the world isn't just black

Il fallait avouer, en toute sincérité, qu'Aiden n'était pas un homme qui cherchait les problèmes, pacifiste comme il est. Cependant, en cette fraîche nuit d'automne, pour la première fois depuis des semaines, il pointait le bout de son nez à l'extérieur, à la recherche de malfrats et autres petits criminels. Des membres de petits gangs, des piètres voleurs ; Aiden ne se sentait pas prêt à rivaliser avec des opérations illégales de grande ampleur. Après tout, il était toujours un élève, et de plus, pas vraiment expérimenté. À cette pensée, il vérifia son téléphone, configuré de manière à appeler de l'aide si une situation tournait mal.

Sûr que tout était fin prêt, Aiden s'aventura naturellement dans ces ruelles étroites, à la recherche de demoiselles en détresses, de grands-mères auxquelles on aurait volé leur sac, de jeunes couples harcelés. Il fallait dire que, sans rentrer dans les clichés des impasses et autres ruelles sinueuses, il n'était pas rare que des larcins soient commis en toute impunité en ces lieux. Manque de lumière dû aux réverbères défaillants, manque de témoins dû au silence inquiétant ; ce lieu était bien propice à diverses activités criminelles.

Mais pas aujourd'hui ! Aiden se dit-il. Aujourd'hui sera une soirée calme, sans vols sans cris et sans bagarres ! Il était là, dans son costume d'un rouge flamboyant, patrouillant d'un air sérieux dans les rues. Il n'avait pas peur de se montrer, Aiden, il n'avait pas peur d'être une cible –c'était mieux lui que les autres. Alors il ne soucia guère de se tenir sous les lumières ; rayons de lunes ou juste faibles réverbères, il n'y prêta pas attention.

Tic, tac, tic, tac. Les minutes passèrent, puis les heures. Aiden s'étira le dos, fit craquer sa nuque, puis soupira. Pas d'action, ce soir, il semblerait ! Le jeune homme était un peu déçu, un peu fatigué, mais décida de rester un peu plus. Il était possible que les criminels n'attendissent que son départ pour reprendre leurs activités. Ou alors ils avaient un peu peur. Ah, peu importe. Son objectif était de patrouiller, de régler les problèmes, même mineurs (madame A pense que le chien de monsieur B pisse trop dans le jardin), et, si possible, récolter des informations, bonus s'il ne mettait en danger personne.

Aiden ferma les yeux, les frotta. Il avait l'impression qu'on lui dictait sa ligne de conduite. C'était dans ces moments-là qu'il regrettait sa famille. L'adrénaline de leurs sorties nocturnes, l'extase de mettre la main sur des informations confidentielles, la satisfaction de percer la défense d'un adversaire. Oh, Aiden n'appréciait pas la violence, mais il ne se ménageait pas, quand une personne méritait mille douleurs et souffrances.

Il fronça son nez, renifla d'un air dédaigneux. Finalement, après quelques moments d'hésitation, s'autorisa à s'appuyer contre le mur tagué derrière lui. Il devait être, disons, deux heures ? Trois heures ?

Ce fut quand sa montre lui signala d'un « bip » strident qu'il était deux heures qu'une silhouette se dessina dans son champ de vision. Elle se tenait loin des lumières, se pressait contre un mur comme si elle voulait se fondre à l'intérieur. Aiden, sur ses gardes, se redressa tout de suite, fixa sa cible, puis se concentra. Il voulait se tenir prêt à agir, à immobiliser la personne ; mais hésitait en même temps –si ce n'était qu'un innocent qui rentrait de boîte, d'un fête ? Aiden ne pouvait pas savoir. Certes, la personne se comportait étrangement (le jeune homme pensa tout d'abord qu'elle était ivre, mais elle était bien silencieuse), mais cela ne voulait rien dire.

Indécis, Aiden resta figé, ses yeux ne quittant pas un instant la silhouette. Son pouvoir était là, il le sentait suivre les veines de l'inconnu, prêt à agir, prêt à passer à l'offensive, mais ne fit rien. Il se contenta de laisser le sang passer entre les mailles de son filet avant d'être sûr, sûr d'agir, parce qu'en toute sincérité, Aiden n'était pas un homme qui cherchait les problèmes, pacifiste comme il est.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

Il est extrêmement difficile de supporter la douleur. Surtout lorsqu'on subit une dose de mutagène trop élevée par exemple. C'est pourquoi si vous vous faites régulièrement des injections de ce sérum à défaut d'avoir un don à la naissance il vous faut un antidouleur sur vous en toute circonstance, et malheureusement à ce jour Gengis n'en avait plus. La dernière dose utilisée c'était montrée inefficace en plus d'avoir était utilisée à la légère. C'est pourquoi en temps qu'utilisateur de mutagène assez particulier, il se devait d'en avoir sur lui le plus rapidement possible.

