En elle-même, ma vie ne saurait être celle d’une grande guerrière rebelle, avide de batailles et de désobéissance envers l’image du père. Pour parler avec le plus grande des franchises, il est fort probable que ce soit tout l’inverse dont il soit ici question. Ayant toujours vécue sous le joug de mes ainés, il était impensable, pour moi, de mettre mon géniteur dans une colère si noire qu’elle aurait pu déchirer le ciel, si les esprits avaient rendu ce prodige possible.
J’adorais ma famille. Chaque fois que l’homme ayant participé à ma naissance me racontait l’histoire de ma venue au monde – et plus particulièrement, du choix de mon nom – je ne pouvais que boire ses paroles et m’incliner devant tant de prestance.
Huitième enfant et seule fille issue des amours d’Asha et Québec, je vis le jour à l’aube de l’an 1705, sur les rives du fleuve traversant notre village. Ce que je vais vous conter maintenant, je le tiens de mon drille de père et j’ignore encore aujourd’hui si tout cela est vrai ou si ce n’est qu’une histoire fantasmagorique destinée à me faire rêver plus que nécessaire.
Il me dit un jour que, lorsqu’il vint visiter ma mère, dont l’accouchement venait de se terminer, il vit un lièvre entrer dans la maisonnée et se rapprocher du berceau en peau de bêtes ou j’avais été placé. Lorsqu’il vit mon paternel, il décampa plus vite qu’un éclair, mais pour le témoin de cette scène, ce fut un signe inflexible des Dieux. Les esprits des animaux avaient donnés leurs bénédictions à ma vie et il n’aurait su en être davantage comblé. Voici pourquoi il me prénomma « Lulu », qui signifie littéralement « Lièvre », dans notre dialecte.
Je grandis dans l’amour de mes pairs, en apprenant au fur et à mesure de ma croissance, diverses activités, propres aux femmes de ma patrie. J’appris l’art de la danse, des rites sacrés, des couronnes de fleurs, de la musique, de la couture et de la peinture. Mon frère le plus âgé, lui, m’apprit en secret le maniement de l’arc, soucieux que je puisse me défendre moi-même, si un jour ceci devait malencontreusement arriver.
Je ne crois pas pouvoir dire avoir été malheureusement une seule fois. J’eus la chance d’avoir une vie lambda, comme toutes les demoiselles de notre contrée. Je ne pouvais qu’en être ravie.
C’est ainsi que je vécue, loin des problèmes à venir – plus vite qu’il n’y paraissait, pour notre plus grand malheur – dans cette ambiance familiale à souhait, durant vingt années. C’est au moment où les lunes atteignirent le nombre de 240 que mon avenir se dessina d’une toute autre manière que lorsque je l’avais auparavant imaginé.
En effet, des hommes à la peau pâle, venus de part delà les mers, étendaient leurs terres sur les nôtres. Si nous avions entendu bien des choses horribles sur le sort qu’avaient essuyé les tribus bien plus au Nord, ces colons-ci ne nous paraissaient nullement hostiles. Ils avaient déjà entamé la construction d’un fort, quatre ans en arrière, qu’ils nommèrent, si je ne me trompe point, le Fort Rosalie.
Régulièrement, ils venaient à notre rencontre dans le seul but de sympathiser et de nous accorder leur protection – ils avaient des armes impressionnantes comparées aux nôtres ... – en échange de les laisser s’adonner à la chasse sur nos terres ancestrales. Ils nous apprirent également le français, ainsi que quelques notions de latins, que beaucoup de mon peuple ne prirent guère la peine de retenir.
Après bien des négociations, je fus désignée pour un mariage arrangé afin de consolider un accord passé entre le chef de notre tribu et le fondateur du Fort cité un peu plus tôt. Mon promis répondait au nom, ma foi singulier, de Léon Crozat.
Dernier enfant du colon négociant, héritier légitime du titre de Marquis de Chatel, il devait, tout comme moi, servir d’argument à un arrangement qui paraissait nous dépassé tous les deux tant son étendue semblait bien trop dispersée pour que l’on puisse en saisir les tenants et les aboutissants en une seule explication.
