Aujourd'hui, j'étais de mauvais poil. Comment ça j'étais tous les jours de mauvais poil ? Mensonge ! Calomnie ! Diffamation ! Faux et doublement faux, je suis un ange. J'avais été réveillé à une heure indue par le remplaçant de la remplaçante pour la maintenance de Rachel. Je ne sais pas comment cet idiot s'y est pris, mais Rachel bugua au moins 5 bonnes minutes dans un vacarme assourdissant. Sérieusement, était-il réellement compétant où avait-il effectué des manip lambda ? Quitte à choisir, je préférais encore la remplaçante habituelle. Elle était pénible, reloue et avait manqué de me noyer, alors que dans ma générosité légendaire je l'avais invité à se baigner avec moi, mais au moins, elle avait le mérite de ne pas me tirer du lit à 10h30 et faisait son taff correctement.

Donc déjà là, je me dis que la journée commence mal. Mais je suis forte, je me fis donc violence et me dirigeai vers la cuisine. Et là, le drame. Plus de Miel Pops. J'ai été contrainte de manger des biscottes avec de la confiture d'orange. À ce stade de la journée, je me suis dit que la journée était fichue.  Mais encore une fois, je suis forte, alors je me suis faite violence et j'ai été m'habiller après avoir ouvert le jardin à Ulysse. Isaac m'a dit que j'étais mignonne. Je l'ai pas cru. Il a insisté. Ça m'a énervée.

Ensuite, j'ai passé le reste de la matinée à me demander si je devais envoyer un texto à Brooke pour prendre des nouvelles. Isaac m'avait lu l'article de Plume machin chose, il y a une semaine, ça m'avait outré. J'avais dit à mon père de faire jouer ses relations pour faire virer ce journaleux. Il avait refusé. Ça m'avait vexé. J'en ai reparlé à Isaac, il a dit que j'en faisais une montagne. Pire, que j'étais amoureuse. J'ai nié. Il a insisté. Ça m'a saoulé.

Je vous épargnerai les gens bien relous du tram qui écoutaient leur musique trop forte et qui jouaient les outrés quand vous vous permettez de commenter ce qu'ils écoutent. Eh bien quoi ? Je suis désolée, mais One Direction à plein volume, c'est un crime. Mais bon, je l'ai fait chier, ça m'a amusé. Une petite grand-mère a même engueulé ceux qui me laissaient pas de place pour m’asseoir alors que je suis aveugle. Ça m'a fait rigoler.

Alors pour dire un bon gros fuck à tous les relous – la mémé mise à part, j'étais dans le parc avec Ulysse, assise sur un banc devant une allée et je m'amusais à lancer son pouic-pouic qu'il me ramenait à chaque fois. Brave toutou. Mon ami. Mon seul ami...

De temps en temps, je volais la vue des gens. Comme ça. Juste pour rire. Je lançais de nouveau sa balle à Ulysse. Hop, je revolais la vue à un cycliste qui se rétama dans l'herbe. Je pouffai discrètement. Ulyse venait de revenir. Je le caressais. « Bon toutou ! » Ah, tiens, je venais d'avoir une idée. Un type arrivait sur la gauche. Il avait une tête de prof. Genre, je l'imaginais trop prof d'un truc bien chiant. Les maths par exemple. J'attendis qu'il arrive à ma hauteur et hop, je lui lançais le pouic-pouic d'Ulysse dessus. Je rendis ensuite la vue à l'autre. Histoire de jouer mon aveugle innocente.

« Vraiment Louise, qu'est-ce que je vais faire de toi ? » me lança  Isaac, blasé. « Chut ! » répondis-je, à voix basse.

Ulysse était parti vers l'homme qui venait de se prendre son pouic-pouic sur la tête.

