La Grèce, un pays entouré d'îles les plus magnifiques les unes que les autres, bordées d'oliviers aux feuilles d'argent et de lagons à la couleur aussi bleue que le ciel un jour de printemps...
C'est dans ce pays si extraordinaire que moi, Appollina Théophania Delenikas, suis née une nuit d'été, dans un petit village situé sur une petite île, Hydra, presque isolée du reste du monde. Ici, point de voiture ni de technologie moderne, nous nous contentions de vivre notre vie simplement, le bonheur nous suffisait largement.

Aussi loin que mes souvenirs remontent, j'ai toujours eu le pouvoir mystique de contrôler et de créer de l'eau. Pourquoi ? Je n'en sais rien, mais papa se plaisait à dire que j'avais été bénie par Poséidon, dieu des océans, lui-même. Je me rappelle qu'à l'âge de 5 ans, je créais des sortes de balles formées d'eau qui reflétaient tout la lumière du soleil lorsque j'accompagnais maman au lavoir, et que je plongeais mes petites mains dans le liquide présent dans le bassin.

Les habitants du village ne se posaient aucune question sur les mystérieux pouvoirs qui m'avaient été donnés, se contentant de dire que telle était la volonté des dieux de l'Olympe, et qu'il ne servirait  rien de la contester. Je ne maîtrisais pas vraiment ma faculté sur l'eau, mais je vivais avec, m'amusant de temps à autre à animer de petites flaques d'eau, ce qui avait le mérite de distraire et de captiver tous les autres enfants de l'île. Sans vraiment être fascinée par ce que j'arrivais à faire, je l'acceptais, et même l'appréciais.

Mais l'année de mes 12 ans, le drame survint. Ce drame, ce fut de voir ma mère et mon petit frère Andreas se noyer sous mes yeux, et par ma faute.
C'était l'une de ces journées si chaudes et étouffantes que l'on voit souvent en Grèce. Le soleil chauffait si fort que nous avions l'impression de fondre sur place telles les glaces que nous étions en train d'engloutir en ce moment même, et maman, décidant de nous rafraîchir un peu, nous emmena à la plage de Kalinemou. C'était une petite crique isolée et connue seule des autochtones, bordée d'oliviers verdoyants et d'orangers qui embaumaient l'air de leur senteur délicate. Je me souviens  que nous avions joué, Andreas, âgé de neuf ans, et moi, à empiler des petits galets chauds comme la braise, formant des petites pyramides que  nous finissions ensuite toujours par détruire, imaginant que nous étions Zeus, dieu tout-puissant qui décidait de la création et de la destruction de chaque chose sur terre.

Maman nous a ensuite suggéré de venir nous baigner dans l'eau fraîche et salée de la mer Égée, ce que nous nous sommes empressés de faire.
Maman à nos cotés, nous nous sommes avancés prudemment dans l'eau, en faisant attention où nous posions les pieds, histoire de ne pas marcher sur l'un de ces malheureux oursins et de ne pas devoir terminer cette belle après-midi des épines pleins les pieds.
Je me suis vite sentie à l'aise dans l'eau, comme à l'accoutumée lorsque j'étais dans un milieu aquatique, et j'ai commencé à plonger et à observer les miriades de petits poissons qui passaient par ici.
Je ne sais combien de temps je suis restée là, sous l'eau, à nager après les milliers de petites créatures que je voyais. Il faut préciser que les particularités que j'avais reçues me permettaient de passer un nombre incalculable d'heures dans les profondeurs de la mer.

Lorsque je remontai à la surface, je trouvai Maman et Andreas qui s'amusaient à sauter par-dessus les vagues.
Leurs yeux bleus comme un ciel sans nuage exprimaient un bonheur intense, et leurs cheveux blonds reflétaient tous les rayons dorés et majestueux du Soleil.
Je me suis approchée, joyeuse moi aussi, et j'ai décidé de créer de plus grandes vagues pour leur faire plaisir et que nous puissions encore plus nous amuser.
Je me concentrai, tout en fermant les yeux, sentant le flux d'énergie me picoter chaleureusement la peau, comme à chaque fois lorsque je contrôlais l'eau, et imaginai des vagues de créer à la surface de la mer, l'écume se fracassant contre les rochers qui bordent la petite crique.
L'imagination est la clé de tout pouvoir, le saviez-vous ?
En entendant les cris de joie de mon petit frère, je sus que j'avais réussi, et ouvris les yeux, un grand sourire aux lèvres.
Je demandai à Andreas s'il désirait d'encore plus grandes vagues, voire même quelques tourbillons, qui l'emporteraient joyeusement et sans lui faire de mal où il le désirerait.
Il acquiessa, riant et s'impatientant, battant des mains. Maman sourit, elle était visiblement heureuse de l'amour que je portais à mon frère. Nous ne doutions pas un instant que ce moment de pur bonheur dégénérerait en l'espace de seulement quelques minutes...