Peut être que s'il avait fait plus attention Gengis ne déambulerais pas dans les ruelles sombres à une heure pareille. Acheter des tranquillisants aux petits dealers du coin à défaut d'argent était déjà assez risqué comme ça, pas besoin d'attirer l'attention. Ce qui expliquait l'heure tardive et le coin sombre dans lequel il devait se rendre.

Ce soir il n'était pas du tout en forme, la crise de cette après midi l'avait complétement vidée. A avoir voulut faire le malin pendant le cour de maitrise il avait finit à l'infirmerie avec une bonne fièvre. Alors cette nuit pas de prise de risque inutile, il allait voir l'habituel vendeur, payer et prendre la marchandise et repartir aussi vite qu'arrivé.

Malheureusement il savait bien que tout n'allait pas être aussi simple. Il regarda sa montre, elle indiquait presque deux heures du matin, bon timing. Le brun remonta son col de veste pour empêcher le vent frais d'arriver jusqu'à son coup. Malgré son écharpe il sentait l'air ambiant lui mordre le visage faisant rougir ses joues, une sensation qu'il détestait.

En arrivant presque au point de rendez-vous habituel il remarqua pourtant une chose qui lui avait échappé : il n'y avait pas un seul bruit. Pas un clodo, pas un groupe de poivrot, même pas les deux ou trois prostituées habituelles de ses quartiers si classes, il régnait un calme profond et terrifiant comme avant une tempête. Gengis se retourna rapidement scrutant chaque recoin sombre sans rien trouver. Peut-être qu'il devenait parano avec la fatigue ou alors était-ce le fait que dans son état il ne pouvait même pas se défendre contre quatre ou cinq agresseurs à la fois ?

Il soupira, tentant de ralentir les battements de son cœur, se retourna et eut juste le temps de voir une ombre devant lui, se qui le fit brusquement reculer d'un pas. C'était un homme à la démarche chancelante, surtout ivre, pas très grand. Il articula sinistrement :

-Donne... ton frique...

A la vue du poivrot Gengis se détendit soupirant encore plus fort crachant une longue fumée blanche.

-Désolé mais j'ai des course à faire avec alors ça sera une autre fois ! Dit-il d'un ton presque chanté avant de continuer à avancer en prenant bien soin de le contourner.

Mais l'homme recommença d'une voie toujours plus sombre :

-Donne...ou tu vas le regretter...

Cette fois Gengis eut un frisson qui n'était pas du au froid. Il se retourna regardant l'homme de haut en bas. Comment un type pareil, pas armé et qui ne tenait même pas sur ses jambes pouvait lui faire aussi peur ? Le brun souffla d’agacement puis se retourna découvrant une foule au lointain. Il écarquilla les yeux en remontant ses lunettes pour mieux voir mais il s'agissait bien d'au moin une dizaine de personnes.

-C'est le moment de rentrer... souffla-t-il.
Mais lorsqu'il voulut commencer à courir dans l'autre direction, Gengis sentit une douleur vive sur la tempe. Sa vision se brouilla et il sentit un liquide chaude sur sa joue. Sonné, il tomba à genou en passant sa main sur son visage, du sang. Il releva juste la tête avant de réaliser que poivrot en question avait une bar en fer à la main sur lequel un peu de rouge s'était logé avec le cou.

Gengis se reprit lorsqu'il sentit l'homme passer une main dans sa veste à la recherche d'un porte feuille. Il eut juste le temps de se dégager et de courir dans n'importe quelle ruelle, peu importe la direction du moment qu'elle ne donnait pas sur un cul-de-sac ou encore plus d'ennemi. Retrouvant progressivement ses esprits, sa main toujours sur sa plaie, il s'enfonça dans differentes ruelles un peu au hasard, les bruits de pas et les cris furieux tout proche.

