"A ce que je vois, tu n'es pas française. De quelles origines es-tu ?"
"Mon père est un médecin américain qui fut envoyé en mission dans un petit pays africain où justement vivait ma mère."

"Mama ? Pourquoi et où, on va ?"Cette question s'échappait des lèvres d'une fillette à peine âgée de neuf ans. Et sa seule réponse fut un grand sourire serein de la part d'une douce personne. Qu'est ce qu'elle aimait cette expression chaleureuse qu'affichait sa mère. Seulement, Cyra demeurait encore dans l'ignorance devant cet immense bateau. Sa petite valise à la main, elle attendait calmement le retour de son père dans une file interminable de personnes venues du continent. Sur la coque de leur moyen de transport, était inscrit en lettres majuscules "AFRICA-USA". Alors, ce jour était enfin arrivé. Celui où la jeune fille devait abandonner son petit village natale, ses rêves d'enfant, ses amis, la rivière asséchée, les chèvres tachées par la terre, le soleil brulant sa peau, ses souvenirs, sa vie. Une vague de larme envahit ses yeux. Non, elle n'avait pas envie de quitter son chez-soit pour tout balayer puis ainsi tout recommencer. Deux grands doigts masculins cueillirent les gouttes salées qui roulaient sur ses joues humides. Reconnaissant son cher paternel, elle tourna sa petite frimousse avec un air de chagrin accroché au visage. Le testoscospe accroché en guise de collier autour du cou et sa malle décorée d'une croix rouge dans la main gauche, il demanda à sa petite famille de le suivre. Avec réticence elle accrocha leur pas, mais une main s'enroula dans la sienne et un nouveau sourire réconfortant l'extirpa de ses doutes. C'est alors que la fillette à la peau chocolat transforma son chagrin en un visage éblouissant.

"Comment as-tu découvert ce don que tu avais en toi ?"
"Toute seule, d'abord avec peur mais j'ai appris à m'y faire. Et je l'aime finalement, ce don !Seulement on avait pas tous le même avis."

Comme chaque après-midi, Cyra se préparait pour son entraînement de volley-ball. Le sac de sport sur son épaule et sa tenue sur le dos, elle déboula les escaliers à vitesse grand V. Jamais à l'heure, n'espérez pas la voir ponctuelle à un quelconque rendez-vous, elle ne le sera quasiment pas. D'ailleurs combien de temps lui restait-il ? Elle fixa bêta son poignet avant de comprendre que sa montre était restée sur son chevet. Quelle idiote écervelée ! Grimpant les marches quatre par quatre, elle la récupéra enfin. La porte d'entrée claqua, c'était surement son père qui rentrait du travail plus tôt qu'à l'accoutumée. En tout cas, elle ne pouvait pas s'accorder une minute de plus. Sa tête fit volte-face pour une analyse rapide de la pièce. Non cette fois-ci tout était bon, la jeune adolescente pouvait partir tranquille. Une fois de plus au point de départ, elle empoigna son sac avant de se diriger vers la cuisine afin de prévenir sa mère. Cependant, dans la cuisine, il n'y avait pas que sa mère. Cyra resta choquée face à cet étrange vision. Clignant ses paupières pour confirmer ce qu'elle avait sous les yeux, sa bouche était ouverte comme un poisson hors de l'eau. Le hurlement de sa mère la fit sortir de cette transe et elle avait de quoi crier d'effroi. Une copie conforme de la jeune sportive était postée tel un piquet en plein milieu de la pièce, fixant un point invisible. Les mêmes yeux, les mêmes cheveux, la même bouche, la même taille, les mêmes pieds ! Ce clone et Cyra étaient deux gouttes d'eaux. S'en était déroutant et effrayant. La jeune fille se déplaça prudemment vers son autre elle-même, de peur de faire un mouvement brusque. On ne sait jamais. Sa mère avait adopté une position mi-défensive mi-effrayée avec une poêle en guise d'arme. Super intimidant."Qu'est-ce qu'il se passe ici ?!"Apparement son père était enfin rentré du boulot et Cy' entendit ses pas s'arrêter à l'entrée de la pièce. Elle découvrit le visage de son paternel, tel qu'elle ne l'avait auparavant jamais vu. La surprise s'était emparé de ses traits, puis se transformait peu à peu en peur et enfin en colère. "Qu'est-ce que tu as fait ?!" Répondre était impossible, car elle aussi cherchait une explication. Elle tenta d'articuler quelques mots, seulement aucun son ne jaillit. C'était l'enfers. De nouveau, il répéta sa question, mais la froideur et le mépris se mêla à ses paroles. Aucune réponse. Cyra aurait aimé protester, mais elle chercha de l'aide auprès de sa mère qui ne fit qu'éviter son appel de détresse, tremblante. Cy' ne pouvait éviter le regard emplit de dédain et d'effroi de son père qui lui plantait le coeur. D'une voix glaciale et lourde il lui adressa la parole pour la dernière fois de sa vie. "Tu es comme ces autres ignobles individus. Tu n'es pas ma fille. Tu es un monstre." Ces derniers mots résonnaient au fond de son esprit vide de pensée, cela sonnait comme un gong qui annonçait la mort d'une personne. Sa mort, peut-être. Qu'est-ce qu'elle avait fait...?

