Drakon toussota doucement. Quelques volutes de buée s’échappèrent d’entre ses lèvres aux courbes fines et agréables pour l’œil. Il faisait plutôt frais, en cette soirée de Novembre. L'hiver s'annonçait froid. Très froid. Le jeune homme baissa les yeux et se mit à fixer ses mains, vraiment peu fier de lui. « Je suis désolé. De mettre introduit dans vos appartements. » Drake ferma les yeux, un instant.

Des larmes. Un cri de douleur. Une lueur bleuté. Un courant d'air. De la pluie. Du tonnerre. Du sang, du sang, encore du sang. Encore des larmes.


Le plus jeune rouvrit les paupières en sursaut, sa respiration était précipitée. Avec maladresse, regarder ses mains fut la première chose qu’il fit. Il fut rassuré en constatant qu’elles étaient on ne peut plus propres, sans aucune trace de sang. Ce n’était qu’un cauchemar. Loki poussa un soupir de soulagement en enfouissant son visage dans ses mains. Il n’avait plus fait ce songe depuis six mois, et voilà qu’il revenait à lui. Quand tout allait bien pour lui, il fallait que le cauchemar revienne le hanter. Il essaya de se calmer, mais les larmes ne cessaient de monter à ses yeux. Il se les frottait pour stopper cette vague d’émotions tristement négatives. Comment un simple cauchemar pouvait-il faire autant d’effet ? Seul Drake en avait la réponse. Après quelques minutes, il se résout à se concentrer sur l'auto-radio, qui passait des chansons en boucle. Et sur la voix du conducteur, chantonnant.

Loki enfouit une fois de plus son visage dans ses mains. Il n’était vraiment pas fatigué. Des brides de son cauchemars recommençaient à lui venir à l’esprit, provoquant un frisson qui parcourut froidement sa colonne vertébrale. Il ne voulait pas se souvenir, mais pas oublier non plus. Il ne se le permettrait jamais. Il voulait enfouir tout ça dans un coin de sa tête et de sa mémoire afin de vivre comme il le faisait ces dernières années. Cependant, on ne peut jamais complètement refouler les mauvaises choses. Il y a toujours des jours où elles reviennent soudainement, infligeant par la même occasion la douleur des souvenirs. Mais l’effet n’est jamais le même lorsqu’il revit les événements via un cauchemar. Là, il revoit tout, ressent tout une nouvelle fois. C’est douloureux. Cette peur, cette terreur, ce besoin de se remettre les idées en place pour que la vie reprenne son cours normal. En général les souvenirs prennent le dessus et ainsi, quelques nuits, il craque, rongé par ce que ça mémoire lui inflige le temps d’une nuit.

En cet instant, il ne souhaitait qu’une chose : se convaincre que tout allait bien, que tout s’était arrangé depuis longtemps maintenant et qu’il ne devait plus s’en vouloir. Que le passé reste le passé, que le passé était un accident et qu’il ne reviendra pas.

Parce qu’il faut savoir une chose : lorsque l’on a commis une grave erreur dans la passé, la première étape vers la rédemption à accomplir est de se pardonner soi-même, vient ensuite se racheter et le pardon des autres. Tant que la première étape n’est pas complète, on n’est jamais tout à fait guérit. Les conséquences ? Les souvenirs nous poursuivent jusqu’à la fin de nos jours. Il faut d’abord se pardonner, ce que Drakon Loki Thunder, lui, n’a pas encore fait.

« Je crois que le bar est là. » fit le jeune Thunder. Effectivement, il y avait non-loin de la Heroe's SUP, un petit bar, plus ou moins connus de la société. Les bars, qu'ils soient huppés, insalubres ou glauques, ils sont toujours aussi remplis ! Il détacha alors sa ceinture, et ouvrit la portière. Ayé, ils y étaient. Pourquoi avait-il accepté de venir, déjà ?

Ses doigts se déposèrent sur un verre rempli d'un cocktail orangé à l'apparence savoureuse. Sans s'inquiéter un seul instant du contenu, il portait la boisson à sa bouche et la bu d'une traite. Mauvaise idée. Comme un sirop pour la toux périmé qu'on se contrait d'avaler lorsqu'on est enfant. Il tirait une grimace effroyable, alors que satisfait de son œuvre, le barman se mettait à ricaner de tout son soûl. Déposant le verre sur le bar qui les séparait, ses prunelles lui adressèrent un regard agacé, comprenant par ses rires strident qu'il venait d'ingurgiter l’œuvre du barman dans sa totalité et d'une traite. Pourtant il savait qu'il ne devait pas se fier à lui, jamais. Il lui adressait un grand sourire et sortait un sachet de plastique contenant quelques pilules à la couleur improbable. « Potion du bonheur, mon seigneur ! » S'exclama-t-il, avant d'agiter le sachet devant les yeux de Drakon, le ranger dans sa poche et lui asséner une grande frappe à l'épaule. Et déjà rien que là, Drake sentait que ça n'allait plus.

Et maintenant, il se retrouvait à se faire traîner de force par le barman. Il marchait très certainement vers son but d'une démarche toujours assurée et apparaissait comme parfaitement sobre d'apparence. Sauf que lorsqu'on lui parlait, il lui arrivait de sourire, parfois même de rire. Alors que d'ordinaire, zéro risette sur ses commissures, une véritable statue. De rire pour rien le pire, son sens de l'humour caracolait vers la lune. Ou bien la seconde d'après, il devenait carrément odieux, au comble de sa méchanceté.