Je n’étais pas la fille du chef. Toutefois, n’ayant aucune femme dans sa lignée descendante, il jeta son dévolu sur l’unique fille de son bras-droit, mon père. Ce dernier ne put refuser, quand bien même, originellement, j’étais censée me marier au plus âgé des fils de notre leader, le fort et redouté chasseur répondant au nom de Bly. Tous les plans furent changés par ces entretiens particuliers. Si l’homme à qui j’aurais dû donner une descendance se trouva dans une fureur bien sombre en apprenant la nouvelle, je restais sobre dans mes réactions. Je dois avouer que cela ne me faisait ni chaud ni froid.
En réalité, la seule chose que j’appréhendais était de quitter mon village. Ma mère m’avait prévenu, non sans pleurer quelque peu, que je devrais aller résider avec mon époux dans le Fort Rosalie, par mesure de sécurité. Je soupirais et courbais l’échine devant ce destin qui échappait à mon entière conception du monde.
Je fis la connaissance de mon concubin la jour de notre mariage. Bien que je n’eus jamais été très attiré par la pente charnelle des hommes, n’y prêtant que peu d’attention jusque-là, je fus forcée d’admettre qu’il avait un très joli visage. Il n’était certes pas bien grand mais paraissait vouloir être digne de la situation, bien que la gêne se lise aisément sur ses pommettes, rougies par le sang y palpitant. Un sourire étira alors mes lèvres et il détourna le regard sans que cela ne m’offusque outre mesure. J’appris plus tard, par ses soins, qu’il avait rarement vu plus belle femme avant moi et n’avait su comment réagir devant cet « ange » descendu du ciel, apparemment.
Sitôt mariée, je suivis mon partenaire dans sa résidence privée, au sein du Fort. Lorsque la calèche nous transportant entra dans l’enceinte de la bâtisse, je pus voir que certaines expressions des badauds vivant ici n’étaient pas des plus heureuses à mon égard. Je fis l’effort de ne pas essayer de comprendre. Mon mari me devrait protection, après tout. Il aurait été fort inutile de se perdre dans de telles sottises. Je faisais amande honorable pour ma tribu et rien de plus.
En soit, ma vie auprès de Léon ne fut pas si désagréable que ce à quoi je m’étais attendue. Il n’y avait certes aucune trace d’aucun amour d’aucune sorte entre nous, toutefois, nous devinrent amis et même confidents, la présence de l’un rassurant l’autre et vice-versa. Je m’offris tout de même à lui, dans l’optique d’unir nos deux clans par un enfant au sang-mêlé. Le sachant non-hostile à mon existence, je le laissais venir se réconforter dans les creux de mon corps, si cela pouvait lui offrir une consolation maigre face à l’impossibilité de prendre pour épouse la femme qui aimait.
Car à coup sûr, elle existait. J’ignorais son identité et ne cherchait pas à le savoir car il était ici question des affaires personnelles de mon époux et ne n’avait pas à discuter ce monde qui était le sien. Il était sans doute déjà suffisamment pénible pour lui de devoir agir de la sorte pour que je n’en rajoute guère une couche supplémentaire.
Il ne me força jamais à porter de ces choses que les femmes appelaient « corset ». J’en avais essayé un, une fois, mais n’y avait vraiment pas été à l’aise du tout. Ainsi, en me voyant aux prises avec une telle gêne, Léon m’assura que je n’aurais guère besoin d’en revêtir, ce qui me soulageât, préférant porter mes robes et mes vêtements par tous les temps. Toutefois, ceci provoqua l’indignation des femmes déjà présentes dans le Fort, bien qu’il n’y prêtait guère attention.
