J'étais encore dans les vapeurs du sommeil,  quand j'entendis vaguement Ulysse ouvrir la porte de ma chambre. C'est un chien intelligent, mais parfois, peut-être un peu trop. Surtout quand vous voulez dormir tranquillement. Il avait bien vite compris qu'il suffisait de se mettre sur les pattes arrières et pousser sur la poignée pour ouvrir les portes. Ensuite, si la porte ne s'ouvrait pas dans le bon sens, il suffisait de glisser sa patte dans l’entrebâillement et de pousser vers soi. Un jeu d'enfant. Moi, j'étais peinarde dans mon lit et je me retournai mollement pour être sur le ventre, ma main gauche flottant dans le vide. Ulysse semblait avoir quitté ma chambre. J'avais gagné... peur deux ou trois minutes grand maximum ! Il revint à la charge et voyant que ma main dépassait de mon lit, jugea bon de la lécher pour que je daigne accéder à sa requête. Je poussai un grognement de celle qui n'a pas envie de se lever, mais je me doutais bien qu'il ne me laisserait pas m'en tirer à si bon compte. « Bon okey, t'as gagné » lui lançai-je avant de bailler à m'en décrocher la mâchoire. Sans prendre la peine de mettre ma main devant la bouche, la grande classe. Il a de la chance qu'être allongé sur le bidon pour une fille, ce soit pas confortable pour la poitrine. Les mecs on bien de la chance quand même.

Je m'assis sur mon lit et passai négligemment ma main dans mes cheveux quand je me suis souvenu qu'Ulysse l'avait léché... berk ! Je lâchai un soupir avant de me lever. Je tendis une main vers le mur pour le longer et je sortis de ma chambre pour aller ouvrir la baie vitrée à mon fidèle toutou qui voulait sortir dans le jardin depuis le début. Je sentis ses poils me caresser les jambes quand il passa à côté de moi pour sortir. Bon, ça c'était fait. J'allai ensuite vers le canapé. Je connaissais notre grande villa par cœur, si bien que j'arrivais sans peine à m'y retrouver. Je me cognai contre le canap'. Bon okey, il pouvait parfois m'arriver de me tromper de quelques centimètres sur l'emplacement des objets. Je posai ma main dessus pour m'aider à en faire le tour et je me vautrai dedans. « Rachel, quelle heure est-il ? » « 9h18 » me répondit une voix féminine. Robot Assist Center for Helping with Elocution Label ou Rachel pour les intimes, notre ordinateur centrale qui gère la maison. En arrivant ici, mes parents avaient demandé au labo de recherche d'aménager une sorte de super ordinateur qui gérerait toute la maison simplement en lui parlant. Ainsi, toutes les pièces de la maison sont équipées d'une interface murale. L'interface centrale se trouve dans un renfoncement du salon prévu pour lui. Il paraît qu'il ressemble au super ordinateur tactile et écran géant des Experts Miami, mais n'ayant jamais regardé cette série – pour des raisons qui vont paraîtrons évidentes, je ne pouvais l'affirmer ou non... Pour s'en servir, il suffit de dire son acronyme puis ce qu'on voulait. En tout cas, il était tôt, bien trop tôt... Ulysse avait abusé sur ce coup-là !

« Rachel, lis moi les nouveaux mémos » « Hier à 17h : Coucou Louise, c'est Lana, oublie pas que demain je suis de congé et que le gars de la maintenance doit venir. Ah et, essaye d'être un minimum aimable hein. À Jeudi. » Ah oui, c'est vrai, notre dame de maison était absente aujourd'hui. Boh, en soit, c'était pas trop grave. Elle faisait bien de me dire aussi que la maintenance de Rachel était aujourd'hui, j'avais zappé aussi. « Ce matin à 8h : Je travaillerai tard ce soir, m'attends pas pour manger ce midi ni ce soir. Y'a de la pizza dans le frigo. Appelle-moi ce midi. Bisous ma puce ! » Je soupirai, se faire appeler « ma puce » par sa mère alors qu'on avait 16 ans était quelque peu exaspérant... Bref ! Je me levai pour aller prendre une douche vite fait puis m'habiller avant que le gars n'arrive. Lavée et séchée, j'allai à ma penderie. Pour savoir comment je m'habillais, il y avait une petite languette avec une brève description en braille soit sur le cintre, soit dans une poche des vêtements. Astuce pratique pour s'habiller correctement et choisir ses fringues soi-même quand on est aveugle, même si bien sûr, c'est toujours mieux de voir. Je pris donc un débardeur col V en dégradé allant du blanc cassé au marron orangé et un short en jean imprimé avec des teintes chaudes. En somme une tenue légère et décontracté adapté en Été. Pas de bijoux, la flemme, et pas de maquillage non plus. J'enfilai mes ballerines qui me font office de chaussons, un peu de Flowers by Kenzo et je sortis de ma chambre. J'avais pas mes lunettes, mais bon, pour rester à la maison, c'était pas bien grave.

Alors que je me dirigeai vers la cuisine, j'entendis qu'on sonnait à la porte. Je bifurquai donc pour aller ouvrir, toujours en me repérant grâce à des objets, ce devait être le mec du labo. J'ouvris. « Oui ? » Le vent m'apporta une fine odeur d'un parfum que je reconnus de suite. Je soupirai. « Encore toi ? » fis-je, étonnée. Bonjour, comment ça va ? Bien ? Moi aussi. Je m'écartai pour laisser passer Junko et refermer derrière elle. Ça devait faire la 4e fois qu'elle venait alors qu'elle appartenait au département des armes technologiques. « T'es l'esclave officielle du département informatique ou quoi ? » Oui, je suis en forme dès le matin.

Tenue:

Argh, le bruit strident du réveil qui vous abîme les oreilles, je le détèste ! D'un coup de main, le réveil tomba au sol, ce qui le fit taire. Je grognais, pas envie de me lever. J'voulais encore dormir.
Je sortais mollement de mon lit. Encore à moitié endormie, je me dirigeais lentement vers ma salle de bain. J'étais bien dans les bras de Morphée et il fallait que j'aille travailler. Arf, pas envie...
Je me déshabillais, baillant. Les larmes perlaient le coin de mes yeux à force de bailler. Je me glissais sous l'eau chaude, machinalement, je lâchais un profond soupire d'aise. Je restais longuement sous l'eau avant de me laver, histoire de ne pas me tromper entre le gel douche et le shampooing parce que je suis encore dans les vapes.

