Pourquoi le Monde pleure ?

Naître, c'est quelque chose de simple. Naître, c'est un truc que tout le monde peut faire. Vivre, c'est différent. C'est un combat, une bataille. Vivre, c'est quelque chose qu'on ne veut pas tout le temps. Ils y en a qui se sauvent, qui esquivent la vie, mais c'est lâche. C'est parce que le Monde devient bête que tout change, que vivre devient plus difficile que naître. C'est aussi pour ça que rire devient plus compliqué que pleurer. Faire face aux problèmes est plus douloureux que fuir. Et plus personne ne fonctionne correctement autour du monde.

On ne sait pas qui de celui qui fait naître ou de celui qui naît souffre le plus. Les premières respirations, les premières poussées. Parfois le désespoir, le fait de croire qu'on n'y arrivera pas. Beaucoup de gens ressentent cette sensation insupportable de se faire broyer de l'intérieur, et tous ont ressenti cette brûlure dans leurs poumons la première fois où ils ont respiré. On naît et on pleure en hurlant. On pousse en pleurant de hurlements.

Kurt, il est né comme n'importe qui. Ce n'est pas qu'il n'était pas aimé et que cela rend sa naissance banale, c'est juste que toute naissance est banale, ce qui l'est moins, c'est la vie d'une personne. Il n'était pas aimé, il n'était pas détesté. Peut-être était-il désiré ? Il n'en avait pas la moindre idée. Il n'empêche que lui aussi, il a pleuré à s'en brûler les poumons. Il a hurlé jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. Et puis il s'est tût, laissant place à un silence morbide dans un hôpital. Un comble.

Dans la nuit, y a des ombres qui bougent.

On se cache sous les couettes, pensant que si par malheur un monstre entrait dans la chambre, il repartirait en pensant qu'il n'y a personne, que ça ne sert à rien de regarder sous le tissu pour trouver un enfant apeuré. Tout les enfants l'ont fait, ou du moins une grande majorité. Forcément, Kurt y est passé, à cette période où il avait peur des ombres des feuilles de l'arbre qui bougeaient à sa fenêtre. Enfant normal pour peurs banales. Il se cachait le plus possible entre ses draps, essayant de trouver du courage à travers des ours en peluche tel les plus faibles. Et des fois, il n'en formait, ne trouvant pas la force de ne pas croire en ces créatures monstrueuses qu'il imaginait. Il n'avait pas confiance, aussi bien en lui qu'envers ses vaillantes peluches censées le protéger contre des araignées mutantes ou le croquemitaine.

Le matin, il avait même peur de se faire attraper les pieds en les posant au sol, comme si une sorcière se cachait sous son lit et qu'un vampire vivait dans son armoire. Enfin, pour la peur des vampires, c'était jusqu'au jour où il découvre Twilight, là, il comprit que c'était les vampires qui allaient avoir peur de lui. Mais c'est une autre histoire. Il n'empêche qu'après s'être habillé sans se faire mordre ou couper les pieds, il avait peur de ces céréales. En fait, il avait peur du tout, ce pauvre enfant. Une petite nature qui ne savait pas comment s'y prendre avec ce qui se passait autour de lui, un rien l’effrayait.

Les années d'ors, les premières. Jusqu'à quel âge avait-il eu ainsi peur ? Il ne comptait même plus les années, mais le jour où ses peurs disparurent fut aussi celui de la découverte de son pouvoir et de sa première utilisation.

Faut se taire et manger, ça économise les forces.

Les années de la dizaine, c'est les plus compliqué. Les gens deviennent insolents, c'est la petite crise d'adolescence. Ils veulent avoir raison et le montre sur les plus faibles. Kurt, c'est le faible, les autres, c'est les insolents. Il faisait comme si ça ne le touchait pas, le pauvre. Il tentait de ne pas se faire remarquer, mais ça finissait toujours de la même façon, une ignorance totale de sa part envers les autres ce qui faisait qu'il se prenait souvent des injures et autres. Il faisait semblant de rien entendre, bien entendu.

C'est comme ça qu'il utilisa son pouvoir pour la première fois. Pour se faire accepter, pour se faire aimer. C'était tout simple et la vie lui semblait bien agréable. Pourtant, qui dit pouvoir dit responsabilités, mais ça, il ne l'a remarqué que bien trop tard. Il ne se faisait plus remarquer, certes, mais ce n'était pas pour cette raison que tout devait lui être permis. Pourtant, il faisait comme si. Quelque chose lui plaisait ? Il le prenait sans demander l'avis, avec le plus de discrétion possible et en pigeonnant les gens grâce à son don. Ça l'amusait. Clairement.

Les premiers pas vers la criminalité, et ils ne s'en rendaient même pas compte. C'était devenu maladif, voler pour vivre, qu'il se disait. Personne ne s'en rendait compte, il ne prenait que des petits objets ou quelques trucs par-ci par-là dans les magasins. Il ne se dégouttait même pas. Il trouvait ça normal, même si au fond, il se sentait mal. Il se disait que c'était pour la bonne cause : la sienne.

Toc, toc, bouh.

Dix-sept ans, parents peu présents, lycéens le jour, voleur la nuit. Dix-sept ans et toujours toutes ces dents. Double vie, comme les super héros, mais en mal. Il ne savait même plus comment il en était arrivé là, à aller chez les autres pour voler et vivre. C'était maladif, vraiment, car même s'il ne voulait pas, il le faisait quand même. Comme un alcoolique ne pouvant pas arrêté ou un fumeur qui est accroc. Sa drogue, c'était le vol. Bien sûr, il ne le disait à personne. Il n'arrivait déjà pas à s'avouer à lui-même que ce qu'il faisait été mal. Pourtant, il le faisait et il le savait.

À dix sept-ans, il avait la phobie des pieds, ne sachant même pas pourquoi ces membres lui faisaient peur. En fait, vu la société d'aujourd'hui, on pouvait même dire qu'à dix-sept ans, il avait une vie totalement normale pour l'époque.