Tu baisses le regard sur ta chaussure droite. Un détail tellement inutile. Damage Greem est mort. Tu le connaissais pas. Tu t'en foutais littéralement à vrai dire. Mais voilà, grâce à lui, tu avais le droit à une seconde chance, une deuxième vie. Et maintenant...? Tu ne sais plus. Il pleut. Tss... Pourquoi est-ce qu'il pleut toujours dans ce genre de moment ? POUF, on est triste, un événement triste, et le temps, empathique qu'il est, il se met à PLEUVOIR. Toi, ce n'est pas sa mort en elle-même qui t'attriste, en plus. Tu es égoïste Owen. Tu es égoïste mais qu'est-ce que t'y peux...? Tu es un monstre après tout, alors rien à foutre.

Tu relèves la tête vers le ciel. Tu n'as pas de parapluie, tu n'es pas couvert. Heureusement que la housse de ton violon est imperméable... Ouais, tu penses à tout, quand on parle de ton violon. Toi, tu es trempé jusqu'aux os. Toi, tu contemple les nuages gris d'un œil vitreux. Tu es mort, et tu le sais. Œil pour œil, dent pour dent; les lois de la jungle, chacun pour soi. Est-ce que cela va recommencer ? Eux ce battent contre un inconnu. Toi, tu te bats contre toi-même. N'est-ce pas à peu près la même chose ?

Là, en plein milieu de cette grande avenue, tu entends ce foutu discours. Ce discours qui te dis clairement "c'est fini. Game over. Retour à la case départ. Où vas-tu fuir, maintenant ?". Tu serres plus fortement la hanse de ton sac. Non. Tu as dit que tu ne fuirais plus. Tu as dit que tu te battrais. Que tu sauverais des gens. Ta vie ne vaut rien, alors qu'as-tu à perdre ? Tu vas rester. Tu vas te battre. Tu en crèveras, et alors ? Tu ne mérites pas beaucoup mieux. Non en fait, tu ne le mérites même pas. Mais tu feras tout pour racheter ton âme. Tu as tué, tu dois sauver.

Là, au milieu de cette grande avenue, ton corps revient à la vie, comme d'un long voyage. Ta pensée est toute faite. Tu n'as pas le choix, c'est ainsi que sont faites les choses. Et pas autrement.

Tu vas te battre.

« Tu attends quoi ? » Hum ? Je détournai la tête vers Lui. Il me regarda, croisant les bras, le regard inquisiteur. « Tu n'es pas concentré aujourd'hui ! » me reprocha le Dieu ancien. « Pardon. » J'avisai les différents anneaux, qui trônaient sur des lances, alignés les uns derrières les autres tous les trois mètres. Le tout s'étalant sur une centaine de mètres. Le vent de l'antique et illusionaire Persépolis me caressait les cheveux comme il faisait vaciller les anneaux. Soit. Je levai la main droite, une distorsion dorée fendit l'air, comme si quelque chose déchirait le réel pour introduire un corps étranger dans cette réalité. La lance légendaire des Grands Rois en sortit, majestueuse. Elle s'orienta vers les anneaux. Et puis, je baissai promptement le bras. Le lance fendit alors l'air et passa les premiers anneaux. Un coup de vent impromptu fit remuer le septième anneau, la lance s’empala à peine dedans qu'il se désintégra en gerbes dorés. Je soupirai, Ahura-Mazda aussi. Un claquement de doigt de ma part et la lance revint dans la distorsion.

« Tu dois anticiper le vent. Est-ce comme ça que tu comptes devenir Grand Roi ? » devais-je Lui rappeler que c'est Lui qui m'avait désigné volontaire pour être le prochain Roi des rois et fonder une nouvelle dynastie ? À la base, j'avais rien demandé ! « Qu'as-tu donc ? Parle, Je t'écoute » « Je repense à l’assassinat de Greem... Je n'ai rien pu faire. Et pourtant, j'étais persuadé que la lance transpercerait ce Hours, je ne sais pas comment il a feinté. Pourquoi tu n'aies pas intervenu directement ? » Ou du moins, il aurait pu me donner accès à d'autres armes. « Dois-je te rappeler que c'est toi qui est à l'épreuve et non moi ? Je n'ai plus mes preuves à faire. » Dit par un Dieu ancien qui n'était quasiment plus adoré et n'était plus aussi puisant qu'à son apogée, même s'il n'en disait rien, je trouvais ça gonflé. « Je te soutiens toujours, mais c'est à toi d'agir. Peut-être qu'il devait mourir. La question n'est pas tant de savoir ce que tu aurais pu faire, ou non, pour empêcher ce meurtre, mais ce que tu vas faire maintenant. » Certes, il avait raison et je le savais. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de revivre la scène, elle était gravée dans ma mémoire. Elle me rappelait à quel point que rien n'était jamais complètement acquis, que tout pouvait changer en une fraction de secondes et j'en savais quelque chose. Je revoyais l'affolement de certains quand d'autres tentaient de contre attaquer. Je faisais partie de ceux-là, en vain. Les Légendes eux-mêmes n'avaient ni vu venir le danger, ni pu le contrer. Cela n'aurait rien de bon pour la suite.

Ahura-Mazda posa sa main sur mon épaule. « Je ne t'ai pas choisi par hasard. Je sais qu'au fond de toi, même si tu en as pas conscience, brûle une flamme. Je sais que tu n’es pas du genre à te laisser abattre et rester les bras croisés. Tu ne veux pas que la mort de Greem soit vaine ? Alors persévère, ne faiblis pas. Parce que c'est tout ce qu'attend ce nouvel adversaire. Te déstabiliser, toi et les autres. Tu ne vas quand même pas lui faire ce plaisir ? » Je répondis au tac o tac. « Sûrement pas ! » Il sourit et fit signe à un serviteur. Il portait une épée que le Dieu saisit. « C'est avec cette épée que Cyrus entreprit la conquête de ce qui allait être l'Empire perse. C'est avec elle que Cyrus battit Crésus. Que Cambyse asservit l’Égypte. Que Darius tua l'usurpateur, le mage Gaumata, et fut roi par ma volonté. Considère ceci comme un cadeau d'encouragement, sois en digne. » Il me la tendit solennellement. « Merci. » J'aurais bien dit que j’essayerai, mais Il m'aurait rétorqué qu'essayer ne suffit pas. Je la saisis, l'admirai avant de la laisser rejoindre la lance dans la distorsion. D'un revers de main, le Dieu ferma la faille et après avoir frappé dans ses mains, un parcours avec différents obstacles apparut devant moi. « Le temps des paroles est terminé. » Compris.

« Du nerf, tu fais pas ton footing du dimanche ! »