Elle regardait sans vraiment la voir la dernière photo de Paige qu’on lui avait amené récemment. Ses yeux bleus, dans le vague, donnaient l’impression d’être vides. La réalité n’était pas si loin du compte, dans les faits. Elle était fatiguée et n’avait envie de rien faire. Rien, à part peut-être se torturer toujours plus en contemplant ces clichés pris de sa fille. Comme elle grandissait vite, c’était dingue. Brooke ne fut jamais avec elle... du moins pas après ses deux mois de vie, et pourtant, elle aussi suivait son évolution d’aussi près que possible, avec ces ravissantes prises de vue. Elle les conservait toutes, sans jamais en jeter aucune, même les floutées ou l’on distinguait à peine son enfant. C’était comme ça, elle se raccrochait à ce qu’elle pouvait, après tout. Qui pourrait la blâmer, pour être franc ? Sans doute personne. Enfin, pas dans l’immédiat.

Ses yeux s’arrêtent alors un petit instant sur l’horloge du salon des Légendes. Quatre heures moins le quart. La sortie des classes allaient bientôt officier. Que faire ? Aller se saigner un peu le cœur en allant voir sa gosse sortir du collège ? Oh, et puis après tout, pourquoi pas ? Rien ne lui interdisait ça, qu’elle sache. Il lui fallait juste ne pas s’approcher à moins de vingt mètres. Elle serait prudente, du moins, c’était ce qu’elle se disait. Et Elle voulait y croire, sincèrement. Elle voulait croire qu’elle tiendrait coute que coute, même si c’était dur. Il lui fallait pourtant composer avec cette règle si elle ne voulait pas voir les mesures durcies radicalement juste après.

Se levant, elle se changeât rapidement, étant jusque-là resté en débardeur et short. Elle opte pour une tenue simple, assez casual. Une chemise unie blanche et un jean simple, sans fioritures, dans les tons bleus usés. Parfait, elle fait vraiment passe-partout, comme ça. Encore plus avec la paire de lunettes de soleil qui vient orner le bout de son nez. Voilà, maintenant elle peut sortir sans risque. Ah non, petite erreur. Elle prend ses micros puce et sa montre-ordinateur portatif, qu’elle dissimule respectivement dans ses poches et sous la manche de son haut. Ainsi, elle est fin prête.

Aujourd’hui, il y a un peu de soleil, alors elle décide de marcher jusqu’à l’établissement scolaire ou elle sait que Paige est inscrite. Mais Brooke reste sur ses gardes, les agents des services sociaux sont susceptibles d’être là, il faut donc agir avec le plus de ruse possible. Oui, elle ne compte pas enfreindre les directives mais bon, ceux-là ne sont jamais contents, quoi qu’elle fasse. La rousse avait fini par ne plus se poser de question à leur sujet et vivait aussi bien qu’elle le pouvait. Ses pas la guidèrent rapidement jusqu’à l’endroit souhaité et elle grimpa sur le toit d’un bâtiment faisant face au repaire des écoliers, de l’autre côté de la rue. Comme ça, c’est parfait. Elle peut regarder de tout son soul la sortie des classes sans baigner dans l’illicite.

La sonnerie retentit, elle l’entend de là où elle est. Et elle observe, blessée, en silence, les parents, tous heureux qui eut, peuvent venir chercher leurs gosses derrières les grilles de l’établissement. Quelle chance ils ont. Sans doute ne le réalisent-ils pas assez, d’ailleurs.

La Vaughan tuerait pour être à leur place, et pas qu’un peu. Surtout que Paige est et restera sa fille unique. Pour toujours et à jamais. Un mauvais souvenir resurgit mais elle le chasse rapidement, d’un mouvement de tête fluide. Elle a l’habitude, maintenant.

En attendant d’apercevoir sa petite perle, qui ne devrait plus tarder, la roussette appui sur un bouton particulier de sa montre, celui pour contacter Archimède, le système de gestion de la baraque. Heureusement, il ne se limite pas à ça parce que sinon…

« Que puis-je faire pour vous rendre service, Madame ?
-Donnes moi les nouvelles, histoire que j’ai quelque chose à me mettre sous la dent pour patienter.
-Du quartier ?
-Peut importe… Oh et puis oui, tiens.
-Très bien. Récemment, un pédophile s’est évadé de la prison toute proche. Il est soupçonné d’être dans le périmètre ou vous vous trouvez mais aucune preuve tangible n’a été trouvée.
-D’accord, merci Archi’
-Ce fut un plaisir, Madame. »

Brave intelligence artificielle. Elle se rendait toujours très utile, bien plus que Brooke ne pouvait l’être, en tous les cas. Elle n’était définitivement pas peu fière de sa création, même aujourd’hui encore, bien qu’elle ne cesse de l’améliorer encore et encore à mesure que les années et les progrès passaient.

