix ans auparavant. Depuis, il avait tout fait pour le masquer, même si cela ressortait parfois sans qu'il l'entende. Ici, cependant, il l'avait fait volontairement, juste pour s'amuser, juste pour elle.

Il connaissait le chemin jusqu'à l'ascenseur, pas très long. Mais il la reposa à terre une fois dedans. La plaisanterie n'avait pas besoin de durer longtemps. Il la regarda encore, alors que la machine se mettait en marche. Il fut à nouveau pris de l'envie de l'embrasser, et ne se retint pas. Il osa même poser ses mains sur ses hanches pour la garder près de lui. Il avait peur de se tromper, de faire une erreur quelque part. Mais dans le même temps, il ne pouvait pas s'en empêcher. Il n'avait jamais désiré quelqu'un à ce point.

   

Enfin elle pouvait se détendre et prétendre que rien d’autre n’était arrivé auparavant. Que tout ce qui s’était passé jusque-là n’avait été que le fruit de son imagination –un peu – tordue et qu’elle pouvait maintenant profiter à fond d’Elliot, de sa présence, de son odeur, de sa chaleur, de tout ce qu’il pouvait lui apporter dans l’instant. Réfléchir ? Pour quoi faire, sérieusement ? Ça ne rimerait à rien, ça n’avancerait pas les choses plus qu’elles ne l’étaient déjà. Il ne fallait pas trop insister non plus. L’un comme l’autre avait encore besoin d’un brin de réconfort, pourquoi détourner le regard de ce fait avéré ? Là encore, ce serait se manger un mur. Alors, Brooke savoure le contact des lèvres d’Elliot sur sa peau, sa main et puis ses lèvres par la suite.

Lorsqu’il la soulève comme une princesse, elle ne s’y attend pas le moins du monde. C’est la première fois qu’on lui fait ça. Elle a même du mal à capter ce qui lui arrive, pendant un temps. Et puis elle écoute Elliot parler – laissant son accent ô combien adorable glisser dans ses tympans – et elle explose de rire. Paie la gueule de la princesse et du prince charmant.

Disney remasterisé par leurs soins. Elle est sure que ça pourrait marcher, en plus. Elle était déjà tombé sur des fanfictions de ses fans qui lui prêtaient des romances avec certains criminels connus – même Carnage une fois yeurk – alors, pourquoi pas Elliot en tant que Prince ? De tous les hommes qu’elle côtoyait actuellement, elle devait bien admettre que c’était bien le seul à avoir les épaules pour incarner ce rôle si particulier, en plus.

La voici donc portée jusque dans l’ascenseur ou elle repose les pieds à terre. Finalement, elle n’est pas si petite que ça à côté de lui. Mais quatre centimètres, ça fait un certain effet tout de même, ne le nions pas. Elle lui sourit, appréciant d’avance ce qu’il va se passer. L’ascenseur descend et elle sent ses hanches être agrippées par les mains savantes du criminel. C’est agréable. Elle approfondi le baiser avant de le rompre et d’aller s’attacher à sa chemise, qu’elle enlève rapidement, en arrachant quelques boutons. A voir le torse délicatement galbé de son partenaire, elle a du mal à imaginer qu’il peinait à lui arriver au menton il y a à peine un an. Ce que les choses changent vite, avec un peu de surnaturel pour relever le tout.

La machinerie se stoppe et les portes s’ouvrent. Bienvenue dans l’atelier de Brooke, Elliot. Sois fier d’être le premier ‘hors-légende’ à le voir. Elle n’accepte personne ici d’ordinaire. C’est son monde, son univers. Mais présentement, elle a besoin de toi à l’intérieur alors… voilà.

Lui souriant, Robot Rock attire l’Holmes vers elle, laissant les deux pans métalliques se refermer derrière lui. Voilà, ils sont verrouillés, maintenant plus rien ne peut les déranger. Plus rien. Alors, la rousse prend un peu d’élan et saute afin de s’accrocher aux hanches du jeune homme juste après l’avoir guidé près du lit présent ici. Elle entoure son visage de ses mains, l’embrasse du bout des lèvres avant de lui avouer un petit quelque chose tout particulier.

« Ce soir je suis à toi. »

Voilà, c’était dit.

   

Il la laissa retirer sa chemise, non sans un sourire. Au final, elle semble aussi impatiente que lui. Ou peut-être que ce n'est que ce qu'il souhaite, peut-être que tout ça n'est qu'une illusion. Pourquoi s'acharne-t-il à croire que tout est contre lui ? Pourquoi ne peut-il pas simplement profiter du moment ? C'est pourtant si simple de se laisser aller, dans tous les sens du terme. Laisser son instinct prendre le dessus, ou quoi que ce soit d'animal que chaque être humain farde au fond de lui. Il sait qu'il peut se faire confiance, pour une fois, à ce jeu là, il ne faisait jamais d’erreurs. Il ne cherche pas à savoir où a atterri sa chemise, les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur l'atelier, qu'il a à peine le temps de découvrir. Brooke le tire par la main et il ne peut pas détacher son regard d'elle. N'importe qui aurait dit que la pièce contenait des merveilles de technologies. Mais pour Elliot, la seule merveille pour l'instant, c'était elle, et elle n'avait de technologique que le nom de légende.

Il chancelle lorsqu'elle vient s'accrocher à lui, un peu surpris, mais reprenant vite le fil des choses. Il répond à ses baisers et fait tranquillement glisser ses mains le long de son dos. Il peut finalement lui dégrafer son soutien-gorge, cet unique vêtement qui le nargue depuis le début de la soirée. Et puis les mots qu'elle prononce le font frissonner. Des sentiments forts se mélangent e lui, c'est agréable, il le sait, même si c'est la première fois qu'il les ressent aussi vivement. Il aurait envie de lui dire d'arrêter de le transformer de la sorte, mais il ne peut pas, parce qu'il adore ça. Elle agit sur lui d'une façon dont elle ne doit sûrement pas imaginer les conséquences. Qui le pourrait, au final ? Même Elliot n'est que la proie de ces nouveautés auxquelles il laisse pourtant le champ libre sans regrets. Il la soutient de ses deux mains, l'avoir ainsi collée à lui fait monter en lui une agréable chaleur. Il descend ses lèvres sur son cou où il ne peut pas s'empêcher de mordiller la peau tendre pour y laisser une marque. Et puis il se dit que l'étendre sur le lit sera peut-être plus confortable. Il n'a pas tort, il va en profiter dans l'instant, mais d'abord, une chose.