Ce n'est que lorsqu'il tourna brusquement pour s'enfoncer dans l'ombre d'un mur que les hurlements disparurent progressivement jusqu'à devenir de simple murmure au loin. Toujours plaqué contre la brique Gengis reprit son souffle calmement. Il se demandait encore comment il n'avait pas pu repérer une dizaine de personnes le suivant depuis tout à l'heure. Il allait mettre ça sur le compte de la fatigue lorsqu'il repéra une présence proche.

En tournant légèrement la tête, il vit une silhouette entièrement vêtue de rouge.

«Une cible vivante... se dit-il. Il est avec eux ou bien... »

Toujours essoufflé, les nerfs à vifs, gengis sentait ses jambes trembler sous son poids : il avait la trouille. Sa blessure à la tempe n'en finissait pas de saigner, se qui l'obligeait à fermer un œil. Visibilité réduite, la fatigue, la peur, pas d'anti-douleur, Gengis n'avait pas vraiment le facteur chance de son côté, mais il ne pouvait pas se permettre de se faire dépouiller comme une pucelle dans une ruelle sombre.

Fixant son adversaire, toujours dans l'ombre Gengis sortit lentement une seringue de mutagène. "Pas de risque inutile, tenta-t-il de se rassurer, la petite bande revient. Je vais tout de suite voir si j'ai affaire à un amie ou un ennemi. Au pire s'il se fait lui aussi agresser j'en profite pour filer..."

Mais voilà, ami ou ennemi, Gengis ne sera pas comment prendre en compte la situation...

blood and dust

Du rouge dansait, à la faible lueur des réverbères. Rouge carmin d'un sang étalé contre un mur de brique, rouge flamboyant d'un sang qui coulait le long d'une peau diaphane. Aiden observa un instant sans se soucier de sa relative indiscrétion, attendit dans la presque pénombre –mi-prédateur en chasse, mi-proie en fuite. Les mailles de son pouvoir suivaient les gouttes qui perlaient de la blessure de cet inconnu, incapable de se décider d'aider ou de nuire.

Aiden resta indécis un moment, puis décida d'aider, de dégager le sang qui obstruait la vue du jeune blessé. Il se focalisa sur la coupure, ses yeux parcoururent le liquide vermillon, puis il inspira et expira, conscient que cette aide qu'il apportait pourrait être un facteur de défaite si un combat s'engageait. Mais n'avait-il pas excellé pendant le cours d'apprentissage aujourd'hui ? N'avait-il pas assez de connaissances pour se défendre seul ?

Alors qu'il s'approchait d'un pas décidé du jeune homme brun affaissé contre les briques, Aiden entendit, au loin, des cris pleins de rage. Ils se rapprochaient, leurs chaussures martelaient le sol en une drôle de cacophonie, soulevant poussières et déchets ; et soudainement, ce fut d'une évidence frappante que le blessé devant ses yeux, tout vêtu de noir, sanguinolent et paniqué, était plus victime que bourreau. Aiden resta figé à mi-chemin, observant la pauvre figure adossée contre le mur.

« D'accord, d'accord, Aiden murmura à lui-même, ses yeux rubis brillants d'une lueur déterminée lorsque son pouvoir entra en action. »

Comme en un intriguant effet de retour dans le temps, le sang se glissa hors du champ de vision de l'inconnu, remontant en un amas rougeâtre vers la coupure, et resta là, tournoyant dans l'air, pressant contre la blessure pour empêcher tout saignement futur, sans pour autant s'y immiscer. Aussi étrange que cela put paraître, Aiden constata, silencieusement, qu'il avait l'impression de voir de l'huile nager dans de l'eau. Mais Aiden était bien un homme étrange, et tenter de comprendre pourquoi une telle pensée lui venait en situation critique était quelque chose d'assez complexe.

« Tu peux bouger ? Je suis pas là pour faire du mal, dit-il, sa voix rassurante peu à peu couverte par des bruits de pas. »

Aiden avait l'impression de parler à un enfant, de lui dire que « papa et maman arriveront bientôt te chercher, t'inquiètes pas », alors qu'en s'approchant, il savait très pertinemment que l'autre jeune homme devait avoir son âge.