Dans les premiers mois de notre relation, le malheur s’abattit une première fois sur nous. En effet, bien que je sois tombée enceinte, notre progéniture ne survécu guère plus de trois jours hors de mon corps, emportée par un terrible froid ayant pris le Fort en otage depuis bien des nuits déjà. La tristesse de Léon devant ce petit être métis et inerte me rongea encore davantage. Je tentais malgré tout de me raccrocher à mes croyances en espérant que les esprits Gardiens prennent bien soin de notre petite fille, que nous avions nommée Aquene ; « la paix », dans ma langue maternelle. Sans doute aurais-je du y voir un présage d’encore plus mauvais augure encore. Mais je demeurais aveugle face aux signes cruciaux et me renfermais sur ma nouvelle vie, en tâchant de passer au plus vite à autre chose.
Notre fille mise en terre, mon époux n’eut de cesse de partir en exploration, afin, je le pensais de manière convaincue, de se changer les idées. Il avait bien raison. De mon côté, j’errais parfois du côté extérieur du Fort, quand bien même les gardes me sermonnait à propos de ma sécurité. Je savais que je ne craignais rien ; aussi, parfois, je m’en retournais voir les frères, mes pairs et mes parents afin de leur raconter tout de ma nouvelle vie. Avec moi, il prièrent longtemps pour le repos d’Aquene, ce qui me réchauffa le cœur.
Un soir, alors que j’étais sur le chemin du retour, je pris le temps de m’arrêter quelque peu sur les rives de la rivière et d’y plonger mes pieds, ce qui me fit un bien fou, moi qui me sentais quelque peu empreinte d’une certaine nostalgie.
De retour au Fort, j’ouï-dire que mon époux était en pleine discussion avec des étrangers à la peau plus sombre que la moyenne des habitants des lieux. Immédiatement, je pensais à d’autres Natchez, peut-être venus me rendre visite. Mais, lorsque j’ouvris la porte de notre logement, je fus surprise de tomber sur des individus n’ayant rien à voir avec les miens. Effectivement, leurs peaux se rapprochaient de la mienne, mais leurs chevelures étaient d’un blanc immaculé, tel les premiers flocons responsables de la disparition de ma première fille. Je n’osais approcher, ayant sur moi les paires d’yeux déstabilisants des nouveaux arrivants. Mais Léon me fit signe d’avancer et, tout en posant une main sur l’une de les épaules, leur expliqua ma présence en ces lieux. Je n’écoutais que d’une oreille distraite ces dires-là. Mon attention était toute polarisée par le plus jeune du trio – du moins, c’est ce qu’il paraissait être. Ses beaux yeux clairs m’hypnotisèrent et je sentis chavirer lorsqu’il affronta mob regard bleu. Mon cœur rata alors un battement.
C’est mû par un bien étrange sentiment que je rejoignis la couche nuptiale ce soir-là. Avant de dormir, j’appris, par mon mari, que ces hommes disaient venir d’un peuple appelé les « Flenn » et qu’ils avaient pour volonté d’aider les cavaliers du Fort à mener des explorations afin de recueillir plusieurs informations sur les environs ; en échange de quoi, ils donneraient or et pierres précieuses au gérant des lieux. Leur requête fut bien entendue remerciée et ils participèrent, les mois suivants, à la majorité des sorties à l’extérieur de la bâtisse fortifiée.
Les années passèrent, jusqu’à ce que j’atteigne les 23 ans.
Voici trois ans que j’étais l’épouse de Léon et notre couple demeurait toujours stérile à un nouvel enfant. Nous ne ménagions pourtant pas nos efforts, mais mon ventre refusa de voir grandir un héritier supplémentaire, sans doute. Mon ami restait malgré tout très prévenant et tâchait de me déculpabiliser à chaque instant ou je doutais de ma fertilité, que j’essayais de soigner avec des herbes médicinales et des remèdes que m’avait appris ma mère, lors de ma jeunesse. Rien n’y fit, malheureusement.
Heureusement qu’en parallèle, je me suis rapprochée du trio d’étrangers pour le moins singulier. D’ailleurs, c’est bien avec le plus jeune, justement, que je fis le plus connaissance. Il était au demeurant charmant et ne refusait jamais une escapade aux bords du fleuve, en ma compagnie. Je n’ai, en revanche, jamais cédé à la tentation qu’infusait sa simple présence à mes côtés en mon être, étant bien trop fidèle à Léon pour oser faire une chose pareille. Je me consolais en me disant que le destin fait parfois quelques erreurs, lui aussi.