- Je suis à toi pour toujours.

Les mots ont passé ses lèvres sans qu'il ne sache vraiment pourquoi, il ne l'a pas maîtrisé, la pensée avait surplombé le reste. Il croise son regard et une sensation nouvelle l'envahit. Il se moque d'être le seul à penser à ça, il se moque de tout. Il n'a plus envie de réfléchir, plus envie de subir, il veut juste profiter d'elle, de ses lèvres qu'il vient de récupérer, encore une fois, de sa poitrine désormais nue dont il rêvait les courbes sans y croire, elle tout entière. C'est sa nouvelle passion, il a besoin de l'assouvir. Il fait passer une de ses mains sur sa jambe, remonte jusqu'à son short dont il ne défait pas le bouton. Non, pas encore. Il se contente de poser ses doigts là, juste au bas de son ventre, pour y faire doucement pression. Son autre main glisse jusqu'à sa poitrine. Il veut la faire frémir de désir, comme lui, il veut lui faire partager son envie.

Il n'avait jamais été si heureux d'avoir physiquement grandi. Alors qu'il descendait sa tête du creux de son cou, venant embrasser l'espace restreint entre ses seins, il remercia le ciel de lui avoir donné l'allure qu'il avait désormais. C'était tellement bien de pouvoir offrir un corps comme celui-là, plutôt que celui d'un adolescent en pleine croissance. C'était tellement bien de la dominer de la sorte, de l'avoir dans ses bras, d'être capable de la tenir sans flancher. Il avait l'impression que tout lui était permis, et pourtant, il ne se le permettait pas. Elle passait avant lui, elle passait avant tout. Si elle lui demandait d'arrêter, il le ferait. Mais bon Dieu pourquoi voudrait-elle une chose pareille ? Les sensations qui le traversent de toutes parts l'empêchent de raisonner correctement. Il a chaud, il sait que sa respiration est déjà irrégulière, mais il le cache. Il préfère abandonner sa poitrine, ses lèvres se reposent sur son épaule, sa main se chargera du reste. Il veut l'embrasser à pleine bouche, elle, et il le fait. Personne n'est là pour l'en empêcher.

Brooke était la seule chose dont il avait présentement envie, et si il paraissait se contrôler, c'était au prix d'efforts considérables. Il savait qu'elle était forte, mais sous ses doigts, sous lui, il ne pouvait s'empêcher de la voir comme un être fragile. Il avait envie d'en prendre soin. Et puis, il voulait qu'elle s'en souvienne, de ses attentions. Aussi inutiles soient-elles. Elliot n'était pas un amant sauvage, oh il pouvait l'être bien sur. Mais ce n'était pas sa nature première. Et il refusait d'être différent avec elle. C'est pour ça qu'il ne retira son short qu'après tout ce temps – ou peut-être était-ce passé rapidement. Ce n'était pas permis d'être si désirable, ni d'avoir un corps si parfait. Il se fichait de la cicatrice sur son ventre, ça n'enlevait rien à sa beauté. Et puis il avait les siennes, lui aussi, et elles formaient bien plus qu'un dessin sur sa peau. Il l'embrassa, encore une fois, une énième fois. Il ne se souvenait pas avoir ressenti ça pour quelqu'un avant elle.

   

C’était un conte de fées un peu particulier. Une histoire d’un soir. Rien de plus. En théorie. Sauf qu’ici-bas, à présent, cette chose et sa jumelle, que l’on appelle ‘logique’, n’avaient plus ni pouvoir ni même autorité, que ce soit sur le contexte, les protagonistes ou ce qu’ils allaient faire dans les prochaines minutes. Ou plutôt, continuer à faire. Là était la nuance. Les choses s’enchevêtraient parfaitement les unes dans les autres, comme un fil qui aurait parfaitement trouvé sa place dans le tissage de leurs vies. Elles se rejoignaient, maintenant. Plus que jamais. Brooke avait la sensation de ne plus avoir les pieds sur terre – et ce n’était pas uniquement due au fait que, littéralement parlant, en effet, elle ne touchait plus le sol – mais ça lui faisait un bien fou. Tout se dispersait dans ses veines, dans ses cellules. Elle sentait presque la moindre fibre de son corps, harcelée par un désir qu’Elliot lui transmettait. Ah moins qu’il ne s’agisse ni plus ni moins que de son désir à elle. C’était tout à fait probable.

Jamais pourtant elle n’aurait pu imaginer, un an en arrière, considéré cet individu hors-norme comme un amant. Un ‘petit frère’, à la limite, mais pas un amant. Seulement, le destin avait joué aux dés et finalement la voici revenue sur ses premières impressions. Et cela ne devait pas dater d’hier vu comme elle dévorait, peut-être un peu trop avidement, les lèvres du britannique. Elle essayait de se contenir, mais c’était très dur. Les mains du criminel, qu’elle ne savait pas si expertes en la matière, la faisait frissonner à chaque passage, rendant sa peau encore plus sensible et les ressentis décuplés. Sa respiration s’accélérait entre deux baisers, laissant place, de temps à autre, a un gémissement évasif. Elle se sentait… bien, avec lui. Vraiment. En plus, la douceur de ses gestes était quelque chose de nouveau pour Brooke.

En trente-trois ans d’existence maintenant, elle n’avait jamais eu la ‘chance’ de tomber sur un amant aussi… délicat, c’était le terme. D’un coup, elle se mit à envier chaque fille ayant eu le loisir de passer sous ses doigts avant elle. Mais le caprice ne dura pas, elle sentie son soutien-gorge lui être retiré.
Un souffle d’aisance fut soufflé dans la chevelure de l’Holmes tandis que la Légende laissait ses doigts s’y balader également. La phrase de son homologue masculin tournait dans sa tête, encore et encore, lui tirant un sourire permanent. Ça aussi, c’était nouveau pour elle. Enfin presque.

