La salle de réunion des professeurs étaient pleines d’âmes qui parlaient à droite, à gauche, sur l’organisation des cours et la sécurité, maintenant que l’affaire Jackson Beckett était présente dans les mémoires de tout à chacun. Tandis que ses collègues réfléchissaient par petits groupes, Hyacinthe, lui, était plongé dans ses pensées. Il aurait voulu refaire davantage de cours « privés » avec plus d’élèves, cette fois, mais cela semblait mal parti pour organiser quelque chose de cette sorte, pouvant finalement se révéler plus dangereux qu’autre chose. Il utilisait donc toute sa matière grise pour chercher une solution à son propre problème tout en aidant les autres dans le même temps, bien entendu. Mais bon, ce n’était pas chose simple.

Surtout lorsqu’il vit une espèce de machin non identifiable immédiatement venir claquer devant ses yeux. Le roux sursauta et sorti enfin de sa rêverie. Oh, c’était Linda, une employée de la Heroe’s, qui cherchait à attirer son attention depuis pas mal de temps, maintenant, apparemment.

« Hyacinthe, mais à quoi tu rêves enfin ! Lui lançât-elle sur le ton de la plaisanterie la plus sympathique qui soit.
-Hum, pardon, je songeais à d’éventuels futurs méthodes de cours. Un problème ?
-Eh bien, je me suis engagé à aider la secrétaire dans le tri des dossiers et… je suis un peu embêtée, en fin de compte…
-Pourquoi ça ?
-Une nouvelle élève nous arrive aujourd’hui et je devais l’accueillir mais là, c’est compromis et…
-Et tu voulais que je l’accueille à ta place, c’est bien ça ?
-O-Oui, si tu n’y vois pas d’inconvénient bien sûr !
-Aucun souci, je m’en occupe ! Son nom ?
-Oh, voici son dossier, elle s’appelle Valery Guy !
-Merci, j’y vais ! »

Et sur ces mots, il avait quitté la salle de professeur, plongeant directement son nez dans son dossier étudiant. Alors, voyions voir. Apparemment, la nouvelle avait un pouvoir de lévitation. Il n’avait jamais eu l’occasion de tester ce genre de capacité, mais ce n’était pas vraiment un souci en soit. Lui-même étant pyromorphe, il pouvait donc à loisir flotter dans les airs grâce aux flammes qui sortaient de son corps. Il tacherait d’aider au mieux cette nouvelle qui n’arrivait pas vraiment au bon moment, il faut bien l’avouer. Juste après cet effroyable histoire de meurtre, il y avait mieux, comme contexte d’accueil.

Le roux emprunta un itinéraire tout tracé à travers les multiples couloirs, toujours absorbé par les documents qui s’étalaient sous son nez. Il y avait quelque chose qui le gênait, dans cette histoire, mais il n’aurait su dire quoi, exactement. C’était comme si une évidence était devant son nez mais… qu’il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. C’était agaçant.

Au détour d’un couloir, finalement, il fut distrait par la voix d’une jeune femme. Relevant la tête, il s’aperçu qu’il s’agissait justement de la nouvelle élève ! Parfait, le timing ne pouvait pas être meilleur ! En revanche, elle semblait ne pas avoir de très bonnes manières, à se comporter de la sorte avec la femme de ménage en face d’elle. Refermant le dossier, le français le rangeât sous son bras et ouvrit la bouche.

« Mademoiselle, je ne crois pas que c’est une bonne chose de se comporter ainsi, vous savez ? »

C’était dit avec la plus grande douceur du monde, puisque Hyacinthe avait été depuis toujours un fin pédagogue. Ah, quel dommage qu’il n’ait jamais eu d’enfant rien qu’à lui… Se reprenant, il observa attentivement l’autre demoiselle. Tiens, bizarre, il ne la reconnaissait pas non plus. Pourtant, il était la Heroe’s depuis un bout de temps maintenant…

« Oh, vous aussi vous êtes nouvelle ? Je ne vous avait jamais vu ici avant. » fit-i, avec un beau sourire.