Finalement, au bout de ces années d’établissement, le représentant du peuple « Flenn », devenu par la suite mon meilleur ami et confident, finit par me prendre à part, un soir, afin de discuter d’une chose qui, d’après lui, avait son importance. Apparemment, il n’y avait bien qu’a moi qu’il souhaitait divulguer une chose pareille.
Effectivement, ce qu’il m’avoua me scia sur place. Il m’informa que son « peuple » n’était pas né sur cette Terre, mais par-delà nos étoiles. Il était des êtres venus ici-bas afin de prendre connaissance de la vie sur les autres planètes. Il dû reprendre plusieurs fois son récit avant que je ne le comprenne parfaitement. Également, je dû promettre de n’en parler à personne, même si c’était très tentant, ce que je m’attelais à faire, bien entendu ! Il venait de me confier un important secret, je n’allais pas m’amuser à le dévoiler par simple jeu, c’était entendu.
De ce qu’il m’avait dit, rien ne filtra jamais, mais j’étais surexcitée à l’idée d’avoir accès à ce secret-là. Les Flemme pouvaient vivre jusqu’à 1000 ans et choisir de voir leur carcasse vieillir ou non. Le voyage à travers le temps ne leur était plus inconnu et mon cher ami me raconta bien des choses incroyables qu’il avait vues lors de ses voyages, parfois très particuliers. Je ne perdais jamais une miette de ces récits, pouvant ainsi rêver à ma guise, lorsque je m’ennuyais de trop.
Une paire de semaines suivant cet échange, ils durent partir, ce qui me brisa le cœur. Mon singulier ami me fit la promesse de revenir me voir, ce qui atténua un peu la douleur, je dois bien le reconnaitre. Il m’offrit également un serre-tête fleuri que j’affectionne depuis, ne me disant qu’il me serait utile, un jour. Un sourire pour le remercier et je sentais que je venais d’alléger un peu sa propre culpabilité.
Ils partirent à cheval, mais je n’étais plus dupe maintenant au point de penser qu’ils n’allaient pas rejoindre un moyen de locomotion bien plus avancé que ce qu’il était possible de trouver ici-bas, pour le moment. Le soir même, mon époux revint me voir, le sourire aux lèvres, extasié comme un enfant devant un magnifique présent. Et en effet, c’était bel et bien le cas.
Nos amis peu ordinaires lui avait fait cadeau, en signe de gratitude, d’un bien étrange objet. On aurait dit des lunettes, mais l’emplacement pour les carreaux avait été remplacé par des variantes de cadrans horaires. Je ne compris pas l’utilité d’une telle chose, mais mon mari crut bon de vouloir me faire une démonstration. Il régla son nouvel outil et disparut dans un flash de lumière qui me terrifia, les premiers temps. Ne sachant pas où il était, je l’ai cherché naïvement dans tout notre logement avant de voir une nouvelle lumière dans mon dos. C’était lui, il était revenu. Ses lèvres n’auraient pu être davantage étirées, je dois dire.
Il me tint par les épaules et me regarda droit dans les yeux, impatient de m’informer des choses qu’il avait pu voir.
« Lulu ! Si tu savais tout ce que j’ai pu voir ! Je... Je suis allé dans le futur et j’ai… j’ai vu des immenses bâtiments, entièrement fait de pierre solide et de verre ! Il n’y avait plus de chevaux ou de calèches mais uniquement des bêtes faites de métaux multicolores et roulant vite ! Oh, si tu avais pu voir tout cela ! »
Je craignais c qu’il me racontait, n’étant guère à l’aise avec ce genre de phénomène. Devais-je ou non le croire, d’ailleurs ? Une partie de moi aurait voulu, oui, mais pas l’autre. Une sorte de petite bataille interne prenait toujours graine en mon interne lorsqu’il me parlait de ses aventures dans les époques du « futur ». Je n’aimais guère ces inepties, mais cela semblait le divertir et lui faire plaisir. Je ne pouvais donc aller contre les bonnes grâces de mon homme.