Arrivé à la hauteur du blessé, Aiden s'accroupit pour étudier de plus près son visage. Il avait l'impression d'avoir déjà vu ce jeune homme tout vêtu de noir ; était-ce un commerçant, un habitant de la ville adjacente ? Était-il un visiteur de l'école ? Aiden avait déjà vu ce visage aux traits fins, ces vêtements si caractéristiques ; mais décida finalement que ce n'était pas vraiment le moment de faire connaissance. Il glissa un bras sous l'autre homme sans même demander un avis ou attendre une réponse à sa précédente question, et tenta de le soutenir du mieux qu'il pouvait –heureusement que le blessé n'était pas bien lourd !

« Désolé, souffla Aiden, luttant contre la fatigue due à son pouvoir encore actif et ignorant le faible bruit d'une fiole (ou d'un bocal ? D'un morceau de verre ?) s'écrasant à terre. On peut pas trop tarder, je vais devoir te trainer si tu bouges pas. »

À ces paroles, Aiden inspira, expira, et fit le vide. Ne pas céder à la panique, s'obligea-t-il. Il devait avoir un moyen de s'enfuir d'ici ; la ruelle de droite semble-t-il, et après, tourner à gauche. Traverser le parc qui s'offre au coin. Et Aiden avait beau supplier son cerveau, son sens de l'orientation, toutes les entités du monde de lui indiquer le chemin rapidement, mais Aiden sût, très rapidement, qu'il était trop tard.

Le bruit dérangeant d'une barre de fer traînant contre le sol s'approcha, avant de s'arrêter. Aiden n'eut en aucun cas le besoin de se retourner pour savoir qu'ils n'étaient plus seuls.

Toujours adossé au mur, Gengis tentait de calmer son souffle. L'homme en rouge (la cible mouvante vous vous rappelez?) se rapprocha de lui à pas prudent. Au fur et à mesure que le jeune homme s'avançait, Gengis se disait qu'il ne pouvait s'agir que d'un héros dans sa tenu fluo et en pleine nuit dans un quartier aussi glauque. De plus son visage lui était plus que familier, se devait être plus qu'un simple gars croisé à un café ou dans la rue pour qu'il se souvienne de son visage. Ce devait donc être un étudiant de la Heroes, ou quelqu'un du personnel, non trop jeune...

Gengis fut sortit de sa rapide réflexion lorsque l'individu en question, n'étant plus qu'à un mètre environ, marmonna quelque chose. Le brun recula rapidement à nouveau contre le mur lorsqu'il vit la le regard de l'inconnu briller d'une lueure rougeâtre à vous faire froid dans le dos. Malgré le fait d'être entrée à heroes depuis un mois maintenant, Gengis n'était toujours pas habitué à voir un prodige en action, pour un humain quasiment ordinaire comme lui un pouvoir en action l'impressionnait toujours autant.

Pétrifié devant ce regard, il sentit peu à peu sa vu redevenir clair, la couleur rouge qui obstruait sa vision disparaissait peu à peu lui laissant à nouveau la possibilité d'ouvrir l'œil. En même temps une sensation désagréable l'envahit comme des fourmillements au niveau de la plaie. Il passa sa main sur son visage et remarqua qu'elle restait propre : le sang avait disparu pour coaguler sur la blessure qui s'était déjà presque refermait à son impression.

Incapable de parler ou même de bouger, il fut sortit de sa stupeur par la voit de l'inconnu. Ce type allait l'aider ? Et par dessus tout il lui parlait comme à une demoiselle en détresse ? Pour qui se prenait-il ?!

Alors qu'il commençait à peine à se remettre de ses émotions, Gengis se sentit tiré vers l'avant. Le garçon en rouge avait passé son bras autour de sa taille et le trainait à moitié. A son contacte il sursauta et se raidit totalement. La surprise le fit lâcher la seringue de mutagène,il put simplement la regarder éclater sur le sol, il ne manquait plus que ça. Tomber sur un super héros à la noix qui ne peut faire que s'enfuir devant un gang de clodo et lui parler comme un parent, il avait besoin de tout sauf de ça !

Mais se qui le mit encore plus en rogne se n'était pas que cet idiot le porte et le considère comme un boulet, non, c'était principalement le fait d'avoir cassé le précieux mutagène. Cet abrutie de cible rouge n'avait pas idée du temps pour en réaliser une ? Ni même du prix de ça coute ? Gengis freina son sauveur du dimanche afin de se remettre sur ses jambes. Il se tourna vers lui, son visage se froissa et de colère une veine vint se former sur sa tempe, il avait le plus grand mal du monde à garder son sang froid et à ne pas élever la voie.