Drakon avait la migraine. Pas un léger mal de tête qui serrait un peu son crâne, non, mais la vraie migraine qui enserrait sa tête dans un étau. Qui se servait de sa boîte crânienne comme d'une balle lors d'un match de croquet. En la faisant rebondir contre les murs. Drake se massa les tempes rageusement, tentant de se concentrer sur les défauts du comptoir, sur lequel il était accoudé. La personne qui pouvait dire qu'un vulgaire mal de tête était venu à bout de Monsieur Drakon Loki Thunder n'était pas encore née.

De ce qu'il pouvait lire sur l’alcool, ou de ce qu'il pouvait en voir dans les films ou dans la réalité, Drake ne comprenait vraiment pas pourquoi les gens s’entêtaient à toujours vouloir boire, encore plus. Où est-ce que ça les menait ? À un état dans lequel ils ne sont pas suffisamment conscients pour réaliser qu'un vieux pervers touchent leurs fesses ! Ça le dépassait, vraiment. L’humain devenait terriblement con lorsqu'il s’enivrait. On voyait alors toute la stupidité humaine et, pour une fois, on pouvait comprendre pourquoi on en était arrivé là dans l’actualité mondiale. C’était à laisser croire que les présidents se brossaient eux aussi les dents avec de la vodka. Toutefois, il n’était pas prêt de tourner le dos au cercle vicieux de l'alcool.

« J'ai un super pouvoir. » Rempli de fierté, comme s'il s'agissait d'une merveille qu'il venait de découvrir, un pur trésor. Les yeux brillants, bienheureux de découvrir son nouveau pouvoir. S'apprêtant à tester son aptitude unique, bientôt légendaire et... Owh ! Un petit homme ! « Bonjouuur ! » Cependant, il ne comprenait pas un traître mot de ce qu'il pouvait raconter. Le pauvre petit...

« Hé Hé ! Héééééééééé ! Tu v'pas un fruit mixé là ? Ouais le truc liquide ! » Dit-il en lui saisissant la main, et en l'emmenant vers le bar.

Il a souri avec ce sourire carnassier. Ce sourire qui vous prend aux tripes et qui vous ronge le ventre. Parfois, on a l'impression que Drakon, lui, il cache un monstre au fond du ventre, et que ce monstre s'amuse à le grignoter de l'intérieur, et qu'un jour, lorsqu'il ouvrira les yeux, il ne sera plus vraiment là.

Il soupire, ce gamin avait vraiment un effet désaoulant sur le jeune homme. Les yeux mouillés, comme s'il déversait toutes les larmes de son corps d'un seul coup, ému le jeune Thunder. « J'vais... J'vais pas paaaartiiiiir ! » Haha, quel brave petit. Comment pouvait-il supporter ce... truc pareil ? Drakon... C'est peut-être pour ça que le petit pleure, finalement...

« Dis, t'as pas vu un grand, blond, un peu coincé du cul ? » Le gamin tremble, il tremble et ne peux plus s'arrêter. Mais il ne bougera pas, il ne répondra peut-être pas, peut-être qu'il n'a même pas entendu.

Drake se massa les tempes rageusement, tentant de se concentrer sur les défauts du comptoir, sur lequel il était accoudé. Il ne comprenait plus ce qu'il se passait. De plus, la drogue et l'alcool n'arrangeait rien...

Il n'est pas rare de voir de petits avions en papier planer au-dessus du bureau de l'accueil, ou à la Bibliothèque, par exemple. Et parfois, parmi tous ces petits avions, il y a des mots, des blagues... Bon, parfois, vu le magnifique lancé de certains élèves... Les avions ne tombent pas sur le bon destinataire mais on ne peut pas tout demander. Cependant, cet avion était différent de tous les autres.

Il était plié avec soin, bien propre. De part et d'autre, deux petits points verts étaient gribouillés. On dit souvent qu'à un certain endroit de ce monde, nous communiquons à travers des avions de papier. Que ce soit des lettres pliées en avions, ou de simples jouets, qu'importe, tant qu'ils volent.

Celui-ci volait. Tellement bien, qu'il survolait tous les habitués du bar et se retrouva sur la scène, se déposant tout aussi délicatement et qu'il avait été lancé. L'avion était suivi de très près par le petit garçon, qui s'empressa de monter sur l'estrade pour le retrouver.

Les claquements de mains résonnaient, les pieds tapaient contre le sol crade du Tournesol. La voix du petit garçon évolua dans le brouhaha incessant. Bientôt, il n'y avait plus qu'elle. Rien qu'elle. Juste cette voix qui récitait avec la plus grande précision les paroles de la chanson. Le blondinet était vraiment impressionnant.

L'avion revient alors vers le jeune Thunder, qui l'attrapa au vol. « Merci. » Ce gamin...
La soirée se passa, à la grande surprise du Thunder, tranquillement. Et c'est ainsi, assez alcoolisés, que les deux acolytes rentrèrent dans l'habitacle chaud de la voiture rouge, parlant de tout, et de rien. Mais surtout de choses dont ils ne devraient pas...