Tenue:

   
   

   

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Rahlala, je m'en voulais presque d'avoir rendu sa vue à l'autre, pour ne pas profiter du spectacle. Mais bon, il aurait commencé à s'inquiéter, aurait crié genre « oh mon dieu, j'y vois pluuuuuuus ! » –  que devrais-je dire, moi ?! – et pour finir un attroupement se serait formé. Bref, ça m'aurait gonflé. Je m'amusais donc à imaginer la scène : la balle de mon Ulysse échouant dans un pouic sur sa tête avant de rebondir et finir par terre. Oui, ça suffisait à me divertir, que voulez-vous, on s'amuse comme on peut quand on est aveugle.

Ah ! Merde ! Je n'avais pas vu – sans blague ! – qu'il avait un chien. Il devait l'avoir lâché sûrement lorsque je l'avais repéré avec mon don. Quelques aboiements me signifièrent qu'Ulysse avait fait la connaissance de l'autre. Le type sommait son chien de rester au pied. Attendez ! Une minute ! Il l'avait appelé comment ?! « Ulysse ! » lançai-je pour éviter que les deux ne fassent de bêtises ensemble. Si Ulysse savait s'amuser, les chiens d'aveugles étaient éduqués pour être attentif et obéissant envers leur maître. Il vint donc à moi et posa sa tête sur mes genoux pour me signaler sa présence. Je le gratifiais de grattouilles derrière les oreilles et cherchai de ma main sa balle qui ne se trouvait pas dans sa gueule. L'autre mec avait dû la ramasser.

D'ailleurs, il vint vers moi. « Ce n'est rien, mais rendez-moi sa balle. » fis-je, avec mon amabilité légendaire, tout en levant la main en direction de sa voix. Je fis exprès de ne pas mentionner le pourquoi du comment il avait eu la balle. Après tout, c'était censé être un accident indépendant de ma volonté.  « Merci. » le gratifiai-je quand même une fois qu'il eut posé la balle dans ma main. Je la posai ensuite à côté de moi. « Votre chien s'appelle Globule ? Sérieusement ? C'est pourri comme nom ! Pauvre chien. Il vous a fait quoi comme vacherie pour mériter cette punition ? » Je me tournais vers mon fidèle toutou. « Toi, il a la classe ton nom. Hein Ulysse ? »

Cependant, mon nez m'alerta bien vite que le mec était un fumeur. Je n'avais pas du voir non plus – chut ! – qu'il avait une clope. « Empoissonnez-vous si ça vous chante, mais préservez-moi et mon chien ! » lançai-je, indignée.

Oui, je suis adorable.

   
   

   

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Ah le bougre, le rustre, le goujat ! Comment osait-il sous-entendre qu'Ulysse ce n'était pas classe comme nom, hein ? Ulysse, c'est l'Inventif, celui qui accomplit des merveilles et puis retrouve sa femme. Ulysse, c'était l'Antiquité, les grandes épopées et les belles phrases. Et lui il sous-entendait que c'était pas classe ? Barbare !

Et c'était quoi ce « ouais, ouais pardon » ? Genre ouais ouais, pardon, mais j'en ai quand même rien foutre de ce que tu me dis ! Bonnn, je sentais plus rien, donc ma foi. Mais comme j'avais pas aimé son ton, je décidai de ne pas le remercier. Non mais ! Et d'où il qualifiait Ulysse de pauvre chien ? Ulysse était pas une victime, il était juste bien dressé, lui. Depuis tout à l'heure il geulait après son chien alors que moi, il me suffit d'un mot pour qu'Ulysse me rejoigne. Mais dans ma grande bonté, je pris sur moi de ne rien rétorquer. Parce qu'il m'aurait répondu et je lui aurais répondu de nouveau et ainsi de suite. C'est vrai à la fin qu'est-ce qu'il foutait encore à côté de moi ? C'est bon, je lui avais lancé la balle, ça m'avait fait rire, il me l'avait rendu, il pouvait partir.

D'ailleurs, il fit une remarque totalement con après que j'eus répondu « Oui. » à sa question. « Baaaah, maintenant vous savez. » fis-je d'un ton qui laissait transparaître que je trouvais ce commentaire useless. Sérieusement, que voulez-vous que je réponde à ça ?