Cela faisait bien plus de dix ans qu’on ne lui avait pas dit ce genre de chose. La sensation d’être unique à ce point la faisait vibrer, chassant les mauvaises pensées qu’elle avait eu jusqu’alors bien loin au fond de son esprit, enfermée à double tours par l’envie et le désir qui se déchainaient alors dans ses entrailles. Elle sourit en sentant son short être simplement déboutonné. Elliot était prévenant, décidemment. Brooke avait du mal a associer l’image qu’elle avait eu de lui jusque-là avec celle d’un amoureux transit prêt à tout pour la satisfaction de sa partenaire mais… soit. Elle ferait en sorte que cette nuit change ses états d’esprits à ce propos. Elle savait qu’Elliot en était parfaitement capable. Plus que n’importe qui sur cette terre. Car lui là considérait vraiment.

Du moins, c’était ce qu’elle ressentait. Et même si ce devrait être un mensonge de plus, une illusion, elle voulait s’y accrocher autant que faire se peut ; car cela lui faisait un bien de tous les diables.

Ses mains, agiles, se débarrassèrent de la ceinture du criminel, qui tomba sur le sol dans un cliquetis distinctif. Elle commença ensuite à déboutonner le jean, partant jouer simplement avec l’élastique du vêtement en dessous avant d’enlacer de nouveau le cou du jeune homme. Brooke se mordit la lèvre inférieure ; elle aussi était capable de jouer un peu.

« …Alors… Je te rendrai unique, dans ce cas. »

Nouveau baiser, encore. Puis avec un mouvement de balancier, aidée de ses jambes, la Légende bascule en arrière, entrainant l’expatrié avec elle. Aucune crainte n’est ressentie, le matelas est là pour amortir la chute. Elle lui sourit, caressant toujours son visage si beau et qu’elle a envie de dévorer.

« Je m’offre à toi sans condition. »

C’était sa façon à elle de lui dénoter une affection toute particulière. Si seulement tout pouvait être aussi simple…


   

Il est là, au-dessus d'elle, si proche. Les mots qu'elle vient de prononcer ont eu le mérite de faire grimper son envie plus que n'importe quelle caresse. Son regard se perd dans le bleu de ses yeux, il souffle de l'air dont il aurait plutôt besoin pour calmer ses ardeurs. Mais il ne peut pas, trop de sensations, trop de palpitations dans son cœur et sur sa peau. Il s'empare de ses lèvres pour sceller le contrat. Elle s'offre à lui donc. Oh, c'est agréable à entendre. Il compte bien ne pas lui faire regretter son choix. Il est si appréciable de la sentir ainsi ouverte à ses désirs, de l'entendre exprimer sa satisfaction. Il ne veut pas qu'elle s'arrête, c'est bien trop agréable pour ses oreilles. Il décale sa tête, l'enfoui dans son cou, embrasse sa peau douce. Il garde en mémoire son sourire, éclatant de blancheur, dont il voudrait être le seul destinataire. Il se met alors à mordiller l'oreille de la rouquine, doucement, pas pour faire mal. Puis il pose une main sur le matelas, pour se redresser légèrement. Il vient coller son front contre le sien, la respiration irrégulière, il arrive quand même à parler. A répéter ces mots qu'il ne cesse de penser.

- Je t'aime, Brooke...

C'est la deuxième fois, en une soirée, qu'il prononce cette étrange phrase. Alors qu'il ne l'avait pas énoncée à qui que ce soit jusque là. Pourquoi est-ce si important, d'un coup ? Pourquoi maintenant ? Il ne sait pas, il s'en fiche pas mal. Il a juste ce besoin incontrôlable de lui dire, qu'elle le sache, qu'elle comprenne qu'il était ainsi pour elle, rien que pour elle. Il se garde en appui sur le lit et glisse maintenant ses doigts jusqu'au bas ventre de la jeune femme. Il n'y a presque plus rien pour les empêcher d'aller plus loin, alors il ne s'attarde pas plus longtemps. Sa main passe finalement les derniers centimètres et il commence ses caresses, doucement. Il ne peut empêcher un sourire de s'afficher sur son visage en la voyant réagir presque aussitôt. Mais ça ne fait que le conforter dans son action, il laisse ses doigts faire les mouvements avec attention, prêt à approfondir s'il le faut. Il ne veut pas laisser les choses au hasard, après tout, c'est aussi son bonheur qu'il recherche. Et cela lui semble évident d'écouter d'abord ce qu'elle désire.

Il l'embrasse. Sur le front, les joues, la bouche et le menton. Partout, de légers baisers presque tendres. Il s'entend expirer peut-être un peu fort, il ne sait pas, il n'a plus vraiment conscience de ça. Tout son être la réclame pour être sienne, mais il se fait patienter, encore un moment. Ne pouvant user ses mains pour l'instant, il utilise ses lèvres pour caresser sa peau laiteuse. Il va jusqu'à les descendre sur son sein droit, forme généreuse trop longtemps restée hors de sa vue. Sa langue s'y occupe sans gêne. Elliot n'a pas de réelle pudeur, il n'en voit plus l'utilité. Elle était présente avant, lorsqu'il était jeune, vraiment jeune, pas que physiquement. Mais il a eu le temps de découvrir son corps depuis, et bien sur celui des autres. Aucun ne lui avait fait autant d'effet que celui de Brooke, jusque là, mais ça ne l'empêchait pas d'oser la toucher. Il savait très bien qu'il n'était de toute façon pas le premier à le faire.

Après un moment, peut-être long, il remonte ses lèvres le long de son corps nu. Il n'arrive pas à se détacher, elle a le derme si doux que le simple fait de l'embrasser est un plaisir. Est-ce qu'elle a seulement conscience de l'effet qu'elle fait ? Elliot n'en est pas certain. Mais il n'a pas envie de le lui dire, il préfère le garder pour lui, comme un secret. Même si elle devait probablement sen douter. Chaque fibre de son être n'avait de toute façon qu'une envie : elle. Il aurait été étonnant que l'alien ne le ressente pas au moins un peu. Le britannique récupère finalement ses lèvres une nouvelle fois, après cet agréable aller-retour. Dans le même temps, ses doigts finissent leur office, toujours aussi doucement, il les retire de son intimité, un peu humides. Il n'a plus besoin d'être supporté par le lit. Ses deux mains viennent se poser sur ses hanches, qu'il serre fermement mais sans être brusque. Cette fois, il s'entend clairement soupire d'aise, juste avant d’étouffer cette impatience dans le cou de la rousse.