Une fois propre, essuyé, coiffée et surtout nue (oui j'aime le préciser //pan//), je retournais dans ma chambre pour choisir ma tenue. À voir le temps dehors j'optais pour une robe à manches longues rose à pois noir en coton léger. J'agrémentais de bas opaques noir et de chaussures à talons noires aussi ainsi qu'un nœud dans mes cheveux. Une petite touche de maquillage pour l'effet "no make-up" et un peu de mon merveilleux parfum parisienne~. Me voilà fin prête.

L'heure tournait rudement vite, j'allais être en retard. Je me dépêchais à manger un petit quelque chose pour me caler. Je filais ensuite au labo.

- Tiens salut toi. On a une mission pour toi.
Cool. C'est quoi ?
- Le type de la maintenance de RACHEL est malade. Tu pourrais le remplacer ?
- Il est toujours malade lui. Faudrait penser à changer de mec. Mais oui je vais y aller. Vous semblez tous occupés.

Je prenais donc le matériel nécessaire et me rendis chez les Lyautey. Je ne saurais jamais si se type en fait exprès ou si il a vraiment une santé fragile. Se faire porter pâle alors qu'on l'est pas c'est vraiment pas cool pour les autres.
Une fois arrivée, je sonnais. La porte s'ouvrit. Han, la petite Grumpy. ♥ Toujours aussi aimable.

"Bonjour Grumpy Blind, tu vas bien ? Bonjour Junko. Que je suis contente de te voir ! Ça va mieux, quand c'est celui qui fait la maintenance il parle pas. Haan, tu es gentille. Moi aussi je suis contente de venir faire la maintenance ici."

J'adore la charier cette Grumpy. ♥ J'entrais après mon monolgue pour m'occuper ce robot domestique.

"Et oui c'est encore moi pour ta question. Le type habituel est encore malade. J'étais arrivée la dernière alors ils m'ont demandé de le remplacer. Soit pas si grognon miss Grumpy."

Junko avait un don. Non, pas celui d'être une technologique über badass, une apprentie justicière pouvant mettre une bonne raclée à des supers méchants taillés comme des armoires à glace. Ça, je n'en doutais pas, mais elle avait un autre don encore. Un don où elle était encore plus forte, si je vous assure, c'est possible. Un don 10/10. Celui de me taper sur les nerfs instantanément et ça marchait à tous les coups. Je lâchai un soupir en l'entendant faire son monologue qui se voulait drôle j'imagine, selon elle. C'est fou, elle était ici depuis à peine 1 minute qu'elle me gonflait déjà.

En fait, je la détestais pas Junko. Je détestais foncièrement d'ailleurs personne. Ne pas être si grumpy ? « Je l'étais pas avant que tu débarques, faut croire que c'est toi qui me fait cet effet là. » répliquai-je au tac au tac. Autant certaines personnes m'énervaient parce qu'elles étaient trop gentilles avec moi. Je ne peux que citer l'exemple de Hyacinthe qui en est sûrement la plus belle illustration. Mais Junko, c'était autre chose. Elle était gentille, mais elle se sentait toujours obligé de me taquiner et ce, dès la première fois qu'on s'est rencontrée. Comme elle me taquine, je réplique. Logique ! J'imaginais que ça l'amusait. Comme je répliquais, elle renchérissait et moi je ne pouvais que répliquer de nouveau. Ainsi, on se chamaillait à chaque fois, ça ne loupait pas et ça durait le temps qu'elle était là. En somme, c'était un cercle vicieux sans fin.  

Le gars était donc malade. Sérieux, faut lui faire manger du jus de fruit le matin, je sais pas moi. Quelque chose qui lui donnerait des forces pour la journée. Ceci dit, comme je ne loupais jamais une occasion de lancer un pique, je profitais de cette perche tendue. « Dans le fond, je ne suis pas étonnée. J'imagine que c'est ton humour dévastateur qui le tue à petit feu. »

Je sentis le parfum de Junko quand elle passa devant moi pour aller vers Rachel. Une chance qu'elle n'en mettait pas de trop, sinon elle était bonne pour le bûcher. Comme un de mes sens était défaillant, les autres étaient logiquement plus sollicités et donc plus entraînés. Je ne vous raconte pas le calvaire que c'est, quand je suis dans un café et qu'une personne non loin de moi s'est aspergée de parfum bon marché.  

Bon, c'est pas tout ça, mais j'avais pas encore pris mon petit déj' moi et Junko ne méritait pas que je me prive de manger. « Bon, tu sais où est Rachel hein ! Comme j'imagine que tu n'as pas besoin de moi non plus pour t'aider, je vais prendre mon petit déj. Donc si tu me cherches, je suis dans la cuisine. » J'appelai ensuite Ulysse. Une fois à moi, je le caressai. « Surveille la bien, d'accord ? » S'il pouvait parler, il m'aurait sûrement répondu : Sire, yes sire ! Comme c'était un bon chien, il allait suivre l'embêtante Junko et s’assiéra non loin d'elle pour la surveiller.

Là-dessus, je laissai Junko et me retournai pour aller dans la cuisine. J'ouvris un placard pour prendre un bol avant d'aller prendre le lait dans le frigo pour en mettre dans le bol. Le lait de retour au frigo, je prenais une cuillère avant d'attraper les Miel Pops. Je fis tout ça sans difficulté, j'avais l'habitude. Et puis, pour m'aider, tout ce dont je pouvais avoir besoin dans la cuisine était rangé à ma hauteur. Les placards étaient numérotés en braille, et comme je savais ce qu'il y avait dans chaque, c'était facile de s'y retrouver. Je m'assis sur un siège bar, j'aimais bien manger sur le comptoir de notre cuisine américaine.  

Je commençai donc à manger, sans grande conviction, le paquet de Miel Pops encore à côté de moi. Je me demandai ce que j'allai bien pouvoir faire de ma journée. J'allai sûrement m'ennuyer, comme hier et avant hier. Y'a pas à dire, j'aurai été une grosse perte pour l'humanité si j'avais réussi à sauter. Encore merci, Brooke !

Visiblement mon monlogue n'était pas au goût de Louise puisqu'elle soupira. Je pense pas qu'elle doit aimer grands choses avec un caractère comme le sien.
Tiens, fallait qu'elle lance une vanne sur mon humour. Je me demande si elle connait vraiment la définition de ce mot. Elle aura toujours une excuse "valable" pour se justifier sur le moindre petit truc.

"Mon humour ? Je pense plutôt qu'il est malade parce qu'il ne me voyait pas. Comment peut-on se passer du rayon de soleil que je suis ?"