« Lache moi ! Je suis juste blessé à la tempe, pas mourant ! Alors calme tes ardeurs ! (Gengis déteste vraiment qu'on le touche) Tu ferais mieux de nous sortir de là ! »

Avec le recule il se dit qu'il devait passer pour un vrai salaud, mais ce n'était pas vraiment le moment de faire des politesses. Derrière eux le raisonnement d'une bar de fer se fit entendre de plus belle. Gengis, en se retournant vers son porteur, reconnu de suite le « chef » celui qui l'avait attaqué. Celui ci se jeta en hurla sur eux balançant sa bar de fer au hasard devant lui. Gengis se demandait bien comment il avait pu se laisser avoir par un déchet pareil, rien que d'y pensait lui donnait la nausée.

Il s'avança tout en esquivant les coups trop peu réfléchit et profita de l'occasion pour lui lancer son genou dans le ventre. L'homme face à la douleur tomba nette sur le sol les yeux exorbités et le souffle coupé. Gengis lâcha un soupir de dégout et d’agacement avant de se tourner vers le super héros inconnu. Il sortit son portable afin d'activer la fonction GPS.

« On devrait pas restait là, sinon tous les autres vont rappliquer. On devrait prendre vers la droite avant qu'il nous encercle ,même si je doute qu'il soit suffisamment intelligent pour le faire. »

Tout en restant d'une froideur exemplaire face à son sauveur Gengis lui tendit la main afin qu'il se relève. Parce que oui, ça avait beau être un bleu d'après lui, il se disait qu'il ne devait pas être si dure avec lui, il l'avait quand même soigné, et c'était presque comme un collègue, non ? Vu qu'ils viennent tous deux de la même école.

Mais au même moment où la situation semblait un minimum s'améliorer, les pas du groupe se faisaient maintenant de plus en plus proche autour d'eux, et la fuite ne semblait en aucun cas une option envisageable...

the lone wolf

Aiden ne s'attendait pas à une réponse, à vrai dire. Il s'attendait à traîner un poids mort avec lui, à s'avancer dans ces ruelles sombres et étroites avec difficulté, à se défendre, lui et le blessé, seul contre tous ; mais ce fut avec soulagement qu'il vit l'autre jeune homme se relever, se détachant de lui comme s'il portait la peste. Aiden décida de ne pas lui en tenir rigueur ; il admit préférer quelqu'un avec un peu d'aplomb qu'un blessé en état de choc, figé et peu coopératif.

Par contre, Aiden était certain de n'avoir, en aucun cas, désiré à ce qu'on s'en prenne à lui comme ça, verbalement, alors que toutes ses actions étaient axées sur un seul et même but : aider. Ah, l'ingratitude perdra l'humanité, un jour, songea-t-il d'un air renfrogné, mais là n'était pas le moment de se morfondre sur les sentiments humains. Au lieu de ça, Aiden fronça son nez d'un air dédaigneux, ignorant totalement les paroles de l'autre ingrat –comment osait-il lui parler comme cela après l'aide apportée ?

Le jeune héros, tout de rouge vêtu, n'avait jamais cherché à recevoir mille et unes récompenses pour ses actions, un simple « merci », un tape amicale à l'épaule, lui auraient amplement suffit ; Aiden ne se focalisait pas vraiment sur des présents matériels, il voulait juste un minimum de respect. Il fallait croire qu'en cette nuit-là, Aiden était tombé sur quelqu'un qui soit colérique, soit trop fier pour accepter de l'aide. Dans les deux cas, son comportement exécrable donna envie à Aiden de relâcher son pouvoir, d'extirper un peu de sang de cette fine blessure, pas assez pour le rendre inconscient, mais assez pour qu'il comprenne que la politesse ne tuait pas.

Aiden, rancunier ? Non, voyons. Il préfère dire qu'il vous traite de la même manière que vous le traitez. Œil pour œil, dent pour dent. Avec une touche personnelle qui comporte souvent du sang.

Un cri, et Aiden s'extirpa de sa rêverie pour voir le blessé esquiver une barre de fer avec une agilité insoupçonnée , et le jeune héros décida que cet inconnu était un héros. Dans ses mouvements, dans ses gestes et ses répliques, il reconnaissait parfois les techniques étudiées en classe, perfectionnées en groupe. Un élève de Heroe's High donc ? Aiden ne l'avait jamais vu, peut-être ne partageaient-ils pas la même classe ou groupe de travail.