Enfin, elle aperçoit la silhouette de Paige, qui fait un signe de main à ses copines et qui emprunte le chemin pour rentrer chez elle, chez Emily. Ahah, c’est vrai qu’elle est grande maintenant, plus de douze ans. Elle va sur ses treize, déjà. Oui, déjà. Ça fait déjà plus d’une décennie et malgré tout, Brooke ne peut s’empêcher de se souvenir de tout comme si ça s’était passé la veille. Quelle vie elle avait, décidément. Mais bon, elle avait choisi tout ça, elle ne pouvait plus revenir en arrière.

Toute perdue qu’elle était dans ses pensées derrière les verres teintés de ses lunettes de marques, la Vaughan vient de remarquer qu’elle avait zappé un morceau du chemin du retour emprunté par Paige. Ou est-elle ? Normalement, elle doit longer la rue principale avant d’embrailler à droite et elle ne met pas si peu de temps à accomplir cette action, même en courant. Voilà, Brooke commence à paniquer. Peut-être qu’elle psychote, peut-être qu’elle est paranoïaque, mais dans le fond, elle s’en fiche ; elle est mère avant tout. Et une mère, ça s’inquiète, point final.

Elle voit une ruelle, qui se démarque de la continuité des immeubles formant l’allée principale que Paige est sensée parcourir pour rentrer en sécurité. Elle s’y rend, pour donner constance à son inquiétude sans doute trop grande … ou pas. Personne ne la voit, elle est incognito, tant mieux. Robot Rock s’approche de la ruelle, persuadé qu’il n’y aura rien, comme si elle voulait se rassurer, comme si elle voulait se convaincre qu’elle en fait toujours trop, comme d’habitude. Même si en soit, ça ne la gêne pas du tout.
Raté.

Elle voit de dos, un imperméable. Puis une petite voix qui se fait entendre.

« Monsieur vous… vous me faites mal… Lâchez mon bras s’il vous plait, je veux rentrer chez moi... »

Pas de temps de réfléchir, c’est Paige. Et lui, c’est surement le pédophile dont parlait Archimède. Foutu hasard de merde. Pourquoi avait-il fallut que ça tombe sur sa fille ? … Non ? Enfaite, elle le savait, c’était parce qu’elle était la seule à rentrer chez elle seule. Une nourrisse c’est donc trop demandé ?! Une jeune adolescente comme elle est encore trop fragile pour affronter le monde extérieur, la rousse en savait quelque chose !

Ses doigts attrapent fermement les épaules de l’homme, plus grand qu’elle, et elle le balance sur le sol après lui avoir foncé dessus, ses talons ayant claqués sur la solidité du bitume usé. Puis, avant même que l’autre n’ai le temps de réagir, elle s’interpose entre Paige et lui, rompant la règle numéro un. Tant pis, elle laisse parler son instinct de mère, elle aviserait après, pour la suite des évènements. Comme quoi, quelques prises de kung-fu, parfois, ça peut aider. Mais ça ne sort pas non plus d’affaires, aussi, s’armant de son petit ordinateur, Brooke ordonne à ses micro-puces de se rassembler et de former un solide marteau, qui ne tarde guère à apparaitre.

Trois mouvements. Elle s’en saisit, elle cogne le gars, il tombe raide par terre, inconscient. Ça lui apprendra à s’attaquer à plus faible que lui. Connard. Et puis tiens, comme si ce n’était pas suffisant, elle lui crache dessus, par pur dédain. Ouai, elle n’est absolument pas classe mais rien à foutre, elle vient de sauver sa fille, c’est tout ce qui compte. Elle rappelle Archimède.

« Appelles les flics Archi’ et donne leur ma position, je crois que je viens de choper le fugitif.
-Bien madame. »

La voix synthétique la rassure, un peu. Mais pas entièrement. Elle a besoin de se retourner vers sa progéniture, pour s’assurer que tout va bien.

