Je courais. Je courais à en perdre le souffle. Mes poumons me brûlaient, mes blessures me lançaient. Tout était allé trop vite, je n'avais même pas d'idée claire de ce qui s'était passé. Je ne voulais pas réfléchir, je voulais fuir, partir. M'en aller loin là où personne me trouverait. Là où je pourrais être seul. Et instinctivement, mes pas m'avaient guidés jusqu'à l'usine désaffectée en bordure de la ville. Je me suis réfugié dans l'un des vastes bâtiments. Mes pas résonnaient mais le sang qui me battait aux tempes était le seul bruit que je pouvais entendre.
Une fois à l'abri j'ai lâché mon sac, ma main s'était crispée dessus comme si cela pouvait me sauver. Et plus je n'avais plus l'air de rien. Mon headband m'avait lâché laissant mes cheveux partir dans tous les sens, ma chemisette était ouverte sur mon torse tuméfié et ma ceinture n'était même pas bouclée. J'avais fuis sans réfléchir. J'avais fuis pour rester en vie.
J'ai ensuite jeté un oeil à ma main. Je tremblais comme jamais, elle était couverte de marques de coups certaines pissaient le sang. Non pas seulement ma main, mes bras, mon torse... Les trois gars qui m'avaient chopé à la sortie du club m'avaient salement amoché et pas seulement... Ca me faisait atrocement mal, à l'intérieur. Je m'étais fait violer. On m'avait volé une partie de moi. De rage j'ai serré les poings et les dents. Je chialais comme un gosse une boule dans la gorge. Entre deux sanglots j'ai difficilement articulé :
- Pourquoi..? Pourquoi..? Pourquoi ?!
J'ai gueulé le dernier comme si ça pouvait m'aider. Qu'est-ce qui pouvait m'aider maintenant ? Je n'avais plus rien même plus une once de dignité. Et cette pensée me hérissait. Je sentais mon coeur battre à en rompre ma cage thoracique et tout mes muscles se contracter bien malgré moi, je souffrais d'autant plus. Une envie de tout briser était en train de naître au creux de moi. Et mon sceau s'était illuminé d'une inquiétante lueur rouge.
Je me suis laissé tomber sur les genoux et j'ai frappé le sol d'un grand coup de poing. Cerbère venait de se glisser entre mes failles et il était décidé à me faire criser. Mais même éloigné de la ville je ne pouvais pas le laisser ainsi s'insinuer en moi et me faire faire des choses contre ma volonté. J'ai saisi ma tête entre mes deux mains. Ca me faisait horriblement mal mon corps tout entier me semblait être une immense blessure. Dans un gémissement j'ai lâché :
- Laisse-moi Cerbère, je t'en supplie... Je n'ai pas la force...
Je ne savais même pas si ce foutu clébard pouvait m'entendre. Mais je ne pouvais rien faire de plus. J'enfonçais mes ongles dans le sol pour retenir les cris de souffrances qui menaçaient de s'échapper de ma gorge et je ne pouvais que contempler impuissant mes larmes qui s'écrasaient sur le sol. Oui j'étais impuissant. C'est pour ça que je n'ai pas réussi à contenir Cerbère.
Je me suis relevé avec difficulté, poussant un grognement rauque. Et j'ai complètement pété les plombs. J'ai donné des coups dans les murs et dans tout ce qui passait par là : des vieux bidons rouillé des machines abandonnées... Je fracassais tout à grand coups de poings, de pieds. Et par la même je me faisais encore plus mal. Tous les bruits résonnaient dans le vaste entrepôt mais j'en avais plus rien à foutre. Après tout il n'y avait personne et j'avais besoin de me défouler.
Mais quand la colère sera redescendue, je sens que la chute sera brutale.