Et puis, un doute le prit, malgré tout.

« Dites-moi… On ne se serait pas déjà vu quelque part ? »

Là encore il était suspicieux mais sans trop savoir pourquoi. La vie, quelle bizarrerie, parfois…

Hyacinthe aurait pu faire acte d’autorité et remettre cette demoiselle à sa place en lui faisant remarquer son manque de respect flagrant. Oui, il aurait parfaitement pu. Sauf que. Il n’en fit rien. Le roux était pédagogue. Jouer sur les situations ne lui posait pas de problèmes ; de plus il connaissait maintenant suffisamment les réflexes des « jeunes » pour savoir qu’il ne servait à rien d’ouvrir un débat avec eux. La plupart de temps, ça se terminait en guerre ouverte. Pour le moment, et comme la situation l’exigeait, il devait amener la situation vite et bien, sans perdre de temps. Laisser croire à cette jeune femme qu’elle avait le dernier mot n’était au final, que bien moindre mal.

Heureusement, comme espéré, il ne s’était pas trompé de personne en abordant ce duo d’apparence très insolite. Dans le même temps, il apprit que cette dame qui arpentait les couloirs en tenue de ménagère était également nouvelle dans l’établissement. Ayant l’esprit pratique, c’est tout naturellement que le français eut l’idée suivante ;

« Bon et bien d’accords, nous pouvons donc commencer la visite à trois, ainsi nous irons plus vite et chacune d’entre vous saura ou il lui faudra aller en cas de nécessité. Ça vous va ? »

Un magnifique sourire pétillant s’afficha alors sur son visage. Vous savez, de l’ordre de ceux auxquels on a du mal à résister. Mais bon, ça, l’expatrié n’en avait pas franchement conscience. Il était bien trop impliqué dans son rôle d’instituteur pour imaginer une seule seconde aller batifoler à droite à gauche, sans retenue aucune. Non, il n’était définitivement pas comme ça, quand bien même certaines de ces collègues féminines auraient bien appréciés que ce soit le cas.

Un éclat de présence d’esprit s’articula soudain entre deux neurones, lui faisant capter qu’il avait oublié une chose essentielle, dans l’équation.

« Oh, pardonnez-moi ! J’ai omis l’essentiel ; je suis le Professeur de Contrôle de Soi ainsi que de Français et je réponds au nom d’Hyacinthe de Chateaubriand. »

Il appuya sa paume libre contre la tempe du même côté, se donnant un air tout bonnement à croquer. On voyait bien qu’il s’auto-traitait d’idiot, ses expressions parlaient suffisamment pour lui sans qu’il n’y ait besoin de décodeur outre mesure. Malgré tout, il se senti obligé d’ajouter ;

« Je suis français, donc si mon nom vous semble trop compliqué à prononcer, vous pouvez m’appeler comme bon vous semble tant que cela reste dans la limite du correct et du respectueux bien entendu. »

Effectivement, on ne pouvait pas enlever ça à Hyacinthe. Il était tolérant. Et très gentil. Peut-être même un peu trop pour son propre bien. On lui répétait souvent ça, d’ailleurs, même s’il ne comprenait pas vraiment pourquoi.

Bon. Il était peut-être temps de commencer la visite, se dit-il en son interne. Mais avant, il fallait que tout le monde soit sur un pied d’égalité – plus ou moins- hors, ce n’était pas encore le cas. En effet, il lui manquait encore une information qu’il jugeait capitale…

« Et vous, Madame ? Comment vous appelez-vous ? » Dit-il, à l’intention de la jeune nettoyeuse.

Après tout, une ambiance décontractée serait sans doute toujours plus sympathique, non ? Et quoi de mieux que de connaître les noms de tout le monde ?