Oui, ça fait narcissique je sais. Quoi ? Non je ne le suis pas. Pas du tout ! Je prends soin de moi mais je ne dirais jamais que je suis parfaite. Si je lui dis, c'est pour l'embêter.
Elle jugea bon de manger au lieu de répondre et dit à Ulysse de me surveiller. J'avais gagné cette manche ! Mais la prochaine, du moins si il y en a une, qui la gagnera ? Pour le peu de dialogue aussi animé qu'on fini avant que je parte. Bref. J'allais donc m'occuper de notre petit bijou de technologie. Le gros toutou s'assied non loin de moi et executait l'ordre de sa maitresse. J'haussais un sourcil, faisant un petit sourire.

"Qu'est qu'il y a toi ? Tu veux des caresses après ou tu veux juste me surveiller ?"

Je commençais à m'occuper de la machine. Il fallait que je sois très concentrée. La moindre erreur pouvait engendrer une défaillance du système, ce qui serait facheux puisque là je devrais appeler tous les techniciens. J'avais du mal à me concentrer avec le chien qui me fixait. Il me stressait plusqu'autre chose. J'inspirais un bon coup et essayais de l'oublier. Je laissais mon habitude guider mes gestes. Après tout, quand on travaille dans la technologie, les machines n'ont plus de secrets pour nous. En particulier les nano-machines. Avec mon équipe de recherches ont travaille beaucoup sur ces petites choses ces temps ci. Les pièces sont minuscules et coutent aussi cher que les grosses.
Une fois la maintenance terminé - ce qui prit quand même un bon moment - je rangeais mes outils, fis une petite caresse à Ulysse avant de retrouver la brunette dans la cuisine. J'arrivais sans bruit, la regardant, appyuée au mur. Elle avait l'air de s'ennuier. Ça ne doit pas être facile de s'amuser quand on est aveugle. Je la plaignais un peu.

"Louise, j'ai fini."

Je la regardais un petit moment. Avant de reprendre la parole.

"Tu as l'air de t'ennuier. Ça te dirais qu'on fasse un truc cet après-midi ?" je fis une pause avant de reprendre. "Un film en 3D ça te branche ? Ah mais nan, c'est vrai t'es aveugle !"

Elle s'énerva d'un coup. Je m'approchais doucement d'elle et déposa un petit bisou sur son front en mumurant un petit pardon.

"Non, sérieusement. Ça te dirais de faire quelque chose ? Je bosse pas."

Je sentais un peu la méfiance dans sa voix. Remarque, elle ne me connait pas trop, je la taquine pas mal. C'est normal qu'elle se méfie de moi.
Je la regardais de haut en bas. La façon dont elle s'est posée mettait ses formes en valeurs. Pour une gamine de 16 ans elle est vraiment pas mal, y a pas photo. J'en ai vu des filles de son âge dans la rue. Toutes sans formes, des vraies brindilles. Depuis quand un squelette c'est attirant ?

Un rayon de soleil, non mais, ce qu'il fallait pas entendre ! Je repensai à ce que m'avait dit Junko alors que je mangeai mes céréales. Dans ma grande bonté, j'avais rien répondu, jugeant préférable d'aller prendre mon petit dej, mais je n'en pensais pas moins. Je ne voyais pas en quoi cette fille pouvait être un rayon de Soleil, elle était embêtante et passait son temps à me taquiner. Rien de bien méchant me direz-vous. Peut-être. Reste qu'elle était relou.

À force de manger lentement, tellement occupée que j'étais à me demander comment j'allai tuer le temps cette journée là et pester intérieurement contre cette enquiquineuse, mes céréales commençaient à se ramollir. Beurk ! C'est ça qu'est pénible avec les céréales, vous pouvez pas prendre votre temps, sinon elles absorbent trop de lait et je trouve pas ça génial. Je me dépêchai donc de manger celles qui restaient avant de boire le lait. Ceci fait, je rangeai le paquet dans le placard avant de passer à l'eau le bol et la cuillère. Dans le même temps, j'avais peut-être eu une idée. Il y a longtemps que j'avais pas fait trempette dans la piscine. Je pense que le terme « trempette » n'était pas inapproprié, je ne savais pas nager donc on ne pouvait pas dire que j'allais dans l'eau pour faire des longueurs. Je pense qu'il est inutile de vous dire pourquoi je n'ai jamais appris, mais outre cela, mes parents ne voulaient pas que je me baigne toute seule. C'est pas que les interdits de mes parents m'arrêtaient, mais la dernière fois que j'avais fait la fifou en y allant toute seule, j'avais glissé et je m'étais fait très mal au bras en essayant de me réceptionner...

J'étais en train de les essuyer sans trop de conviction, accolée contre le mur, quand Junko vint à moi. Elle avait dû faire attention à ne pas faire de bruit car je n'avais pas remarqué sa présence avant qu'elle n'ouvre la bouche. Elle avait fini ? Ça me faisait une belle jambe, tiens ! « Bravo, tu veux une médaille ? » lui demandai-je, ironique, avant de ranger le bol et la cuillère à leur emplacement respectif.

J'avais l'air de m'ennuyer ? Ohlala, mais c'est que Captain Obvious était parmi nous, ma parole ! « Si tu as envie de passer du temps avec moi, c'est que tu dois être un cas encore plus désespéré que je le pensais ! » Alors que je refermais le tiroir des couverts. C'est vrai ça, pour vouloir me tenir compagnie, il fallait au moins être soit très (trop) gentil, soit stupide, soit fou. Ou les trois... Pourquoi voudrait-elle passer du temps avec une aveugle ? Sa blague suivante ne fut réellement pas à mon goût. Certes, elle me taquinait souvent et je lui rendais bien, mais jamais elle n'avait franchi la ligne de la mesquinerie à ce point ! Je fis volte face vivement. Je crois que l'espace d'une fraction de seconde, j'eus envie de la gifler, mais je n'eus le temps de rien dire. En effet, je pense que Junko elle-même dut se rendre compte qu'elle avait été trop loin avec moi sur ce coup-là, puisqu'elle s’approcha et me déposa un bisou sur le front et s'excusa pour me calmer. C'était si inattendu ! Je rougis légèrement avant de la repousser vivement, plus ou moins délicatement. Même si bien sûr, mon geste pour la repousser ne fut pas réellement violent. En fait, c'est pas que l'envie ne me démangeait pas, mais soyons réalistes deux secondes, même si j'avais voulu y mettre toute ma force, je ne faisais pas le poids contre elle et même si j'avais essayé, je ne l'aurais guère fait reculer plus de quelques pas. Alors autant économiser mes forces hein ! À mon avis, si j'ai réussi à la repousser, c'est parce qu'elle s'est laissé faire uniquement.