Il la laisse faire maintenant. Son envie transpire à travers sa peau, comme sa chaleur qui les enveloppe tous les deux. Il la désir tellement qu'il en perd un peu le fil de ses actions. Ses mains remontent sur sa poitrine qu'il caresse de la même manière que ses hanches précédemment. Elliot avait l'impression d'être déconnecté de la réalité, enfermé dans une bulle avec la source de son excitation. Les fantasmes qu'il venait d'assouvir et ceux qu'il imaginait encore, les baisers qu'ils échangeaient, et les caresses qu'elle lui prodiguait comme celles que lui-même pratiquait. Tout ça formait un ensemble réellement agréable. Il se sentait si bien et en même temps pas encore tout à fait satisfait. Mais il ne la presserait pas, il se l'était promis. Elle était sa reine pour la nuit.

   

Voilà, elle y était. Ce qu’elle recherchait depuis tout ce temps, ce que sa solitude quasi-permanente l’obligeait à traquer, Elliot venait de lui apporter sur un plateau d’argent, le tout rehaussé d’une couronne d’or. Trois petits mots tout simples, sans plus de superflu. C’était ceci et la sensation qui les accompagnait que Brooke désirait tant ; si fort qu’elle avait même finit par perdre elle-même son objectif de vue. Ses yeux rencontrent ceux du britannique dont le front touche le sien. Elle se sent absorbée par ces pupilles bleues acier. Elle l’est.

Totalement. Son souffle est en état de perdition le plus total et à vrai dire, elle ne cherche même pas vraiment à lui redonner un rythme un tant soit plus régulier. Si rester avec Elliot signifiait arrêter de respirer alors soit, elle agirait de la sorte. Il n’y avait plus que lui qui comptait maintenant.
Son derme tremblait sous les caresses, en redemandant toujours davantage. Tellement de douceur… Elle n’y était plus habituée. Ça lui plait, beaucoup. Elle n’a pas envie de virer dans la violence ou le côté sauvage, non. Elle veut se délecter des pas de danses aériens dont les doigts de l’expatrié sont experts.

« Elliot ! »

Brooke appelle son nom alors qu’il la mordille dans le cou ; l’un de ses points les plus sensibles. S’il ne le savait pas auparavant, maintenant c’est sans doute chose faite. Et les choses ne vont pas en ralentissant car à peine la rousse cesse de tressaillir qu’elle recommence de plus belle, les phalanges de son partenaire s’égarant au niveau d’une oasis bien particulière. La Légende se mord la lèvre inférieure pour essayer de ne pas être trop ‘bruyante’, elle se sent un peu.. honteuse. L’impression d’être une adolescente qui se découvre pour la première fois devant son petit-ami la prend soudain au corps. C’est bizarre. Pourquoi maintenant ? Peut-être parce que justement Elliot la faisait se sentir comme autre chose qu’une adulte en étant si prévenant. Brooke frissonne.

Ca n’enlève rien au fait que ses hanches se calquent sur les mouvements du jeune homme pour accentuer son plaisir. Elle se sent un peu égoïste, mais à sa décharge, c’est comme si toute son énergie avait disparue de son corps et qu’elle n’était même plus maitresse de ses propres actions, de ses propres gestes. Marionnette des pulsions. Sauf que contrairement aux apparences, ça ne lui déplait pas non plus.

Seulement, lorsque le britannique en termine avec sa tâche ô combien agréable, elle se surprend à pousser un petit râle mécontent. Pas longtemps, certes, mais juste assez pour la faire rougir jusqu’aux oreilles. Elle ne se reconnait plus. Etait-ce une bonne chose ? Une mauvaise chose ? Elle pèse le pour et le contre avant de se rendre compte qu’elle s’en fout, en fait.

Ses mains se pressent sur le creux des reins de son partenaire, y faisant danser un peu le dos de ses ongles. Elle ne veut pas le blesser, juste l’inviter à davantage d’initiatives. Elle pense que ça ne le dérangera pas. Mais elle ne veut pas rester inactive pour autant. D’un mouvement vif mais non brutal, Brooke vient cercler le bassin d’Elliot, essayant de le ramener encore un peu plus vers elle.

« Je t’attends… »

Elle avait murmuré cette phrase avec un magnifique sourire et une tentative d’imitation d’accent anglais. Elle l’aime, cet accent, après tout. C’est ce qui l’a séduit aussi, chez lui. Elle ne pourrait le nier, ce serait mentir, purement et simplement.

« …Dansons, tu veux ? »

Un éclat mutin dans le regard pour embraser l’océan qui s’y trouve.



   

Elliot aurait presque eu envie de rire. Pas pour se moquer, oh non, il n'oserait pas. Mais parce qu'il était comme attendri. Il sourit, en tout cas. La Légende est plus âgée que lui, et pourtant, il la sent aussi frêle et innocente qu'une adolescente entre ses bras. Ça lui plaît, plus qu'il ne le croit. Il a envie de prendre soin d'elle, et en même temps il veut lui réapprendre l'amour, à sa manière. Il frémit lorsqu'elle l'appelle, c'est si bon d'entendre son nom prononcé de cette façon, dans cette situation. Il aimerait bien qu'elle recommence, alors il vient embrasser son cou, le caresser du bout de la langue, et plus encore.

C'est à son tour de laisser échapper un gémissement. Il se mord la lèvre inférieur, dans un réflexe. Les mains de la rousse ne le laissent pas indifférent. Il croise son regard provocateur, entend ses mots au délicieux accent qu'elle veut rendre britannique, même si ça n'égale pas le sien, le tout forme une invitation qu'il ne compte pas refuser. Il l'attend depuis trop longtemps pour se défiler au dernier moment. Il plisse les yeux et vient l'embrasser. Ce n'est plus timide, ses baisers sont avides de réponses. Il posa sa main gauche sur son ventre, qui glisse sur le côté, pour empoigner délicatement sa hanche. Sa dextre droite descend plus bas que sa semblable, sur le bassin de l'alien, qu'il rapproche ainsi de lui, faisant enfin disparaître le dernier écart avant la symbiose de leur deux corps. Ils y sont enfin, hanches contre hanches, peau contre peau. Un éclair de bien-être traverse Elliot lorsqu'il se sent tout à fait à l'intérieur de sa partenaire. Il n'a pas le temps de s'empêcher de gémir, c'est bien trop instinctif pour qu'il contrôle quoi que ce soit.