Je l’ignorais encore, mais il allait, en plus de tout ceci, se servir de son gadget pour me sauver la vie.
En effet, loin du pacifisme dont il nous avait autrefois parlés, certains habitants du Fort Rosalie avaient pactisé avec « l’ennemi » britannique afin de renverser le régime en place et assoir une politique nouvelle sur l’endroit. C’est un soir que je pris conscience de la profondeur de la méchanceté humaine, je dois l’avouer.
Sur les bords de la rivière, je trempais un peu mes chevilles, alors que le soleil se couchait, cédant sa place au manteau de la nuit sombre et sans étoiles. J’entendis alors des bruits de galops venir de derrière. Lorsque j’eu tourné la tête, curieuse, je vis apparaitre des sous-bois Léon, l’air paniqué. Je n’eus guère le temps de me poser de questions qu’il m’attrapa par la taille et me hissa sur son destrier avant de repartir aussitôt.
« Tu dois te cacher ! Ils en veulent à ta vie ! »
Je ne comprenais plus. Sur le trajet, tandis que d’autres sabots martelaient le sol derrière nous, il m’expliqua rapidement la situation. Des traitres avaient pour dessein de me tuer afin de déclencher la fureur de mon clan et avoir un motif pour les éliminer. Quelle horreur. Je n’en croyais pas mes oreilles. C’était tout bonnement affreux.
Léon m’assura qu’il allait prendre soin de moi, qu’il ne laisserait personne me faire du mal. Jamais. Il faisait courir son cheval vers sa petite maison privative, un peu en retrait du Fort. Nous n’y avions été que quelques rares fois par le passé, aussi, je n’aurais su déterminer avec certitude l’itinéraire que nous avions emprunté.
Une fois la monture arrêtée, mon époux me prit par le poignet et m’emmena jusqu’à une petite remise de jardin ou se trouvait des outils de jardinage. Il pensait que je serais en sécurité, ici. Et moi aussi, je voulu le croire. Il m’embrassa tendrement le front et referma la porte striée de trous fins et fit volteface aux nouveaux arrivant ; aux traitres. Ces derniers voulaient savoir où il m’avait caché. Feignant d’abord l’indifférence, il du bien vite se rendre à l’évidence que ces gens-là ne voulait pas perdre de temps en paroles inutiles. Ils en vinrent rapidement aux mains. Il en maitrisa deux mais le troisième sorti un revolver et lui tira une balle à l’épaule. Je retint un cri, apeurée. Je tremblais. Tout mon corps tremblait.
Mon mari envoya valser le tireur et revint vers moi, ouvrant grand la porte et m’aspergeant de sang, sans le vouloir, à cause de sa blessure suintante. Il s’excusa et, malgré la douleur, se saisit de la paire de lunettes offerte par les Flenn et me la posa sur les yeux avant de faire quelques réglages.
Je lui dit que je ne voulais pas partir, que je souhaitais rester à ses côtés et y périr, si telle était ma destinée, mais il ne voulut rien savoir. Avant que je ne puisse comprendre quoi que ce soit, un émit un début de phrase.
« Lulu, sache que je t’ai toujours aimé. »
J’en fus si surprise que je ne sus quoi dire. L’instant suivant, je reçu encore plus de sang sur le visage. Léon venait d’être lâchement abattu par derrière, d’une balle dans la tête. J’hurlais. Le traitre arriva vers moi alors que le cadavre de mon mari venait à peine de rejoindre le sol ensanglanté. Se saisissant de mon poignet, à son tour il voulut me faire sortir brusquement de ce cabanon. Je me suis débattue, quelque peu. Mais, agacé par tant d’indiscipline, il m’asséna une violente gifle et j’entendis les cliquetis de l’étrange outil Flenn se manifester. Sans qu’aucun de nous ne le sachions, il venait de changer la destination.
