Il y a de ces jours, parfois, où je me demande où sont passés tous les autres, et je ne parle pas des autres membres des Légendes. Je me demande où sont les miens, les autres Dieux Égyptiens, mes chers (ok, pas si cher que ça) descendant, ceux que j’ai côtoyé depuis tant d’années, tant de siècles passés à se disputer, à se montrer arrogants, à se battre parfois. À l’époque, je les regardais pour la plupart de haut, osant parfois à peine les considérer comme mes semblables à cause de ma «puissance» (il est vrai que j’étais le plus puissant des Dieu, mais cela n’en était pas moins arrogant de ma part). Et depuis notre grande et peu glorieuse bataille contre les Dieux Romains il y a des siècles de cela, je n’ai plus revu aucun d’entre eux. Enfin, oui, un seul. Le pire d’entre tous, et peut-être le seul qui ne soit pas de ma descendance (une autre belle raison de l’Haïr, ce sale serpent), Apophis. Et notre relation ne s’est aucunement améliorée depuis notre première rencontre. Non, ceux que j’aimerais revoir, ce sont les autres : Bastet, Osiris, Seth, Anubis, Horus, Isis (oui, même cette garce)… Tous, et en particulier Hathor.

Ah, ma chère petite Hathor, comme tu me manque, parfois. En une autre époque depuis longtemps révolue, je l’admirais autant que je le pouvais, l’adorais comme un père adore sa fille préféré, voir peut-être légèrement plus que ça, qui sait. Sa beauté, son visage, son humour, son sourire, sa manière de parler, sa présence lumineuse… Tout cela me manque souvent au plus haut point. À l’époque, sa présence m’emplissait de joie et de fierté, et son absence de tristesse et de désespoir. Je ne me rappelle pas avoir ressentit un sentiment négatif aussi intense que celui-ci, même quand nous avons perdu la guerre, ou encore quand j’ai réalisé que j’étais coincé dans le corps d’un mortel (même si je me rappelle avoir crié de colère et m’être maudit 1000 fois ce jour-là). Quand elle n’était pas à mes côtés, j’étais dans un état de dépression sévère, de détresse, ne sachant parfois plus quoi faire, ne trouvant aucune raison d’avancer. De nos jours, je me suis habitué à son absence (il le faut bien, sinon je me serais probablement enlevé la vie il y a longtemps de cela). Mais même là, il m’arrive encore de l’entendre courir autours de moi avec son grand sourire si magnifique, riant avec une telle joie, puis me demandant si tout va bien, si Apophis ne m’a pas trop blessé durant notre dernier combat. Il y a des jours, cela me semble si réel… Comme aujourd’hui… Je l’entends me marmonner à l’instant même : «Comment trouvez-vous votre nouvelle vie, père?» Oui, elle a toujours été très polie.

-Ça va, ça va… Mais parfois vous me manqué tellement, toi particulièrement.

Je me ressaisis aussitôt. Ce n’est pas le genre de faiblesse nostalgique que je puis me permettre de nos jours, sans compter que cela donnerait certainement raison à Wilhelm, ce que je ne pourrai jamais accepter. Hathor, Bastet, Osiris et les autres ne sont plus à mes côtés. Et bien qu’il y ait de grandes chances qu’ils soient quelque part dans ce fichu monde, ils ne sont pas actuellement dans mon entourage, alors autant essayer de ne pas trop penser à eux, à notre puissance oubliée, à mon règne si glorieux. Bordel, il me fallait une douche froide pour me sortir tout cela de la tête, et au plus vite.