Je me reculai pour faire dos à dos à l'évier, je me posai mes mains contre le rebord. Elle me dit qu'elle était sérieuse. Je me penchai un peu en avant. Le décolleté de mon top étant de base déjà assez large, je ne me rendis pas compte que je lui faisais une fleur en lui offrant une vue en plongé. « T'es vraiment sérieuse ? » Je me tins de nouveau droite.  « Comme tu l'as toi-même soulevé de manière si fine, les activités avec une aveugle sont limitées. » Ceci dit, elle me donna l'impression qu'elle ne se moquait pas de moi, cette fois. J'haussai les épaules, « Bon, okey. » Reste que je savais pas ce qu'on allait bien pouvoir faire. À moins que... à moins que ! « Ça te dirait qu'on se baigne ? Il fait un temps idéal pour ça en ce moment. » L'idée d'avoir Junko pour me guetter me laissait perplexe, mais bon, je voulais me baigner et elle voulait passer du temps avec moi, je trouvais que c'était un compromis pas si mauvais !

Comme je me doutais qu'elle avait pas de maillot sur elle et que sa taille ne lui permettrait pas de rentrer dans les miens : « On se dit vers 14h ? On passera l'aprem ensemble. » J'en revenais pas de ce que je venais de dire ! Je me rassurai en me disant que l'idée de départ venait d'elle et pas de moi. Remarque, Lana m'avait dit d'être un minimum aimable avec Junko. Si l'inviter à passer l'aprem à se baigner, c'était pas se montrer un minimum aimable, je ne sais pas ce que c'était !

Sa réaction à mon baiser sur son front était tellement chou ! Elle était un poil rouge et toute gênée. J'avais envie de la prendre contre moi et la câliner comme une peluche . J'ai compris le truc avec grumpy, c'est une tsundere. Elle cache bien son jeu la petite Louisette.

Elle semblait se méfier de ma proposition. En même temps après ma "blague" pour le ciné 3D, je comprends un peu. J'ai franchi la limite de la taquinerie. Je voyais très bien qu'elle allait s'énerver. J'étais sérieuse, si je pouvais occuper la petite grumpy et meubler mon après-midi avec elle, ça serait parfait. Elle fini par comprendre que j'étais sérieuse. Grumpy céda et donna donc l'heure du rendez-vous et me dit de prendre un maillot de bain.

"C'est noté. De toute façon si tu m'aurais prêté un maillot il ne m'irait pas. Je suis bien plus grande que toi et puis ta poitrine est plus généreuse que la mienne."

À vu d'œil je dirais qu'elle ferait du C, la taille, je ne saurais dire par contre. Pour une gamine sa poitrine était volumineuse. Je n'enviais pas sa poitrine opulente, je ne complexais pas sur cette partie de mon corps.
Je pris le matos, caressa la tête d'Ulysse avant de partir en direction du labo pour déposer les outils.
Une fois au bungalow, je pris le temps de manger, mon estomac criait famine. Je fis donc un repas sain. J'avais largement le temps de manger et de me préparer, autant en profier. Un petit plaisir pour la fin, une glace à la noix de coco.
Après mon repas je pris soin de refaire mon maquillage mais en waterproof, ce serait facheux qu'il coule. Être jolie, c'est dans toutes les situations ! Je devais me racheter du maquillage. Je le ferais plus tard, mon budget est serré pour le moment. Ma paye serait la bienvenue. Après ma séance maquillage, la séance coiffure. Juste de quoi restructurer ma coupe courte, pas quelque chose de trop sophistiqué, ce n'est pas un rendez-vous galant. Une fois ma coiffure fin prête, je partis faire mon sac. J'y glissais deux serviettes, mon maillot noir qui met parfaitement ma petite poitrine et ma fine taille en valeur.

L'heure avait tourné, je retournais chez les Lyautey pour faire trempette une partie de l'après-midi. Voir grumpy blind en dehors des heures où je m'occupe de Rachel me faisait une drôle de sensation.
Je sonnais une fois que je faisais face à l'immense porte d'entrée. J'attendais qu'on m'ouvre, une grand sourire fiché sur mon visage.

Alors, comment allait réagir miss Relou à mon soudain élan de gentillesse ? Certes, si elle refusait, je ne pourrai pas aller me baigner, mais après, c'est pas non plus comme si ne pas passer l'aprem avec Junko allait m'empêcher de vivre hein ! Bon, finalement, elle était partante. Évidemment, elle ne se doutait pas que je lui avais proposé ça juste pour me servir de chaperon et s'assurer qu'il ne m'arrive rien. Je voulais juste faire trempette, elle ou une autre, cela m'importait peu. Après, c'est toujours mieux quand c'est une personne de confiance. Je ne connaissais pas beaucoup Junko, mais si elle travaillait au labo scientifique de la ville, je partais du principe qu'elle devait être un minimum responsable, même si je la trouvais chiante.

Je ne pris pas la peine de relever sa remarque sur ma poitrine. J'avais cru remarquer que la taille de la poitrine était un sujet ô combien important et sensible pour certaines filles. Perso, je m'en moquais. Quant à la soit disant générosité de la mienne pour mon âge... On m'avait déjà fait la remarque, bon okey, et après ? En même temps, j'avais pas trop trop de moyen de comparaison. Au moins, sa remarque me donnait un aperçu de la différence qu'il y avait entre nous. Je me contentai donc d'afficher un resplendissant poker face et de la raccompagner. Du reste de la matinée, je me suis occupée comme j'ai pu. Notamment en écoutant la radio et jouant avec Ulysse. Je ne mangeai pas grand-chose à midi, pas très faim. Une salade composée et un dessert. En fait, j'ai surtout faim le soir, je dois être bizarre.