Apparemment oui, plus de peur que de mal. Tant mieux. Elle a l’air un peu choquée mais elle s’en remettra, elle est forte, ça Brooke en est plus que persuadée.

Les yeux de l’enfant croisent les siens. Que va-t-elle bien pouvoir dire ? Est-ce qu’elle va seulement la reconnaître ? Peu probable mais, c’était toujours beau de rêver, non ? Elle prend la parole, semblant presque admirative.

« Vous.. vous êtes Robot Rock ? La fameuse Légende ?
-Euh… Je… oui. »

Mais je suis également ta mère, se retient-elle d’ajouter, malgré que ses lèvres soient brulantes de faire cet aveu. L’adolescente se jette sur elle et l’enlace, pour la remercier.

« Je suis si fan de vous ! Merci de m’avoir sauvé ! Je ne l’oublierais jamais ! Merci beaucoup !
-… C’est ça, aller file, ta mère doit s’inquiéter.
-Oh oui, vous avez raison, merci ! »

Et elle repart, un peu plus sur ses gardes, cette fois. Et Brooke reste là, prostrée. Elle était si proche de sa propre fille qui ignore tout d’elle et pourtant, elle n’a pas pu s’empêcher de s’insérer dans un rôle qui ne lui convient définitivement pas. Elle retient ses larmes et remet correctement ses lunettes, reportant son attention sur le putain de pervers qui gît maintenant à ses pieds.

Tss, parfois elle regrette de ne pas être une criminelle. Elle pourrait torturer à loisir des gens comme ça et leur faire regretter définitivement leur venue au monde. Foutus psychopathes.

Elle s’était attendue à tout, vraiment. Un agent des services sociaux, un flic – puisqu’elle avait demandé à Archimède de les contacter – ou même une tierce personne qui l’aurait engueulé pour avoir tabassé un pauvre type, puisque tous les détails n’auraient pas été ainsi donné. Mais non, fort heureusement, histoire d’illuminer un peu sa journée, la Vaughan put voir la silhouette familière d’Elly Dullahan. Ah, sa « baby-sitter » comme elle était ironiquement appelée. Mais bon, ce genre de petit sobriquet n’avait rien de méchant, bien au contraire. Brooke, comme certainement la majorité des autres légendes, considèrent la –plus ou moins- civile comme un membre de la grande et hétéroclite famille qu’il forme tous. Un peu comme une mère poule, la personne qui met le baume au cœur de tout le monde lorsque les choses vont au plus mal. C’est ainsi.

Et heureusement qu’elle est là, d'ailleurs, car sinon qui pourrait dire ce que serait devenus les cinq, à force de se côtoyer tous comme ils le faisaient ? A être presque en permanence sur le dos les uns des autres, ils se seraient probablement tous entre-tués en fin de compte. Heureusement que l’autre rousse était présente donc. C’était un peu la colle qui maintenait ensemble les Cinq éléments si hétérogène que constituaient actuellement Strider, Mentalist, Râ, Démon et bien entendu, Robot Rock.

Elle lui a surement déjà dit ce genre de vérité, mais aux yeux céruléens de la Vaughan, Elly est exactement comme la sœur qu’elle n’a jamais pu avoir. Il lui fallut un moment avant de pouvoir mettre un mot de ce genre sur la relation assez particulière qui l’unissait à cette femme pas comme les autres.

Assez mauvaise au commencement, du fait de ses inavoués sentiments pour l’européen, ils ont progressivement évolués, à mesure qu’elle acceptait cette non-réciprocité. Le stade de la simple amitié d’arme passé, le tout est rapidement monté crescendo. Et on en arrive ainsi rapidement à celui présentement établis entre les deux jeunes femmes.

« Elly… »

Elle avait souri, d’abord tristement puis, plus gaiement à mesure que les secondes et la réalisation s’imposaient à elle. Brooke était vraiment ravie de voir un visage familier, enfin. Ca ne faisait pas si longtemps qu’elle n’avait pas croisé les autres mais bon, avec ce qui venait de lui tomber sur coin de la figure, un contact chaleureux était vraiment le bienvenue. Elle enlaça doucement la Dullahan, profitant de cette proximité pour chasser toutes les mauvaises pensées qui l’avaient envahi suite à cette entrevue rapide avec sa progéniture.