Nouveau cri. Puis, je me sentis presque flotter. Une violente lumière m’entoura et petit à petit, la pression sur mon avant-bras se fit plus légère, jusqu’à disparaitre. L’assassin – car je ne connaissais pas son nom – tenta de m’étrangler avec la force du désespoir, mais il réussit juste à s’emparer de mon collier Natchez avant que la clarté ne m’emporte toute entière.
Je n’aurais su dire combien de temps dura mon voyage, mais j’avais la sensation d’avoir été comme piétinée par une horde de chevaux en me sentant de nouveau stable. Je ne savais pas où je me trouvais et, après une petite minute pour me remettre sur mes pieds, je décidais de relever le gadget de mes yeux afin de discerner bien mieux le monde qui m’entourait alors. J’avais peur, j’étais terrifiée, mais cette sensation ne fit que s’accroitre lorsque mon regard bleu aperçu d’immense colonne grisâtre touchant presque le ciel, ainsi qu’un sol lisse et uniforme, théâtre d’une dense circulation de créature aux armatures d’apparences lourdes et de toutes les couleurs.
La première chose qui me vint en tête fut que Léon n’avait alors pas mentit. Et, comme emportée par un instinct qui n’était pas le mien, j’ai mis un pied hors de ce sombre couloir, siégeant entre deux grands baraquements et levait les yeux vers le ciel étoilé, malgré que des plantes lumineuses semblaient remplacer le soleil, à présent. Ma curiosité se mua bientôt en folie car je ne fus guère assez prudente.
Un son strident me fit redescendre sur terre et je manquai de peu de me faire rentrer dedans par l’une de ces bêtes affreuses, toute faite de métal elle aussi. Je pris peur et engagea une course effrénée, traduisant ma terreur. Je ne remarquais même pas que les lunettes de mon époux glissèrent alors de ma tête pour finir sur le sol, ce qui les condamna à l’écrasement pur et simple par les roues de la chose ayant presque réussie à me prendre la vie.
Mon errance dura longtemps, très longtemps. Je me dissimulais le jour dans l’obscurité et essayais de savoir où je me trouvais, une fois la nuit tombée. Mais c’était peine perdue. Commençant à me sentir mal à cause de la soif et de la faim rajoutées à la fatigue, je me laissais glisser contre l’un des murs d’une bâtisse horrible, souhaitant que les esprits viennent bientôt cueillir ma vie, afin de rejoindre mes proches dans notre au-delà et renaître dans un corps qui me conviendrait au mieux pour une réincarnation.
Ma bonne étoile parut me sourire, cependant, car je vis une main s’aventurer vers moi, en signe de proposition d’aide. A partir de là, je ne me souviens plus exactement si oui ou non, j’ai saisis cette dextre. Une chose est sure, en revanche, c’est que je me suis réveillée dans un confortable lit.
D’abord incrédule, j’aperçus rapidement un homme, blond, l’air sympathique, se diriger vers moi avec un plateau contenant plusieurs délices dont mon estomac allait sans doute se régaler.
Il resta longtemps, avec moi. Nous discutâmes de choses et d’autres, comme nous le pouvions. C’est grâce à lui que j’appris, avec mon anglais ancien et sommaire, que j’avais changé d’époque. Je n’étais plus en l’an 1729, mais davantage vers les années du second millénaire. Je ne sus comment réagir, très intriguée et apeurée à la fois par ce brusque changement.
Mon sauveur ne se fit pas prier pour me venir en aide, cela dit. Il me parla de nombreuses choses, m’enseigna un anglais plus moderne et se porta même garant de ma sécurité, chez lui. Je n’ai, depuis, plus rien à craindre du monde extérieur, bien que je sois consciente que bien des choses il me reste encore à apprendre. Afin de le remercier, je fis part de ma volonté à vouloir l’aider dans son travail et fais de mon mieux, depuis, pour qu’il puisse se reposer sur une aide que j’essaie de lui offrir au mieux. Récemment ayant célébré mes 24 ans, je fais en sorte de me concentrer sur l’instant présent, en sa compagnie, quand bien même elle est parfois … étrange.