J'étais allongé sur un transat, à l'ombre d'un parasol, mes lunettes sur le nez, en attendant que ma nouvelle copine (grosse blague) arrive. Elle finit par arriver, j'allai donc lui ouvrir. Mine de rien, ça me faisait bizarre, un peu, de recevoir Junko pour autre chose que la maintenance de Rachel. Avant de saisir la poignée de la porte, j'imaginais qu'elle devait être toute souriante et débordante de joie, comme d'habitude. Rien que d'y penser, ça m'énervait d'avance alors que j'avais pas encore ouvert la porte. Bah, trop tard pour faire marche arrière ! Je lui ouvris. « Entre. » Vraiment, elle sentait bon. J'aimais bien son parfum. Il fallait bien que j'aime au moins une chose chez elle ! « On va se changer dans ma chambre, suis-moi. » Enfin, elle allait se changer dans ma chambre et moi j'irai dans ma salle de bain. On allait pas se changer ensemble, faut pas déconner ! Enfin, peut-être qu'elle ça la dérangerait pas, mais moi si. « J'aime bien ton parfum. » fis-je en la conduisant à ma chambre. Chambre grande mais finalement assez simple, pas besoin de beaucoup de décoration quand on les voit pas. Ceci dit, j'avais des peluches sur le lit. Je posai mes lunettes sur mon bureau. « J'attrape mon maillot et je te laisse, moi je vais me changer dans ma salle d'eau. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Le maillot que je voulais était sur les autres. Un une pièce avec un renard tout mignon dessus. Certes j'étais aveugle, mais quand j'achetais des fringues, j'utilisais mon don pour me faire une idée précise du vêtement. Je voulais mettre celui-ci en particulier, non parce qu'il paraît qu'il épousait parfaitement mes courbes dixit Lana, mais parce qu'il est nouveau et que je n'avais eu l'occasion de le porter qu'une seule fois.

Je filai donc me changer dans la salle de bain, laissant Junko dans ma chambre. Le maillot enfilé, je passais brièvement sous la douche, histoire de préparer mon corps avant d'entrer dans la piscine. Je prenais une serviette en sortant. Même si je ne pouvais la voir, je préférai frapper à la porte et ne pas sortir de la salle d'eau si Junko avait pas fini. « Je peux sortir ? » À la réponse affirmative, je fis donc mon entrée en maillot dans ma chambre. « Si tu veux aller te mouiller avant d'entrer dans la piscine, tu peux utiliser ma salle de bain. » lui proposai-je, c'était comme elle voulait. Ensuite, on alla donc dans le jardin où trônait la grande piscine de notre villa. Je posais ma serviette sur le premier transat venu puis je m'approchais de la piscine avant de lui tendre la main. Je ne sais pas si elle n'osait pas me la prendre ou si elle ne comprit pas que je voulais descendre les marches de la piscine avec elle, mais elle ne me saisit pas tout de suite la main. « Bah alors ? T'attends quoi ? La dernière fois que j'ai voulu descendre les marches toute seule, je me suis rétamée ! » grognai-je. On entra dans l'eau. Elle était bonne.

Bon, le fait est que je ne savais toujours pas nager et que je ne voulais pas lui dire. Ceci dit, il fallait que je reste là où j'avais pieds et ce, sans lui dire le pourquoi du comment... « Règle numéro 1, tu fais attention à moi. Règle numéro 2, tu ne m’emmènes pas à l'autre bout de la piscine. » Oui, je lui donnais des ordres. J'avais conscience que la 2e règle est typiquement le genre de celle que l'on fait exprès de transgresser par simple plaisir de contradiction, mais j'osais espérer que mon ton l'ait convaincu. En tout cas, je suppose que la scène devait être cocasse vue de l’extérieur. Une petite ado de 16 piges donnant des ordres à une jeune adulte qui devait bien avoir la vingtaine et de surcroît bien plus grande qu'elle... Ceci dit, maintenant que j'étais dans l'eau, j'avais surtout envie de m'amuser. Soit, je voulais bien me montrer un minimum aimable si Junko faisait aussi des efforts. Après tout, si je faisais la gueule, on allait passer une aprem merdique, et moi je voulais passer une bonne aprem.

Elle m'avait pas lâché la main une fois dans l'eau. « Tu sais, je ne suis pas non plus en sucre. » De mon autre main, je l'éclaboussai. J'arborai un sourire mi espiègle, mi amusé.

Let's fight !

HRP + Maillot:

« Moi ? Jamais ! » lui répondis-je au tac o tac, amusée. Et puis, en parlant d'attaque en traître, dis par celle qui profitait de me tenir la main pour m’éclabousser, ça me faisait presque rire tiens ! En fait, j'ai réellement rigolé. Finalement, ma mauvaise humeur habituelle avait finit par se diluer dans l'eau. Je ne pensais plus qu'à m'amuser. J'avais dit à Junko de ne pas m’emmener trop loin et je caressais l’idée qu'elle allait m'écouter. Évidemment, je me doutais qu'elle allait m'embêter hein, mais bon, tant qu'elle m'emmenait pas là où j'avais pas pieds, ça me dérangeait pas. Certes, je ne la connaissais pas beaucoup, mais elle travaillait dans un labo high tech et était à l'Heroe's, je prenais donc pour acquis le fait qu'elle était responsable. Jusque là, tout allait bien.

Je levais ma main libre pour me donner un semblant de protection contre l'eau qu'elle m'envoyait et quand elle eut fini, je contre attaquais ! Ahah, tiens le toi pour dit Junko, à la guerre de l'eau, je disais oui ! Comme je m'y attendais, elle profita du fait que je sois aveugle et qu'elle était plus robuste que moi pour me balader dans la piscine. Je n'objectais pas sur le coup, sans point de repaire, je ne réalisais pas vraiment qu'elle m'emmenait vers le fond de la piscine et je lui faisais confiance. Je me laissais donc faire, plus ou moins docilement quand même, j'allais pas me laisser faire hein ! Ça serait pas drôle sinon ! J'essayais de tirer dans l'autre sens, mais évidemment, ça ne l'a gênait qu'à peine. « Junkooo, tu triches ! Je suis pas aussi forte que toi, moi ! » Je lui avais lancé plus pour le jeu et d'un ton amusé, je lui en voulais pas. On ne faisait que s'amuser après tout. Tant pis pour le fait qu'elle soit parfois relou, je n'y pensais plus vraiment à ce moment-là.

Mais, parce que oui, il y a un mais, je finis par me rendre compte qu'elle n'avait pas attendu longtemps avant de transgresser la règle que je lui avais énoncée ! Un pas de plus, et je ne sentais plus le fond de la piscine. « Junko ! » Et puis, l'autre pied... « Je sais pas... » Et voilà que je peinais à garder la tête hors de l'eau, je n'avais pas eu le temps de finir ma phrase que je buvais la tasse. Dans un mouvement de panique, en toussant, je serrais la main de Junko et de mon autre main, je l’agrippais comme je pouvais. Je l'ai d’abord attrapé par le maillot, sans faire exprès, mais franchement, j'en ai rien à foutre ! Mes jambes braisaient l'eau de manière désordonnée et se cognaient parfois contre celles de Junko. Elle finit par me repêcher, sans peine, après avoir eu la tête une deuxième fois submergée.  Par peur, je la serrais tellement fort que je sentais ma poitrine écraser la sienne, pendant qu'elle me ramenait plus en avant de la piscine. Je finis pas sentir le sol sous mes pieds.