Il entame de lents mouvements de hanches, se frottant un peu plus à elle à chaque minute. Il laisse une de ses mains sur sa cuisse, l'autre remonte, caresse son visage qu'il embrasse aussitôt après. Il ne se presse pas, à quoi bon, ils ont le temps maintenant, et il veut faire durer leur plaisir à tous les deux. Il lui attrape la main, entrelace leurs doigts. Il lui mordille la lèvre en souriant. Il se sent tellement bien avec elle, il ne pensait pas pouvoir ressentir autant de choses avec une seule personne. Et pourtant, avec Brooke, c'est ce qu'il se passe. Il tressaillit lorsqu'elle le touche, soupire bruyamment dans son cou, même si ça ne suffit bientôt plus à étouffer ses exclamations. Il se cambre un peu, mais l'attire avec lui, un bras enlaçant sa taille pour la garder à proximité, tout en la laissant libre de ses mouvements. Il ne veut rien lui imposer, en fait, même s'il sait parfaitement comment mener les choses.

Il s'étonnait lui-même à être si délicat avec la rouquine. Non pas que ce fut désagréable, au contraire c'était véritablement plaisant, mais il s'était souvent demandé comment les choses seraient, lorsqu'il reprendrait une apparence convenable. Il avait sa réponse. Les choses qu'il avait apprises avec son corps d'adolescent lui servait en tant qu'adulte, maintenant, et il se découvrait l'âme d'un amant passionné. Bon, il ne doutait pas de la qualité des aventures qu'il avait déjà passées avec d'autres femmes dans le courant de l'année, mais là, en ce moment,  il aurait pu penser que c'était quasiment parfait. S'il avait un temps soit peu penser à quelque chose d'autre que Brooke, qui en plus d'occuper son corps, occupait sa tête. Il intensifia légèrement ses mouvements de hanches, pas trop, juste ce qu'il fallait pour faire monter le plaisir d'un nouveau cran.

Ses yeux jusque-là fermés se rouvrir lorsqu'il voulu croiser son regard. Il y lut des choses qui le firent presque frémir. S'il avait pu, il lui aurait fait une déclaration torride à propos de son envie, d'elle, de ses sentiments, et de tout ce fouillis qui le prenait actuellement et qui faisait vibrer toutes les fibres de son être. Mais il n'y arriva pas. Ça demandait une concentration qu'il avait déjà envoyé dans ses caresses, pour les rendre le plus agréable possible. Il se dit que ses gestes suffiraient à lui faire comprendre tout ça, parce qu'il n'arrivait plus à aligner deux mots à la suite.

- Ah... Brooke, je...

Non, trop compliqué. Il soupire, il se trouve ridicule pour le coup. Mais il oublie vite, et va lui faire oublier également. Il l'embrasse passionnément, aussi longtemps qu'il le peut. Il a le temps de passer une main dans sa chevelure de feu, avant de lâcher son emprise sur ses lèvres. Bon sang, mais pourquoi l'empêchait-elle d'avoir des pensées logiques ? Peut-être parce qu'au fond, l'avoir dans la peau lui plaisait assez pour qu'il ne demande rien d'autre. Pas besoin de mots, lorsqu'on a son corps pour s'exprimer.

   

La communion était maintenant faite. Et parfaite. Brooke ne put retenir un cri de satisfaction en la sentant se faire, - la ressentant même - comme le flux et le reflux de vagues dans ses veines, jusqu’au bout de ses ongles. C’était impressionnant combien leur communion charnelle paraissait avoir été édictée rien que pour eux deux, exclusivement. Les pensées de la rouquine, déjà sérieusement entamées dans leur sérieux, finissent de voler en éclat alors que les lèvres du britanniques s’accaparent les siennes avec une ferveur certaine. Elle y répond sans honte, sans rougir. Elle veut qu’il comprenne à quel point il l’a fait se sentir bien, se sentir femme. Brooke ne se sent plus comme un simple ‘objet de désir’ comme ce l’avait déjà été par le passé. Non, c’est très différent. Là, elle sent son estime d’elle-même se transformer en quelque chose de nouveau, de plus fort. Elle n’a plus envie de broyer du noir, elle n’a plus envie d’être malheureuse. Elle veut sourire, comme avant, comme avec Emily. Et quelque chose lui dit que c’est avec Elliot qu’elle peut connaitre ceci. Lui et personne d’autre.

Mais son esprit n’est pas encore assez lucide pour ce genre de pensées, pour le moment, elle obéit à son envie, son corps, ses pulsions que fait naître son partenaire dans son bas-ventre. C’est tellement agréable, elle ne sait pas si elle va pouvoir le laisser repartir de sitôt. Il prend tellement soin d’elle, aussi. Plus ça va et plus elle y prend goût, la roussette.

Son sourire n’a pas disparu de sa bouche, ne se dissimulant aux yeux du monde que lorsqu’il vient l’embrasser encore et encore. Elle finit par avoir mal à la mâchoire, mais elle s’en fout de tout ça. Vraiment. Ce qui compte pour elle actuellement, c’est lui. Lui. Lui. Et tiens, encore lui, pour varier les plaisirs. Ahah. Son souffle est irrégulier mais elle ne cherche pas à le rendre cohérent, pour le moment. Entendre les gémissements d’Elliot, sentir sas main dans la sienne, c’est l’extase total ; comme si elle se sentait revivre. Elle en avait tellement besoin après cette période sombre. Brooke se redresse petit à petit et c’est le britannique qui enclenche le processus final, semblerait-il.