Elle prit acte des paroles se voulant réconfortantes de l’autre rouquine et soupira. Elle aurait tant voulu y croire, elle aussi. Ça ressemblait à un rêve trop beau pour être vrai. Déjà qu’elle venait d’enfreindre la règle primordiale qu’avait posé la Justice, ahah. Quelle ironie, elle l’avait fait pour sauver sa fille, en plus. Non pas qu’elle regrettait, loin de là. Mais c’avait été si dur d’être si proche de Paige sans pouvoir rien lui dire. Comme toujours.

« J’aimerais pouvoir y croire autant que toi, Elly… »

Elle laisse sa phrase en suspens, ne tenant pas à la terminer. C’était très bien ainsi, de ne pas conclure ce genre de chose. Ce n’était pas utile, en fin de compte. Relâchant son étreinte sur sa camarade, Brooke finit par aller s’adosser au mur et croiser les bras, plongeant son regard incapable du moindre mensonge dans celui de sa camarade.

« Alors, tu restes un peu avec moi pour surveiller ce malade en attendant l’arrivée des flics, ou tu dois déjà partir ? »

Elle avait assortie ses paroles d’un mouvement succin de menton en direction de l’homme assommé, histoire qu’il n’y ait aucun quiproquo à ce sujet.

« Oh et au cas où tu te poserais la question, il a tenté de s’en prendre à Paige, c’pas du tout un plan drague ou je ne sais quoi d’autre tout aussi glauque, rassure toi. »

C’était plus une plaisanterie qu’autre chose. Elle se doutait bien qu’Elly n’aurait jamais pu songer à une chose pareille. Mais il fallait bien détendre l’atmosphère et la Vaughan n’avait pas su comment agir autrement.

Attendant l’arrivée des agents des forces de l’ordre du secteur, Brooke s’étira quelque peu, faisant craquer ses épaules et sa nuque. C’était agréable, ça lui faisait un peu concentrer son attention sur autre chose que ses petits malheurs. Puis ça lui faisait du bien d’être en compagnie d’une femme qu’elle connaissait bien maintenant. Elly, si quelqu’un la touche, la Vaughan lui colle un Headshot avec ses nano-robots dans la seconde qui suit, si cela s’avère possible. Parce qu’on ne touche pas à un membre de sa famille, point final. Et au bout de quinze ans de cohabitation, on pouvait affirmer sans se tromper que les rouquines s’appréciaient comme si elles s’étaient toujours côtoyées. Surtout qu’au départ, l’affiliation presque fraternelle avait eu un peu de mal à se concrétiser aux yeux de la jeune mère, qui ne connaissait rien de ce genre de chose, elle qui avait toujours vécue confinée, en laboratoire de recherche.

Mais avec les années, on finit par apprendre et combler nos lacunes. Ce fut le cas pour la Légende. Elle ne pouvait s’imaginer voir Elly autrement que comme une proche, une intime. Par dans le sens charnelle mais bien par la définition familiale que l’on peut s’attendre à rencontrer de cette façon. Jamais la Dullahan ne pourrait la trahir, elle en était convaincue, persuadée. Le jour où ça arriverait, ce serait probablement la fin du monde et puisqu’aucune comète n’avait prévu de s’écraser sur la terre avant au moins deux siècles, Brooke pouvait ainsi se rassurer.

Elle disait absolument tout à cette agente un peu spéciale du Gouvernement. A vrai dire elle ne la voyait pas du tout comme les autres agents qu’elle avait déjà croisés. Eux, elle ne les aimait pas, c’était clair et net. Mais elle continuait à obéir, faute à pas le choix. Et puis sinon, elle ferait quoi de ses journées, si elle ne sauvait pas des vies ? Probablement rien. Et elle ruminerait ses déboires comme une vieille alcoolique sur le retour. C’était donc très bien qu’elle s’occupe ainsi la tête.