Il aurait voulu continuer à regarder le jeune brun bondir hors des coups, en infliger, comme une drôle de danse ; mais Aiden fut bien obligé d'agir aussi, car l'ennemi n'était pas venu seul, et bientôt deux délinquants tentaient de le saisir par le cou, de lui donner un poing dans le ventre. Contrairement à son confrère héros qui ne les mettait à terre en coupant leur souffle ou en leur infligeant de la douleur, Aiden décida de les assommer par un geste précis et concis ; plus par précaution qu'autre chose. Un coup dans la nuque, un autre dans le ventre. Cela aurait été vraiment agaçant d'avoir une troupe derrière eux.

Il n'était pas sûr que le jeune brun, debout devant lui et pianotant sur son smartphone pouvait courir à toute vitesse, ou bien même se défendre pendant un bon moment. Il avait, certes, fait preuve d'une grande adresse il y a quelques instants, évitant de justesse diverses attaques, mais qu'en était-il de la blessure ? Avait-il peut-être une hémorragie interne ? Un traumatisme crânien qui pourrait le plonger dans un coma profond ? Ou peut-être cette blessure avait eu une répercussion sur son hypothalamus, le rendant plus qu'agressif ?

Aiden fut très vite emporté par son imagination, et lorsqu'il fut interrompu par son camarade, il se demandait si son pouvoir le rendait agressif. Mais la phrase lui étant destinée n'était pas agressive, ni emplie de colère. Elle était juste froide et distante, calculée, comme si l'autre héros avait décidé de mettre un mur inviolable, de se contenter d'une politesse presque clinique ; une voix presque robotisée par des mots répétés dans un automatisme quasi-terrifiant. Ce fut assez dur pour Aiden de se contenter de ça, lui le jeune homme plein de vie, d'entrain, chaleureux avec tous.

Sa voix contrasta avec celle de son camarade lorsqu'il ouvrit la bouche, souriant malgré cette situation étrange. S'il était seul, il se serait sûrement tordu de rire, car il avait demandé, prié pour de l'action, mais ne s'attendait pas tellement à en avoir.

« Et si on passait par là ? » Aiden indiqua d'un geste peu précis une zone assez déserte, mais qui semblait plus sécurisante, pas très loin devant eux. « Je pensais prendre par le parc, comme tu dis, mais j'ai oublié que pour prendre ce chemin, il fallait passer par, heu, un autre coin biz–merde. »

Aiden n'avait pas vraiment une tête à jurer, sauf s'il était en colère. Mais les renforts ennemis arrivaient ; un tas de personnes au regard vitreux, parfois rendues vides par une drogue ou fous par l'alcool. Ce n'étaient pas des gens mauvais, au fond, Aiden résonna. Ils étaient poussés à bout par la force des choses, par leurs problèmes ou même par la société peu miséricordieuse ; et le jeune héros se demanda un instant s'il était possible de partir sans trop causer de dégâts, à eux, à leur esprit, ou quoi que ce soit d'autre. Sauf qu'il ne pouvait pas jouer l'autruche, s'enfuir en courant pour laisser des pauvres civils se transformer en cibles.

« Et bien, je crois qu'on n'a pas le choix » Aiden murmura en jetant un regard à son camarade. « Il va falloir faire en sorte qu'ils ne nuisent plus. »

Pendant quelques instants, il resta silencieux, et, tel un chercheur observant une meute de loups, Aiden se déplaça avec une furtivité déconcertante vers son camarade, sans baisser sa garde. « Tu as dû remarquer que je peux contrôler le sang ; je peux donc les immobiliser pendant que toi, tu les cognes... Sauf si tu as une meilleure idée ? Ou tu veux utiliser tes pouvoirs ? J'avoue que ça m'arrangerait... »

C'étaient des indications susurrées d'une voix calme, mais cela suffit à agiter le groupe devant eux. Certains, armés de batte de baseball ou de petits couteaux, grinçaient des dents. Aiden fronça les sourcils, renifla avec dédain, et para dans un tourbillon de tissus rouge une dague lancée vers eux.

Pas le temps de faire une bonne stratégie, malheureusement. Ils devaient agir. Aiden espéra juste que le pouvoir de son camarade, dont il ignorait tout, s'avérera utile...

Contenu sponsorisé