"Pourquoi être entrée dans la Hero's up ?"
"La brochure était si belle ! Nan, en réalité c'était une nouvelle vie qui s'ouvrait à moi."

Elle rentrait chez elle, dans cette maison dénuée de vie. Lorsqu'elle passait le seuil de la porte, le désespoir devenait plus grand chaque minute et cela s'accumulait au fil du temps. Une boule s'accrocha à sa gorge et Cyra prit le temps de refermer derrière elle. Ses pas la guidèrent au salon où sa mère était assise à table, le front collé à ses mains jointes, fixant d'un oeil vague le téléphone. Depuis ce jour, cette position morne était sa favorite. La mère qui avait perdu cet étincelant sourire d'autres fois, ne releva même pas la présence de sa fille. D'un air peiné et abattu, Cy' posa les affiches dont les inscriptions suivantes étaient encrées "Missing : Woods William". Prenant place aux côtés de sa seule famille qui lui restait, la jeune fille observa à son tour l'appareil téléphonique. Sa mère sursauta et se décala de façon à s'éloigner brusquement de sa fille. Cy' avait dorénavant l'habitude de cette réaction. Quoi de plus normal, quand on apprend que sa fille n'est pas comme les autres et que son mari déserte pour cette raison. Alors, c'était ainsi ? Leurs journées allaient se résumer à fixer ce téléphone dans l'espoir qu'un jour il sonne. Apportant les nouvelles tant espérées. La seule et unique nouvelle qu'elles souhaitaient. Elle fut interpellée par la voix tremblante de sa mère qui s'épuisait à petit feu. Cette dernière glissa devant elle un billet ressemblant à une brochure d'école "Ma douce Cy'... Depuis combien de temps ton père est parti ? 2 ans et il n'est toujours pas revenu... C'est si dur sans lui, Cy'... Je n'ai plus assez d'argent pour nous deux et je ne peux plus supporter cette situation avec... Ton pouvoir... J'ai trouvé cette école spécialisée pour les personnes... Comme toi... " Tenter de protester était peine perdue. Proposer de s'engager dans plusieurs petits jobs pour subvenir à leurs besoins, n'était pas assez. Un voile de tristesse s'empara de son visage et ses yeux se remplirent de larme. Non, elle ne voulait en aucun cas laisser ce problème de côté. Fuir pour vivre dans la paix et la sérénité et ainsi abandonner sa mère dans leurs problèmes financiers. Mais la principale raison de cette soudaine proposition, c'était elle. Elle et cette différence que sa mère ne réussissait plus à assumer. Son père et maintenant sa mère. Tous les deux la reniaient. Cyra en voulait à ses parents, au monde entier, à elle-même."Pars Cyra ! Je t'en supplie...."
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