Ses yeux croisent le chemin de ceux d’Elliot, encore. Est-ce qu’il peut seulement y lire combien il lui fait du bien ? Apparemment oui car il accélère les mouvements de reins, tirant des gémissements toujours plus puissants à Brooke, qui s’accroche à son dos avec sa main libre, le griffant sans bien s’en rendre compte. Elle ne veut pas lui faire de mal, mais elle commence à perdre le total contrôle d’elle-même ; encore plus que ce n’était déjà le cas.

Enfin, un éclair bestial, animal, s’empare du corps de l’alien. Elle ne veut pas qu’il soit le seul à se démener, hors c’est le cas depuis le début de leurs ‘retrouvailles’. Elle aussi veut lui faire plaisir. Alors, avec une souplesse propre à sa personne, la 3MAJ inverse les rôles, se retrouvant soudainement au-dessus du criminel. Se penchant vers lui, elle attrape son visage, tout doucement avant de l’embrasser, encore et encore, avant d’enlacer son cou et y déposer baisers légers et morsures. Les oreilles y passent aussi. Et ce n’est que le début, tout ça. Ses gestes se font plus enhardis et elle accélère un peu la cadence. Sans bien s’en apercevoir elle-même, elle appelle Elliot, encore. Une fois, deux fois, trois fois. Le voile de sueur qui commence à la recouvrir la fait frissonner. Cet homme lui fait un tel effet qu’elle ne sait même plus comment formuler une phrase, rien qu’une toute petite.


   

Il n'a pas le temps de prendre conscience qu'elle lui a griffé le dos, et que ça picote un peu. Il est surpris par la soudaine initiative de Brooke, surpris mais pas mécontent. Au contraire, il est ravi de l'avoir au-dessus de lui. Il l'est d'autant plus qu’elle arrive à lui tirer de nouveaux gémissement, mordiller son cou et ses oreilles était la meilleure manière de le faire réagir. Lui aussi sourit encore, comme satisfait, mais surtout heureux. Heureux de pouvoir partager ça avec la Légende, heureux de l'entendre appeler son nom comme elle le fait. Il en frémit de plaisir. Il sent la sueur perler sur son front. Il a si chaud qu'il halète, expirant bruyamment, il est incapable de contrôler ses respirations. Elles sont saccadées et irrégulières, entrecoupées de gémissements raques venant du fond de sa gorge. Il passe son bras sur son visage, fermant les yeux durant un court instant. Puis elle revient l'embrasser. Il ne refuse pas, il agrippe sa chevelure, la maintient près de lui.

La cadence s'accélère par l'initiative de la jeune femme, il ne peut que suivre ses mouvements. Ça fait un moment qu'Elliot n'est plus guidé par rien si ce n'est son instinct et ses pulsions. Il ne se sent pas la force de penser, pas clairement en tout cas. De petites questions le traversent, mais elles n'ont pas le temps d'être sérieusement posées. Ça lui est égal. Il n'en a pas besoin pour se sentir bien. Il préfère profiter de l'instant, et il a plutôt raison. Même si le souhait de l'alien était qu'il en fasse un peu moins, il ne peut pas s'en empêcher. Il a besoin de savoir que c'est lui qui la met dans cet état. Probablement une imbécillité masculine, sa fierté mal placée qui ressort même dans cette situation.

Il se redresse alors et ses mains se posent sur les hanches de la rouquine, ses mouvements ne faiblissent pas, bien au contraire. Il réussit à capturer ses lèvres jusqu'au moment où il est assez relevé pour les descendre autre part. Ses doigts glissent sur le fessier de la belle, s'il avait pu la coller encore plus à lui, il l'aurait fait. Il a finalement le nez dans sa poitrine, littéralement, il mordille la peau entre ses seins, avant de venir balader sa langue sur l'un puis l'autre. Il ressent la symbiose de leur corps jusqu'au plus profond de son être. Il ne s'était jamais senti aussi vivant dans les bras d'une femme. Il atteignait réellement ce septième ciel dont on vantait si souvent les effets. Ah, oui, quels effets. De son bas-ventre à ses lèvres, tout palpitait d’excitation, de désir et d'envie, à l'extérieur, à l'intérieur, partout. Il n'y avait plus que ça. Un vrai plaisir charnel, mais aussi émotionnel. Parce qu'il ne savait pas pourquoi, mais il se sentait aimé, et ça le réchauffait plus que n'importe quel feu ardent.

Ses exclamations, durement étouffées, se font de plus en plus sonores. Il se sent proche de l'extase. Ses mains, descendues sur les cuisses de la Légende, remontent soudainement. Il attrape le visage de la jeune femme, croise son regard une demi-seconde, mais ça lui suffit. Il happe ses lèvres pour une nouveau baiser. Une nouvelle chaleur se répand au creux de ses reins, aussi douce que prenante. Il s'entend alors gémir, comme si on venait de le libérer d'un lourd fardeau. Mais c'est bien plus agréable que ça. La sensation le prend tout entier, faisant frémir sa peau pourtant plus que chaude. Il halète, encore, a tête s'est perdue dans le cou de la rousse. Et puis cela disparaît comme c'est arrivé. Mais Elliot ne regrette pas. Il expire plusieurs fois encore contre le derme aussi ardent que le sien de sa partenaire. Il la laisse terminer ses mouvements, ralentissant tranquillement. Puis il se laisse retomber en arrière, épuisé mais ravi.

Il se couvre le visage de ses mains quelques secondes, essayant de reprendre une respiration régulière. Lorsqu'il les retire de sa figure, c'est pour mieux attraper le cou de Brooke, qu'il ramène contre lui. Il veut juste la serrer dans ses bras mais il en profite pour déposer un baiser sur son front. Il laisse balader ses doigts dans ses cheveux rouges, tendrement. Il n'a pas envie de parler, mais il reste éveillé. Il ne sait pas combien de temps leurs ébats ont duré, il a l'impression que cela fait une éternité. Une éternité de bonheur. Il n'avait pas connu ça depuis très longtemps. Savoir que c'est l'alien qui l'a mis dans cet état l'étonne lui-même, mais il ne cherche pas à comprendre. Il a juste l'impression, pour la première fois depuis longtemps, que son âme est en paix avec elle-même. C'est peut-être à cause de la fatigue, ses idées ne doivent pas être très claires. Mais elle relève la tête vers lui, et il sait que c'est juste entre elle et lui. Rien d'autre. Une pensée le traversa soudain comme une flèche. Il était amoureux d'elle, complètement, jusqu'à la plus petite fibre de son corps. Sur le coup, il rougit légèrement, comme un adolescent, et détourna le regard. Il n'avait pas ressenti ça depuis longtemps, de la gêne. Impensable. Elle agissait vraiment sur lui de manière surprenante.