Après avoir pris mon inspiration, j'avais senti une puissance que je n'avais jamais ressentie auparavant au fond de mon être, puissance qui ne pouvait être que bienfaisante, ou du moins le croyais-je. Je me dis que une puissance pareille devait être utilisée, elle ne pourrait en aucun cas être nocive...
Je me souviens avoir écarté les bras, tourné les paumes de mes mains vers le ciel, fermé les yeux, pour finalement libérer toute cette tension qui se trouvait en moi. Je voulais peut-être tester mes limites, ou du moins voir de quoi j'étais capable... mais jamais je n'aurais dû faire ça lorsque ceux que j'aimais se trouvaient encore près de moi.
J'avais senti des houles se fracasser contre nous, de plus en plus gigantesques, j'avais senti de l'eau qui sortait du bout de mes doigts en jet puissants et incontrôlables, j'avais senti des tourbillons de plus en plus violents se former près de nous, j'avais senti que tout m'échappait...

Je tentai de contrôler ce que je faisais, mais je compris, trop tard certes, que c'était cette puissance qui me contrôlait, moi, je ne pouvais rien, plus rien, faire.
J'entendis les cris de maman et d'Andreas. Je ne voulais pas ouvrir les yeux. Maman m'appela par mon nom d'un ton suppliant. Je tournai la tête. J'étais moi aussi ballotée et entrainée de plus en plus par les horreurs que je créais, mais moi, contrairement à eux, je respirais sous l'eau, et cette dernière ne pouvait me faire aucun mal. Je sentis Andreas m'effleurer le bras. Et là, je ne pus m'empêcher d'ouvrir les yeux, je vis qu'ils étaient en  train de peiner à reprendre leur souffle, que la fin était proche. Je ne pouvais rien faire, j'étais devenue incontrôlable.
Je ne voulais, je ne pouvais pas voir ce qui allait arriver. Je fermai les yeux, en détournant la tête. J'avais entendu des cris, qui m'appelaient, me suppliaient. Et au bout d'un long moment, plus rien, plus un bruit. Et je sus que c'était terminé. La mer était toujours en train de gronder, me secouant en tout sens, mais je ne faisais plus rien pour me retenir. L'utilisation si intensive de mon pouvoir, même contre mon gré, m'avait totalement vidée de mon énergie, je me sentis défaillir, puis tomber au fond de l'océan. Je n'essayai même pas de me relever, me contentant de me rouler en boule, impuissante. J'avais compris ce jour là que ce que j'étais capable de faire n'était pas un don, mais une malédiction.

Ce n'est que la nuit tombée que Papa, ne nous voyant pas revenir, envoya les secours à notre recherche. Ils trouvèrent et ramenèrent les corps sans vie de Maman et d'Andreas, et me virent au fond de l'eau. Ils me prirent certes au début pour morte moi aussi, mais ils se rendirent vite compte que je respirai encore. Ils ne posèrent aucune question par rapport à mon état que l'on pourrait qualifier «d'anormal», se doutant que je ne voudrait pas parler de ça. J'étais en quelque sorte confinée dans un mutisme et une dépression sans bornes. Lorsque je revins au village, je vis tout de suite que tous les autres habitants me voyaient comme celle que j'étais vraiment : un monstre.
Cet accident avait eu au moins le mérite de m'ouvrir les yeux et de me révéler ma véritable nature, que j'avais refusée de voir jusqu'ici. Je me fis la promesse de ne plus utiliser ce don maudit qu'un quelconque démon avait décidé de m'octroyer.

Les années passèrent, sans aucun événement réellement marquant. Je n'étais plus Appollina la fille de l'eau, mais Appollina le monstre qui voulait être humain. J'avais tenu mon serment de ne plus essayer de contrôler l'eau. Pour les autres, ma capacité à contrôler les flux aquatiques s'était effacée. Ils pensaient que je n'avais plus aucun pouvoir. Mais moi je savais, je le sentais, malgré tous les efforts que je faisais, au fond de mon être. Mais j'essayais de faire comme si j'avais perdu toutes mes facultés avec les milieux hydroliques.
Bien sûr, il ne se passa pas une journée sans que je ne pensai à Maman et Andreas. Leur disparition m'avait réellement brisée. Mais j'essayai de montrer malgré tout un visage joyeux aux autres, ils n'avaient pas à souffrir eux aussi de mon malheur. Et puis un sourire est le meilleur trésor que je pouvais leur offrir pour qu'ils ne me voient plus comme un mutant démoniaque.

Bien sûr, il ne se passa pas une journée sans que je ne pensai à Maman et Andreas. Leur disparition m'avait réellement brisée. Mais j'essayai de montrer malgré tout un visage joyeux aux autres, ils n'avaient pas à souffrir eux aussi de mon malheur. Et puis un sourire est le meilleur trésor que je pouvais leur offrir pour qu'ils ne me voient plus comme un mutant démoniaque.
Tout se passa donc sans aucun événement majeur à raconter. Enfin, jusqu'à l'année de mes dix-sept ans, où Papa m'annonça une nouvelle qui allait bouleverser ma vie. Ou pas. Il m'inscrivait à une sorte d'école pour les gens anormaux tels que moi pour apprendre à maîtriser leurs capacités hors-normes. Je vais y aller, mais qu'ils ne comptent pas sur moi pour que je fasse des efforts pour contrôler l'eau du mieux que je peux. Je n'y arriverai pas de toute manière, ça fait trop longtemps que je n'ai pas essayé de maîtriser l'eau. Et en plus je n'en ai pas envie, ça me rappelle trop maman et Andreas. Mais je vais quand même dans cette école. Pour faire plaisir à mon père.  Mais aller dans cette grande ville inconnue m'effraie un peu, il faut l'avouer. J'espère que les gens seront gentils à la heroe's sup, et que tout se passera bien...