Je desserrai l'emprise, sans pour autant la lâcher tout de suite, le temps de reprendre mon souffle. Et puis elle eut cette phrase. Cette phrase qui eut le don de m'énerver. Finalement, il ne fallut pas longtemps pour que ma grumpy attitude ne revienne. Chassez le naturel, il revient au galop, surtout avec Junko ! « Un peu ? Un peu ? Tu te fous de ma gueule ?! » J'essayais de me dégager de ses bras. « Lâche-moi ! » Je réussis à me défaire d'elle et me détournais. Après avoir remis correctement une bretelle de mon maillot qui se faisait la malle avec toute cette agitation, je fis quelques pas avant de me retourner vers Junko, en colère, pointant du doigt vers la direction du fond la piscine – ou pas, comme après tout, je ne voyais rien. « Si je te dis de pas m'emmener dans le fond de la piscine, c'est qu'il y a une raison, putain ! » Raison que je n'avais certes pas explicitement expliquée, mais bon, c'est sa faute quand même ! « Je suis pas naïve, je me doutais que tu allais profiter du fait que je sois aveugle et que tu sois plus balaise que moi pour m'embêter et tant que ça resterait gentil, ça m'aurait pas dérangé ! Mais il y a des limites à pas dépasser et ça, non ! » En fait, involontairement, c'était presque un appel à ce qu'elle m'embête que je lui lançais, là... Mais soyons honnêtes deux secondes aussi. Étant aveugle, on pouvait pas faire de course de longueur, jouer avec un ballon de piscine serait compliqué aussi, il ne restait donc plus qu'à se chamailler. D'autant plus que perso, j'étais plutôt tactile – en même temps, quand on est aveugle, on a pas trop le choix non plus -, donc ça pouvait être fun, j'avais rien contre. Junko s'était prêtée au jeu, elle m'avait éclaboussé aussi, donc même si elle était plus âgée, cette perspective de jeu avait pas l'air de la déranger. Surtout que là, elle pouvait s'y donner à cœur joie pour m'embêter. Bref, on aurait pu s'amuser, mais il avait fallu qu'elle fasse sa relou. Encore !

« Comment veux-tu que je joue avec toi, si je peux pas te faire confiance ? » Parce que oui, quand tu joues avec une aveugle Junko, c'est donnant donnant, surtout dans une piscine. Je veux bien te laisser m'embêter pour qu'on s'amuse, mais faut quand même faire attention à ce que tu fais. Et pour que je te laisse m'embêter, faut que je te fasse confiance. De mes mains, je cherchais le rebord, en espérant que Junko ne m'ait pas déposé au milieu de la piscine, sinon j'aurai l'air fine. Non, ouf ! Je posai la main sur le rebord et allait vers les marches. « Sérieux, j'essaye d'être cool et tout ce que je gagne c'est de manquer de me noyer ! » marmonnai-je. Bon, okey, j’exagérais là. Pourtant, mon père était pas marseillais. J'avais juste bu la tasse et Junko avait vite réagit, mais quand même ! Alors oui, j'aurais dû lui dire que je savais pas nager, mais je voulais pas ! C'est trop la loose ne pas savoir nager à 16 ans quoi ! Même si dans mon cas, ça peut se comprendre, j'avais eu honte quand même de le lui avouer. En fonction de la hauteur de l'eau sur mon corps, je devinais que les marches étaient non loin. Avec l'aide du rebord, je m'assis précautionneusement dessus.  

Je pris mes genoux dans mes bras, puis d'un ton morne et déçu « Je te fais la gueule. » Alors ça, c'était vraiment, mais alors, vraiment puérile de ma part. Une chance que j'étais qu'une gamine de 16 ans, l'honneur était sauf !

HRP:

J'avais un peu mal au cœur quand Louise s'écartait de moi en criant. Je l'avoue que j'y ai été un peu fort mais j'avais cet envie de faire ce qu'elle m'avait interdit. Tout le monde en a envie, l'interdiction tente toujours l'être humain, c'est un vice que l'humain ne controlera jamais.
Une question restait en suspens : Pourquoi ne m'a t-elle pas dit qu'elle ne savait pas nager ? Elle est aveugle, certes, c'est une chose mais elle aurait au moins pu le dire. Je l'écoutais déballer son sac avant de prendre la parole. Je ne comptais pas me laisser faire par une gamine.

"D'accord je suis responsable. Tu as raison, tu ne peux pas me faire confiance après ça mais pourquoi tu ne m'as pas dis que tu ne savais pas nager ?"

Je restais calme, ce qui m'étonnais. Malgré mon sang froid, mon cœur me faisait mal quand elle me disait autant de choses méchantes. J'avais déjà entendu des paroles blessantes avec ma mère quand papa avait demandé le divorce, quand elle avait apprit ma sexualité mais je n'avais jamais eu aussi mal à la poitrine avant aujourd'hui. Je me sentais mal à ses mots. Pourquoi j'ai mal ? Pourquoi mon cœur se serre ? Pourquoi je reste calme alors que normalement j'aurais déjà crié ? Pourquoi je supporte ses mots blessant sans rien dire ?
Mes yeux s'embuaient. Je n'étais pas une mauvaise adulte ni irresponsable... Je ne savais plus quoi dire, je ne voulais pas me laisser marcher dessus par une gamine mais les mots ne venaient pas. C'était les larmes qui montaient... Ma gorge était sèche, je pleurais en silence. Prenant tout ses mots blessant et sa colère sur moi.

Elle s'assied sur les marche de la piscine, se recroquevillant sur elle, puis lâcha qu'elle me faisait la gueule. Un petit sourire s'esquissa sur mon visage. C'était un poil enfantin mais un peu amusant de sa part. Je m'assieds à côté d'elle, glissant une main dans ses cheveux avant de prendre la parole.