   

Il n’y avait plus de paroles inutiles ou autres choses du même genre. Tout n’était plus que ressentis, tâtonnements tantôt curieux, tantôt légèrement intrusifs, mais jamais timides ou hésitants. C’était réellement plaisant. Pour se comprendre ? Le silence alentours, uniquement saccagé par les respirations entremêlées et les bruissements du lit et des draps, ses camarades d’aventures. Quoi de mieux sinon ce genre de choses, sérieusement ? Brooke redécouvrait, avec un plaisir non dissimilé – et c’était le cas de la dire – les joies d’ébats entamés réellement par l’envie de l’autre et non pas pour tromper l’ennui ou pour ‘mettre au point’ certaines choses. Non, c’était différent de tout ce qu’elle avait l’habitude d’avoir depuis l’américaine dont elle avait été séparée de force seize ans en arrière.

Elle soupira de plus en plus difficilement, ne sachant plus vraiment si elle devait respirer ou expirer – ou peut-être les deux à la fois, en alternant ? Chacun des baisers d’Elliot lui faisait perdre le peu de concentration qu’elle tentait de rassembler. Oh, elle le savait, un peu, que ce qu’elle faisait, ce n’était ni correct, ni même conseillé. Mais elle s’était laissé porter par ses envies, ses instincts et la voici maintenant, offerte à un criminel. Et pourtant, ce n’était pas tant cela qui la perturbait davantage que les mots prononcés par son partenaire. Plus elle y repensait et plus ils l’a faisaient frissonner. Mais encore une fois, les mouvements de hanches de l’Holmes eurent raison de sa présence d’esprit. Elle voulait aussi crier ce qu’elle avait sur le cœur, là, maintenant, sans élaborer de thèse ou réfléchir trop longuement.

« Elliot, je t’-Ah ! »

Elle ne put aller au bout de son aveu instinctif, repoussée encore un peu plus loin de la rive de son cœur par une vague de plaisir ; l’ultime. Elle s’accrocha un moment à Elliot, à sa chevelure sombre. Il avait la tête enfouie dans sa poitrine mais ça ne la dérangeait pas le moins du monde, au contraire.

Elle trembla quelque peu, usée par ce bonheur qui venait de s’injecter de lui-même dans ses veines. Les exclamations d’Elliot lui restent un peu en tête, elle sourit. Petite fierté personnelle que d’avoir réussi à satisfaire un homme de sa carrure, avec de telles exigences. Se mordant la lèvres, Brooke vient s’installer juste à côté de lui. En nage, elle pose une main sur sa poitrine, pour essayer de se concentrer et reprendre un souffle régulier. Ce tsunami de sensations, qui l’avait engloutie toute entière, elle se ressentait presque comme une sorte de privilège, ce qui étoffa d’autant plus la sensation de bien-être.

Puis, sans qu’elle ne le comprenne bien dans l’instant, Elliot lui embrasse le front avant de laisser ses doigts se perdre dans ses cheveux. La légende sourit et sent une chaleur distincte monter sur ses joues, les dévorer presque. Ce n’était pas sa première fois, l’un de là ; mais cet individu hors-norme avait réussi à la faire se sentir comme telle. Elle se pelotonne contre lui, profitant de sa présence, de sa chaleur. Ses doigts dessinent des arabesques aléatoires sur son torse tandis qu’elle a presque l’air pensif. Finalement, elle redresse la tête et applique à son tour de délicates caresses sur les cheveux noir de jais d’Elliot. Elle murmure.

« Tu restes, pas vrai ? »

Oui, elle n’avait pas envie de se réveiller seule demain matin.

« J’ai encore envie de t’embrasser… »

Une drogue dure.



   

La délicatesse des doigts de Brooke dans ses cheveux lui apportent un réel sentiment de bien-être. Les arabesques sur son torse lui font le même effet. Il frissonne un peu, la température semble redescendre doucement, mais sûrement. Ça serait idiot d’attraper froid. D'un geste vif, il agrippe le drap et le ramène sur eux. Puis il retourne sa tête vers elle. Elle est belle. Il aimerait bien lui dire, mais elle ne lui en laisse pas le temps. Ses mots le font sourire. C'est vrai qu'il n'a rien à faire là, lui, le criminel. Il n'était pas sensé passer la nuit chez les Légendes, encore moins se laisser aller à profiter du corps de l'une d'entre elles. Mais après tout, il l'avait fait et personne ne lui ferait regretter. Il répond à son souhait et vient déposer un doux baiser sur ses lèvres, avant de la prendre dans ses bras.

- Je resterais aussi longtemps que tu voudras de moi.

Il lui sourit, presque tendrement. Ça ne lui arrivait tellement pas souvent qu'il avait l'impression de faire une grimace. Mais qu'importe. Il espérait seulement qu'elle le verrait tel qu'il voulait qu'il soit. Comme une autre déclaration d'amour, ou au moins comme la promesse de sentiments réels envers sa personne. Il avait passé un si merveilleux moment en sa compagnie, il ne savait pas s'il pourrait un jour ressentir tout ça à nouveau. Pas avec quelqu’un d'autre qu'elle, en tout cas. Il en était plus que certain.

Il l'embrassa encore une fois avant que sa main ne se plaque sur sa bouche pour étouffer un bâillement. Nouveau sourire, cette fois plus proche de l'excuse. Il pose son front contre le sien et touche son nez du bout du sien avant de rire doucement. Il se sentait comme un gosse. Heureux et fatigué, mais surtout content d'être là, avec elle, près d'elle. Ses yeux se ferment doucement. Le « je t'aime » qu'il voudrait prononcer pour la troisième fois cette nui n'a pas le temps de passer ses lèvres. Tant pis. Il lui redirait demain. Et tous les autres jours, si elle le lui permettait.