L’autre rousse lui tendit une cigarette, elle s’en empara et utilisa ses micro-puces comme d’un briquet avant de les mettre en « off ». Heureusement qu’Elly restait avec elle, ça lui faisait passer le temps plus vite. Et puis elle n’aimait pas, lorsque son homologue se discréditait comme ça. C’était désagréable. Elle faisait de son mieux pour maintenir une bonne ambiance au sein des Légendes, alors pourquoi douter ? Ça exaspérait légalement Brooke qui, après une course inspiration et une latte de tabacs inspirée, répondit ;

« Tu as pas bientôt fini de te dévaloriser ? Tu sais très bien que tu es un peu notre Mère Poule à ta façon. Râ n’apprécie pas d’être chouchouter, et après ? Ça me parait logique, n’oublie pas que c’est un Dieu, il a bien plus de vécu que nous tous réunis. »

Nouvelle taffe de nicotine. Elle avait volontairement éludé la partie sur Strider. Ça ne la regardait pas, après tout. Il faisait bien ce qu’il veut, tant que ça ne mettait pas en danger le groupe et leurs actions. Il y avait juste une chose qui la dérangeait grandement. Le Gouvernement savait ça. Et il n’y avait qu’un seul moyen pour qu’il le sache, c’était grâce aux caméras qui composaient le système d’Archimède. Hors son intelligence artificielle ne lui avait rien dit de tout ça, sans les rapports journaliers qu’elle lui faisait. Ça ne pouvait dire qu’une chose, c’est qu’une autre tierce personne s’infiltrait dans le programme d’Archimède pour en retirer des infos en tout genre – dont les plus gênantes apparemment – et les effaçaient de la mémoire vive sitôt le forfait effectué.

Brooke n’aimait pas que l’on touche à ses affaires, surtout lorsque ça empiétait par la suite sur sa vie privée ou sur celle de l’un de ses camarades. Ils étaient tous grands, adultes, majeurs et vaccinés bons sangs ! Qu’on leur foute un peu la paix, ça changera vraiment. La Vaughan, se dit alors que si elle y pensait encore, elle ajouterait un nouveau mot de passe à l’interface d’Archimède. Ou peut-être dix.

Chacun crypté et avec vingt-cinq caractères, tiens. Ça leur ferait les pieds, à ces fouineurs gouvernementaux. Elle grogna, contrariée. C’est dur d’être une Légende sous surveillance, parfois.

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Très franchement, là tout de suite, Brooke aurait apprécié de parler d’un simple sujet lambda. La pluie, le beau temps… bref n’importe quoi qui la détacherait un peu de son travail quotidien. Strider pouvait faire ce que bon lui semblait, si ça lui apportait des ennuis, il saurait probablement comment gérer. Enfin, c’était ainsi que la rousse technologique le voyait en tous les cas. Et puis bon au pire du pire, si vraiment ça dégénérait, oui elle lui prêterait main forte, seulement ça ne semblait pas être le cas jusque-là. Pas la peine de paniquer donc, il y avait plus important comme sujet ou se remuer les méninges. Elle prit une inspiration profonde, vrillant ainsi le quart de sa cigarette précédemment entamée et laissa un petit silence planer. Elle ne savait pas quoi dire. La Vaughan pouvait bien comprendre qu’Elly soit stressée par son boulot mais bon ce n’était pas une première ! Elle faisait ça depuis quinze ans, pourquoi craquer maintenant seulement ? C’était pire qu’à retardement à ce niveau-là.

Elle fit craquer sa nuque de manière lugubre, histoire de se débarrasser d’une petite gêne qui avait élu domicile dans ce secteur ci de son anatomie. Objectif attends. Un bâillement la prit soudainement et, alors qu’elle allait répondre à sa camarade, une voiture de police se gara en catastrophe prés d’elles deux. Des agents en uniformes déboulèrent du véhicule et les regardèrent, complétement hagards.

« C’est pas trop tôt, on aurait pu organiser un thé dansant en vous attendant. »

Mal-aimable, certes, mais Brooke commençait à être contrariée. D’abord ses mauvais souvenirs, ensuite Paige qui manque de se faire choper par un tordu et enfin la Dullahan qui ne cesse de déblatérer ses défauts. Ce n’était pas bientôt fini cette débâcle ? Quoi que bon, elle était mal placée pour parler, en fin de compte.

Les policiers n’osèrent pas agir de suite, aller savoir pourquoi. Il fallut qu’elle décline bel et bien toute son identité de Robot Rock pour qu’enfin ils prennent conscience qu’elle n’allait pas les décapiter sur place s’il l’asticotait de trop –quoi que, c’était envisageable si leur lenteur perdurait de la sorte. Heureusement, une fois le criminel embarqué, la Légende se sentit tout de suite bien mieux. Elle avait accomplie plus ou moins volontairement sa bonne action de la journée, elle pouvait maintenant bénéficier d’une pause bien méritée. Le soleil recommençait à cogner, c’était l’occasion ou jamais d’aller prendre un bain de lumière, non ?