"Tu ne sais pas nager, d'accord. Mais le fait que tu sois aveugle ne change rien à ça. Tu pourrais prendre des cours, essayer d'apprendre à nager. Tu ne combats pas ton handicap, tu le prends sur toi et tu rejette ton mécontentement sur autri. Les autres ils combattent leur handicap pour faire face à ce qui les attend ici bas. Tu compte faire quoi ? Laisser les choses se faire et rejetter ta colère sur des innocents ?"

Je n'étais pas innoncente, je le reconnais.

"Tu es forte. Ça fait mal d'être forte, pas vrai ?"

Ma technique de replis n'était pas des plus efficace semblait-il. En même temps, c'était tellement stupide comme réaction, le summum de l'immaturité - mais peut-être pas si étonnant venant de moi, je l'avoue – que ce n'était pas ça qui allait arrêter Junko. J'aurais dû m'en douter. C'était une jeune adulte que j'avais en face de moi, elle n'allait pas se laisser décourager ni impressionner par un « je te fais la gueule ». Au mieux, ça la ferait rire. Pourtant, même si je me doutais qu'elle allait pas en rester là, je me braquais sur moi-même quand même. Comme bien souvent en fait. Je lui avais gueulé dessus pour me défouler et maintenant je me repliais sur moi-même, comme la grosse couarde que j'étais. Je devais sûrement avoir l'air d'une gamine ridicule à ses yeux de jeune de femme. Une gamine chiante qui aurait pu éviter ce qui venait de se passer si je lui avais dit que je ne savais pas nager.

Elle s'approcha de moi, s'assit à côté de moi, passa sa main dans mes cheveux. Je voulus m'éloigner d'elle, mais j'étais déjà contre le rebord, je ne pouvais aller plus loin. J'étais prise au piège. Je la laissais passer sa main dans mes cheveux à défaut de pouvoir m'enfuir, mais je me repliais un peu plus sur moi-même. « Tu voulais que je te dise que je suis pas foutue de nager à 16 ans ? Tant qu'on y est, tu veux pas que je prenne ma bouée pour que j'ai l'air encore plus ridicule ? Et tu veux aussi que je te dise tout ce que je peux pas faire parce que je suis aveugle ? Je veux pas que tu me vois comme une infirme ! On pouvait très bien s'amuser sans que je te le dise. Tu avais juste à faire attention à moi et pas m'emmener dans le fond. » Malgré ces quelques reproches, ma voix n'était plus dure, je ne gueulais plus. Maintenant j'avais ce ton de la gamine qui se replis sur elle-même et essaye de se justifier après avoir gueulé. J'avais eu honte d'avouer à Junko que je savais pas nager et j'avais tout aussi honte de lui avouer clairement que j'avais honte.

Je supportais pas qu'on puisse me voir comme une infirme. Ça me dégouttait et me révoltait. Justement parce que je ne voulais pas qu'on me rappelle que j'étais aveugle, que j'étais pas comme les autres et qu'à cause de ça, je n'aurais jamais une vie normale. Je savais que j'aurais dû lui dire, je savais qu'elle avait raison, mais je ne voulais rien entendre. Oui, j'en voulais à la terre entière d'être comme j'étais. Je ne voulais pas m'accepter et pourquoi le devrais-je ? Pourquoi devrais-je accepter de vivre une vie vouée à rien ? Une vie où je n'avais pas d'avenir ou du moins, un avenir dont je ne voulais pas. Je ne voulais pas faire un métier au rabais, que l'on colle aux infirmes à défaut d'autre chose. Je voulais pas non plus me marier pour faire la potiche toute ma vie. D'ailleurs, je me voyais mal mère au foyer... Comment être une bonne mère quand on ne peut pas s'occuper de ses enfants ? Continuer à vivre ne rimait à rien pour moi et tout ça, c'était la faute de Brooke !

« J'espère que tu ne t'inclus pas dans les innocents ! » Là, ma réponse était plus sèche. Oui, je ne combattais pas mon handicap, mais ce que ne comprenait pas Junko, c'est que je n'en avais pas envie. « Je compte ne rien faire ! A quoi bon me battre ? Façon, j'ai pas d'avenir ! Toi tu peux faire quelque chose de ta vie, pas moi. Et comment veux-tu que j'apprenne à nager, hein ? Je suis aveugle au cas où tu aurais oublié ! » Et c'est ça qui me faisait mal, qui me tuait, moi je voulais faire quelque chose de ma vie, mais je savais que mes efforts seraient vains. Je ne voulais pas me faire de faux espoirs, alors oui, je ne faisais rien.

Et c'était quoi, qu'elle me chantait là ? Genre, je suis forte. N'importe quoi ! « Non, je suis pas forte. Toi oui. Tu es forte physiquement et mentalement. Tu as le courage de me supporter, rien que ça, ça force le respect ! » Oui parce que, j'avais conscience d'être imbuvable, c'est juste que j'en avais rien à foutre. Je ne comptais pas changer. Les gens ne pouvaient pas me comprendre, c'était pas eux qui étaient aveugle. « Et si pour toi être forte, c'est tenter de se suicider... On a pas la même définition de ce qu'est être fort. » Parce que si j'étais forte, j'aurais le courage de m'accepter et c'était loin d'être le cas. Et je m’accepterai jamais, je ne le voulais pas. « Brooke aurait mieux fait de pas m'en empêcher... » Là-dessus, je me détournai vers le mur, ultime manière de me replier sur moi-même pour me protéger de Junko. Quoi qu'elle ferait, je ne pourrai pas m'enfuir. En face il y avait l'eau et je n'irai pas bien loin, derrière les marche et je ne pouvais pas m’enfuir en courant sous peine de glisser. J'étais coincée, alors je me repliais sur moi-même, c'était la seule chose que je pouvais faire.

Je me moquais d'être une gamine désagréable, je n'avais pas mauvaise conscience. Mon seul regret, c'était d'être encore en vie...

HRP:

Louise avait décidé de vider son sac. Je l'écoutais sans broncher. Ma douleur à la poitrine se calmait petit à petit. Je comprenais son sentiment de honte, qu'elle refusait de me dire qu'elle ne savait pas nager.

"Ce n'est pas parce que tu ne vois pas que tu ne peux pas apprendre. Tu vois le monde autrement. Arrête de garder cette colère et ce sentiment de rejet dans ton cœur. Évacue ça. Exprime toi. Lâche toi. Ne reste pas dans ton cocon avec ton handicap comme fardeau. Tu as des sens tellement dévellopés, tu devrais en tirer avantage."