Alors que je me dirige vers la salle de bain la plus proche, je peux voir au sol Uraeus qui chasse une sourie. Il y a longtemps, les autres membres ont remarqués qu’on avait un problème de souris. Ils ont proposés qu’on les extermine tous, mais j’ai préféré «suggéré» (bon d’accord, je les ai légèrement forcés) à laisser Uraeus chasser les souris. Et depuis toutes ses années, Uraeus a encore de quoi chasser dans le manoir. Ce cher cobra s’amuse comme un fou à cette activité. Après avoir avalé sa proie, il me siffle en signe de salutation, suite à quoi je réplique avec un sourire. Il décide alors de me suivre en attendant que son prochain repas se pointe, bien que comme moi, il n’a pas besoin de se nourrir aussi quotidiennement que le voudrait les standard de son espèce. Mais bon, Uraeus est le cobra de Râ, après tout.

J’allais me rendre à la salle de bain quand je vois Johan Stone arriver. La petite nouvelle de l’équipe, qui n’était pas là au début de sa formation. Elle est silencieuse, calme, légèrement distante, ce qui change assez de la plupart des autres résidents du manoir. Mais surtout, cette fille me fascine d’une manière que j’ai de la difficulté à comprendre, comme si… comme si elle m’emplissait de joie et de bien-être. Un peu comme à la manière de ma fille, je dirais. Attend, non, personne n’est comme ma fille. Mais je dirais au moins que cette femme met un peu de bonheur dans mes journées. Bien que je m’entende assez bien avec la plupart des membres des Légendes, ils ont tous leur manière de m’exaspérer. Pas elle. Ou du moins, plus maintenant. Autrefois, sa seule présence me faisait rager, alors que maintenant…

Elle me saisit alors le bras, me dirigeant vers la sortie du manoir. J’ai tout juste le temps d’attraper Uraeus de mon membre valide, le laissant par la suite se faufiler dans ma veste pour ne pas attirer l’attention. À entendre Johan, elle n’est pas de très bonne humeur. Pourquoi? Va savoir. Je suis Dieu, pas télépathe. Cependant, même après m’avoir lâché, elle marche devant moi, ne se retournant aucunement, comme si elle me cachait quelque chose (ce que je n’apprécie guère depuis la petite relation de Strider avec sa criminelle). Je pourrais très honnêtement partir immédiatement. Rien ne m’oblige à la suivre. Elle est nonchalante, froide, et actuellement semble de très mauvaise humeur. Mais je me sens bien avec elle, alors mes pas suivent les siens dans un grand silence, sans qu’aucun mot ne fuse entre nous.

Elle nous amène finalement dans un établissement, un café, dont je ne prends pas la peine de retenir le nom (un café en vaut un autre, si vous voulez mon avis). En entrant, je ne me sens tout de suite pas à ma place, dans cet endroit fréquenté par de faible mortel sans aucun avenir pour la plupart, si vous voulez mon avis. Encore une fois, la logique me dit de partir d’ici, que c’était une perte de temps de traine dans cet endroit. Mais je restai quand même, allant m’assoir devant Johan. Une serveuse vint rapidement nous voir, nous demandant ce que nous voulions. J’entends à peine ma collègue passer sa commande, mais je réponds par réflexe à la serveuse, histoire de me débarrasser d’elle :

-La même chose.

Puis, j’attends passivement, fixant Johan, essayant de voir à travers de ses lunettes de soleil pour savoir ce qu’elle regarde. Je continue à la fixer encore et encore, essayant de percer son masque de froideur grâce à mon regard inquisiteur. Puis, après quelques minutes, notre commande arrive. Je n’y touche même pas, l’ayant simplement prit pour ne pas sembler trop suspect. Je continue de la fixer, de la détailler du regard, ce qui doit probablement la mettre mal à l’aise. Je reste comme cela, les yeux vers elle, pendant une bonne minute avant qu’un sifflement de cobra me sorte de ma transe. Uraeus me fait signe qu’il veut gouter, suite à quoi je lui prête ma paille. Et alors qu’Uraeus recrache ce «milkshake», je demande enfin (il faut que je reste aussi solitaire que d’habitude, même avec elle) :

-Pourquoi tu m’as emmené ici?

-Je ne sais pas. Pourquoi m’as-tu suivi ?