Finissant sa cigarette, elle la jeta finalement au sol avant de l’écraser de sa semelle et de contourner un peu Elly.

« La seule chose que je sais frangine c’est que je n’apprécie pas que l’on touche à mes affaires, comme Archimède, par exemple, tu vois ? »

Elle parlait clairement du fouineur qui avait fait mumuse avec son système. Ca l’agaçait mais elle ne perdait pas de temps pour attendre un peu. La vengeance était un plat que se dégustait froid, voir congelé. Que l’autre n’essaie même pas de recommencer ou elle lui balancerait suffisamment de virus pour infecté même sa prise électrique ! Oui, elle était énervée et avait besoin de se détendre assez urgemment.

« Aller viens, arrête donc de te torturer, on va se poser sur un banc au soleil et faire les vieilles, je pense qu’on l’a bien mérité toi et moi. »

En plus, un peu d’autodérision ne fait jamais de mal, n’est-ce pas ?

Brooke sentait que quelque chose semblait turlupiner sa consœur, mais elle n’y fit pas attention dans l’immédiat. C’était un peu, voir même carrément égoïste, mais elle avait déjà trop à penser pour se pencher sur autre chose. D’autant qu’elle soupçonnait Elly d’essayer de lui cacher quelque chose. Et même dans le cas de figure où elle aurait voulu lui tirer les vers du nez, elle connaissait suffisamment l’autre rousse pour savoir qu’elle n’obtiendrait rien comme info. Niet, nada, que dalle. Lorsque la baby-sitter n’était pas décidée à parler, il était encore plus rapide d’apprendre l’alphabet à une porte blindée car avec elle, plus on s’acharne et moins on approche du but. Vaughan avait un peu de temps devant elle pour s’intéresser au problème et essayer de réfléchir, en fond, tout en pensant à autre chose, a comment venir à bout de ce Rubik’s Cube humain.

Puis bon, la Légende était également pas mal perturbée après le contact plutôt rapproché qu’elle venait d’avoir avec sa descendance qu’il fallait aussi qu’elle pense urgemment à autre chose. Et quoi de mieux pour se faire que de se prélasser au soleil sur un banc, direction plein sud ? Là, dans l’immédiat, Brooke n’en voyait aucun. Installée confortablement sur le meuble public, les bras ramené sur le dossier, elle penchait la tête en arrière, laissant le disque solaire darder le derme de son cou et de sa clavicule de ses rayons salvateurs. Ça lui faisait un bien fou ! Elle avait presque la sensation d’être en vacances, d’ailleurs. Presque. Soulignons ce dernier mot, surtout.

Malgré tout elle ne parvenait pas à s’enlever plus de cinq minutes ses interrogations plus saugrenues les unes que les autres qui flirtaient dangereusement avec sa conscience. Bon, plan B ; l’humour. En général, elle s’en sortait assez bien en faisant le pitre, comme ça et en prenant la situation avec le plus de dérision possible. Elle ne savait pas si ça allait marcher cette fois mais bon, autant tout tenté, quitte à se casser les dents pour quelque chose au moins ! Elle ouvrit la bouche, la tête toujours en arrière, profitant de la lumière de l’astre.

« Ahah, tu te rends compte Elly ? Ma fille, ma propre fille est fan de moi mais ignore que je suis sa mère ! C’est tordant pas vrai ?! »

Elle accompagna le tout d’un rire très faux mais qu’elle voulait rendre le plus véridique possible... sans grande réussite malgré tout. Ca partait d’une bonne intention dira-t-on, c’était toujours ça de pris. Le silence de retour, elle le laissa flotter un peu, en écoutant le rire des gamins qui jouaient un peu plus loin, au football probablement. Et enfin, sans même qu’elle ne comprenne bien les raisons de sa réaction, elle osa demander à sa comparse :

« Dis, Elly… Ca fait quoi, d’avoir une famille ? Tu sais, pas comme nous les Légendes mais … Un père, une mère et tout le toutim ? »

Et puis elle se dit qu’elle aurait mieux fait de fermer sa gueule à ce sujet, surtout devant la Dullahan. Ce qu’elle pouvait être conne celle-là, parfois quand elle s’y mettait.

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