Je voulais lui faire ouvrir les yeux... Oups pardon. Lui faire comprendre qu'elle pouvait faire pleins de choses même avec son handicap. Mais elle n'arrivait pas à se fourrer ça dans le crâne. Cette gamine est pire qu'une mule. Je désespérais pendant qu'elle commençait à répondre à ma dernière phrase. Je ne suis pas forte de base. J'ai appris à le devenir. La vie est pleine de chemins qui nous forgent pour le futur. Ma route était pleine d'obstacles qui m'ont apprit à devenir méfiante, plus réservée, plus forte. La vie d'adolescent n'est pas facile, les hormones travaillent, les amitiés sont fragiles, je l'ai vécu. Mais je n'arrive pas à comprendre ce que Grumpy ressent.
Quelque chose retint mon attention dans ce qu'elle avait dit. Brooke lui aurait sauvé la vie. Elle aurait tenté de se suicider à cause de son handicap je suppose.
Je la lachais, je sentais qu'elle voulait que je laisse.

"Non, le suicide n'a rien de fort. Au contraire, c'est lâche. Que puis-je te dire de plus ? Tu ne m'écoutera pas. Tu te contentera juste de répondre en grognant. J'en ai marre de t'entendre te plaindre. Tu n'es pas la plus malheureuse ici bas. Certaines personnes sont plus à plaindre que toi. Tu es juste aveugle. Tu n'es pas sourde, muette et aveugle. Tu as tes deux jambes. Tu as un coeur qui fonctionne bien. Pourquoi tu reste bloquée sur ce détail ? Tu es juste stupide à hair le monde entier et te mépriser."

Je me relevais en soupirant, cette disscussion ne servait absolument à rien. Quoi que je dise je suis en faute pour elle. Je devais l'aider à sortir de la piscine avant de rentrer, ses gamineries me fatiguait.

HRP:

Je n'aimais pas comment elle me parlait. Peut-être parce que c'était vrai ? Peut-être parce qu'elle appuyait là où ça fait mal ? Depuis le temps que je voulais qu'on me parle comme ça, qu'on ose enfin me dire merde. Me dire de me bouger, ne pas rester là à rien faire et me morfondre. Depuis le temps que je rêvais qu'on me remette à ma place, qu'on me dise mes quatre vérités. Qu'on ne prenne pas de gants avec moi. Elle me traitait comme je voulais qu'on me traite, et pourtant, je ne voulais rien savoir. Je ne voulais pas l'entendre, elle et ses phrases bateaux. Ses je suis pas la plus à plaindre dans le monde. Ah la belle affaire ! Ce genre de phrase n'aide pas. Ça ne m'aide pas !

« Bah oui Junko, je suis lâche, désolée de te l'apprendre. Désolée si tu pensais vraiment que j'étais forte. J'ai voulu me jeter du haut de l'immeuble qui se construisait dans le quartier il y a quelques mois. Par facilité, parce que je veux pas m'assumer. Et puis l'autre là, il a fallu qu'elle me sauve. Pfff ! » Je la laisse m'aider à sortir de la piscine. « Mais te fatigue pas, j'en ai rien à foutre de ce que tu me dis. » Ce n'était peut-être pas vrai, puisque j'étais sur le point de pleurer, mais ça, je ne voulais pas qu'elle le voit. Je me défis de son emprise une fois sortie de la piscine et appelai Ulysse pour qu'il me guide jusqu'au transat où il y avait ma serviette.

« Tu peux pas me comprendre façon. » Je me dirigeai vers le transat et m'y assis. « Et oui je suis stupide. Stupide d'avoir pensé que je pouvais m'amuser avec toi. Maintenant je veux être seule. Va-t-en ! » fis-je sèchement. « De toute façon, il n'y a qu'avec Ulysse et moi-même que je m'entends bien. » La deuxième partie était faux, je ne m'entendais pas avec moi-même. Je ne m'aimais pas... « Alors fous moi le camp ! » Mais je préférai encore qu'elle me voit comme la gosse insupportable, que comme la gosse sur le point de chialer. Plus que de me savoir fragile, ça m'était encore plus insupportable que quelqu'un puisse me voir de la sorte.

Alors j’attendis qu'elle soit partie pour aller me changer, me sécher, prendre une douche et pleurer...

HRP:

Elle me répondit en me parlant de sa tentative de suicide, sa voix tremblait. Avait-elle envie de pleurer ou était-elle en colère ? Je la regardais parler, je ne bougeais pas, pas d'un poil. Je notais tout ce qu'elle me disait dans un coin de ma tête, j'en apprenais sur elle mais pas de bonnes choses. Je mourrais d'envie de lui mettre une baffe afin de lui remettre les idées en place. Le suicide est quelque chose de lâche...

"En fait tu est une lâche, je me suis trompée sur ton compte. Tu affronte la réalité en voulant mettre fin à tes jours. Quelle belle mentalité. Bravo miss grognon !"

J'en faisais trop ? Oui, c'est vrai mais je voulais qu'elle comprenne même si elle ne semblait pas m'écouter. Je voulais la faire regretter, la faire culpabiliser et ouvrir les yeux.
Elle se défit de mon emprise et rentra.

"J'ai cru voir quelqu'un de fort en toi, je me suis vraiment trompée sur ton compte. Tu me déçois. Personnellement je pensais que tu combattais tes problèmes, j'ai eu faux, tu te renferme sur toi dans l'espoir d'être tranquille. Tu accumule les soucis. Tu es vraiment bête de faire ça." je marquais une pause puis repris. "Crois tu que les autres aussi se renferme sur eux ? Bien sûr tu vas me sortir les lâches le font. Je te laisse, je m'énerve pour rien à garder une gamine qui ne fait rien pour se bouger. Ca ne sert à rien de fuir, un jour la réalité te rattrapera."

Elle me dit si "gentiment" qu'elle s'en foutait totalement de ce que pouvais lui dire. Je pris ma serviette et partis me rhabiller, j'en avais assez. J'étais énervée. Je me frottais énergiquement et enleva mon maillot, j'avais pris quelques coups de soleil sur les épaules, ça ne me faisait pas mal. Du moins pas aussi mal que la douleur du coeur qui se serre. Pourquoi j'avais mal au coeur ? Pourquoi je me soucie d'une sale gosse trop gâtée ? Je poussa un profond soupir et me rhabilla. Je lâcha un sec "Au revoir." avant de partir, j'en avais assez vu pour aujourd'hui. Je n'avais plus qu'à aller me laver, passer de la crème sur mes rougeurs mais je n'avais rien pour mon coeur. A part manger de la glace devant la télé pour oublier ces foutaises.