Il resserre un peu ses bras autour d'elle, dans une étreinte chaleureuse. Et il s'endort doucement, sa respiration devenant lente et régulière, tout le contraire de ce qu'elle avait été précédemment.


Ce fut un sommeil lourd mais réparateur. Il aurait d'ailleurs pu dormir encore plus, si on ne l'avait pas sadiquement réveillé en le secouant sans délicatesse. Il ouvrit les yeux et ses idées mirent plusieurs secondes à se remettre en place. Toujours près de lui, Brooke dormait encore. Ce n'était pas elle qui l'avait sorti de sa précieuse léthargie. Il se tourna donc de l'autre côté. Il haussa un sourcil avant de se mettre à rire. Le petit robot-ménager lui faisait face, apparemment énervé – il avait même ce qui lui servait de bras posés sur ses côtés. La petite machine lui montra l'heure. Treize heures moins dix. Eh bien, on pouvait dire qu'il avait dormi. Le soleil aurait dû filtrer à travers les fenêtres, mais le sous-sol n'en était pas pourvu.

Il soupira. Le robot avait raison. Il était temps qu'il se bouge un peu. Même sil n'en avait vraiment pas envie. Et puis, il n'avait aucune obligation, lui. Il décida d'ignorer l'adorable créature de fer – qui fulmina autant que cela lui était possible. Il sentit la rousse bouger un peu derrière lui. Il se retourna vers elle, un petit sourire d'ors et déjà aux lèvres. Lorsqu'il vit ses paupières s'ouvrir, il ne put réprimer un frisson. Son regard ne le laissait pas indifférent.

- Bonjour, Darling.

Il avait compris que ce surnom et cet accent lui plaisaient. Il n'allait pas se priver de les utiliser. Il enleva une mèche rouge du visage de la jeune femme et la coinça derrière son oreille, puis ses doigts se perdirent dans sa chevelure. Il se rapprocha un peu plus d'elle. Il n'avait pas eu un réveil aussi agréable depuis longtemps, si on oubliait l'intervention du robot. Elliot avait la tête encore un peu embrumée par le sommeil et il n'avait pas encore commencé à se poser des questions sur le pourquoi du comment du sens de la vie. Non, pas pour l'instant. Laisse le juste profiter de Brooke, encore un peu de temps, juste un peu. Il l'aimait bien trop pour réfléchir au reste.

   

Elliot le lui avait promis. Il allait rester. Précisément ‘aussi longtemps qu’elle voudrait de lui’. Et bien l’affaire était régler, ce soir, elle le souhaitait pour toujours. Elle aurait n’aurait désiré qu’une seule chose en plus ; que ces secondes, ces minutes et ces heures s’étirent à l’infini, sans jamais s’arrêter, pour les laisser dans leur bulle, si agréable à vivre. Brooke n’y voyait plus ses défauts, pourtant nombreux. Tout ce qu’elle ressentait, c’était l’amour d’Elliot pour elle. Un sentiment étonnant venant de lui mais elle n’avait pas eu de mal à l’accepter. Son cœur était mélangé, informe et il était impossible d’y déchiffrer quoi que ce soit pour le moment mais tant que cette sensation de bien-être perdurait sur sa peau, soit, peu lui importait. C’était l’instant présent et rien de plus. Rien de moins, également. L’alien se lova contre son amant et s’endormie bien vite à son tour, non sans avoir un peu observé le visage adorable du britannique, en proie à Morphée. Il était beau.


Si elle n’avait pas été tirée du sommeil par Elliot, sans doute aurait-elle pu dormir encore longtemps. Très longtemps. Elle était si bien et avait passé une si bonne nuit réparatrice que sortir du lit ou même ouvrir les yeux ne lui avait même pas effleuré l’esprit. Brooke avait largement préféré, bien qu’un peu somnolant plus que dormante, profiter de la chaleur du britannique près d’elle. Mais lorsqu’elle l’avait senti bouger, alors elle mouva son corps à son tour, venant s’étirer tout en croisant ce regard si bleu qui l’avait séduite il y a moins de vingt-quatre heures. Ah, le Darling avec l’accent lui provoqua un frisson dans le creux des reins. Elle adorait cette manie, décidément et ne put s’empêcher de le lui faire comprendre.

« Ne fais pas ça ou je risque de te sauter dessus…. Encore ! »

Un rire fin passa ses lèvres avant de mourir bien vite, sa propriétaire subjuguée par sa nuit et le bel homme couché là, près d’elle.

En détectant une sorte de râle mécanique, la rousse redressa la tête et repartie d’un éclat de rire en voyant son petit robot ménager qui n’avait pas l’air très content. Oui, bon, il est vrai, l’heure tournait. Se lever n’aurait été pas été une mauvaise chose. Aussi, quittant le lit après avoir embrassé Elliot chastement – et lui avoir murmuré un ‘merci’ -, Brooke se rhabilla – si l’on peut appeler enfiler un short, un bas et un soutien-gorge de cette manière. Cependant, prise d’un petit frisson et apercevant la chemise d’Elliot non loin de l’ascenseur, elle partit s’en emparer et la fit glisser sur ses épaules.

« Ça t’ennuie si je la garde ? Elle est confortable. »

Elle assortie ses paroles par une friction de ses bras, presque aguicheuse. Bien entendu, elle ne le lui aurait pas pris sans son consentement, mais s’il acceptait de lui laisser, elle n’allait pas se gêner non plus.


Ils passèrent une partie de la journée ensemble, par la suite. Lorsqu’Elliot du repartir chez lui, Brooke n’osa pas avouer qu’il lui manquait déjà. Pourquoi ressentait-elle cela pour lui d’ailleurs ? La confusion s’était de nouveau installée en elle.

Agacée, elle fit tout de même sortir le criminel par le souterrain, afin d’éviter qu’une autre légende ne le voit. Les explications ? Non merci, pas maintenant. Et puis c’était plus rapide pour lui de passer par là que par la porte principale. La rouquine l’enlaça une dernière fois puis le laissa repartir, soupirant quelque peu. Et puis…

« Madame ? »
« Oui Archimède ? »
« Monsieur Murnau souhaiterait vous voir. »
« Oh… »