Si simple comme réponse, et pourtant siiiiiiiiiiii compliqué. Elle avait le don de me donner le même genre de réponse que mes propres questions, me forçant à me creuser les méninges. Pourquoi je l'ai suivie, dans un café inintéressant, alors que je n'avais aucune raison de le faire, et en plus pour déguster une boisson des plus étranges (les «milkshakes sont vraiment étonnants si vous me demandez mon avis»)? Hum... Excellente question. Est-ce à cause que c'est elle qui m'a demandé de venir? Possible, très possible. Après tout, aurais seulement réagit de la même manière si Will m'avait invité comme ça (ce qui m'aurait déjà dérangé de base)? Je l'aurais surtout envoyer promener, et si j'avais été de très mauvaise humeur, je lui aurait même dit de mettre son milkshake où je pense. Les Vaughan? Je ne suis pas assez proche d'aucun des deux pour que j'accepte de les accompagner à un café (ou du moins de le faire sans me plaindre une seule fois). Non, je n'aurais clairement pas réagis comme cela avec les autres. Mais est-ce vraiment suffisant pour avoir envi de la suivre?

Je m'arrêtai quelques secondes pour l'observer, détailler ses traits, la juger de mes yeux, ce genre de chose que je fais en silence et qui donne l'impression que je l'observe (ce qui est d'ailleurs le cas de toute façon. Je ne suis pas un expert dans le domaine (ou du moins pas à ce que je sache). Mais le la trouve assez belle (dans la mesure où une mortelle peut l'être face à un dieu). Ses yeux, son nez, sa bouche, son visage ses cheveux, je n'avais aucun problème à les regarder sans vomir (ce qui m'arrivait souvent au début quand je regardait des humains m'adresser la parole). Enfin bon, ça me donne quand même une drôle de sensation d'être là, en silence, tous les deux, juste à se regarder. Est-ce cela qu'on appelle... hum... une indigestion?

-Je ne voulais pas rester toute seule. Je crois.

Enfin une réponse pour casser se silence énervant. Enfin, ce n'est pas exactement un silence, vu toutes les personnes qui parlaient autours de nous dans le café. Mais bon, c'était encore plus bruyant lors des réunions de famille quand j'étais encore le grandiose dieu soleil d'Égypte. à côté de cela, le trafics sur les autoroutes d'Amérique est une petite ballade relaxante.

Elle ne voulait pas être seule hein? Ça sonne étrangement sincère je dirais. Et puis, malgré le fait quel n'est pas de l'équipe originale, j'ai pourtant tendance à lui faire confiance sans aucune bonne raison. Je ne sais pas, c'est comme si je voulais être avec elle, voulais avoir confiance en elle, un peu comme avec Hator, il y a si longtemps de cela. Mais si ça avait été quelqu'un d'autre à ma place, elle l'aurait probablement amené ici, non?

-Je voulais dire, pourquoi moi?

Mon regard était sévère et froid, comme d'habitude, et ce malgré le fait que je l'apprécie énormément. Il fallait bien que je ne me montre pas trop faible. Je suis un homme froid et solitaire, ce que plusieurs personnes trouvent ironique vu mon lien avec le soleil et la chaleur. Mais il faut parfois se distancer des gens qui nous sont «inférieurs». Autrefois, j'aurais défendu cette notion de différence avec ardeur et ferveur. Après tout, je suis un dieu bon sang! Je suis un être suprême! Je ne devaient pas me mêler aux humains! Mais maintenant... Je ne suis que l'ombre de l'ancien moi, et les choses ont extrêmement changé. Je me suis rapproché des gens, des mortels, et j'ai appris à les apprécier (voir peut-être même à les aimés). Je comprends maintenant que je suis plus proche d'eux que je ne le suis de l'ancien moi. Et c'est pour cette raison que je décide de lui sourire gentiment (ce qui risque de la prendre par surprise) et de lui demander:

-Est-ce que ça va?