C'est à ce moment que je reçus un message de ma mère. « Hey Grumpy, un message de ta mère : Coucou ma chérie ! Juste pour te prévenir que ce soir le nouveau greffier vient manger. Si tu pouvais éviter de lui dire, comme la dernière fois, qu'il empeste l'eau de Cologne en plein repas, tu serais bien mignonne de ne pas faire ta chieuse. Bisous. » informa Isaac. « Punaise Isaac, lis pas mes textos quand y'a un inconnu à côté. Surtout quand ma mère dit que je suis une chieuse ! – Oh ça, je pense qu'il avait déjà remarqué que tu l'étais. –  Pfff ! En plus c'est vrai, il empeste ce mec. Je suis sûre qu'il se verse le flacon sur lui, c'est pas possible autrement ! – Tu veux que lui réponde ça ? – Non c'est bon, merci, ça ira. Réponds rien. »

Tous, ils s'étaient tous liguaient contre moi aujourd'hui. Je continuais de caresser Ulysse, lui il était gentil avec moi.

   
   

   

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Ah non mais sérieux, il me lâchait pas le mec. J'allais finir par croire que c'était un violeur ou un type louche du genre. C'est vrai quoi, genre c'est normal de s'incruster comme ça auprès des inconnus et leur taper la discute ? Qu'est-ce que j'en avais à faire, moi, que ses parents étaient pas toujours très polis avec lui ? C'est pas comme si j'y pouvais grande chose. Je suis pas psy moi ! J'essaye déjà de gérer ma vie, je trouve que c'est déjà pas mal.

« Ouais, ouais. » Je voulais pas parler de mes rapports avec mes parents. J'étais moyennement à l'aise sur le sujet et puis, ça ne le regardait pas. Ses parents avaient peut-être pas toujours été fair-play, mais moi ils s'étaient débarrassés de moi en m'envoyant dans un Centre. Soit disant pour mon bien, évidemment. Que devrais-je alors dire ?! « Et sinon, vous tapez souvent la discute avec des ados que vous connaissez pas ? Genre narmol quoi. Je vais finir par croire que vous êtes un pervers ! »

Ah Grumpy, mon fameux surnom... S'il m'allait bien ? « Il paraît. J'ai l'habitude, vous en faites pas. Bon et sinon, à part embêter les jeunes filles aveugles, innocentes et sans défenses, vous faites quelque chose de votre vie ? » Innocente et sans défense... Ahah. J'avoue que ça m'amusait de dire que j'étais une gentille fifille. Même si je n'étais pas complètement sans défense avec Ulysse. Et puis, je pourrai vérifier ma théorie. Était-il prof oui ou non ?

   
   

   

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Cette fois, c'était à mon tour de rigoler. Je l'avais pressenti qu'il devait avoir un job bien chiantosse, mais alors là, vraiment, je riais. Prof d'astronomie, sérieusement ? « J'étais persuadée que vous faisiez un boulot bien chiant, mais j'savais pas lequel. J'en avais imaginé des tas, genre vous étiez prof de math ou de chimie ou un truc du genre. Mais alors là franchement, bravo, je vous félicite, vous avez réussi à me surprendre ! Prof d'astronomie et vous kiffez l'astrophysique ! Votre vie doit être passionnante ! Est-ce qu'on peut faire plus chiant que ça ? » fis-je, amusée. L'astronomie et l'astrophysique me semblait d'autant plus obscure que pour une aveugle, ces matières étaient particulièrement abstraites. « Remarque, je vous imagine bien faire chier vos élèves, oui. Étrangement ! » Quand je constatais avec quelle facilité il emmerdait une inconnue, aveugle en plus, je ne pouvais que l'imaginer saouler sa classe ! M'enfin, au moins, le fait qu'il soit bien prof, outre le fait de donner raison à mon intuition et donc me faire plaisir, me rassurait. Un prof ne serait pas un pervers en manque de petite fille fragile à abuser.

Quelle pique j'allais lui lancer ? « Oh, je ne sais pas. Vous y tenez tant que ça ? Je dois dire que c'est assez rare que quelqu'un ose venir emmerder la petite aveugle reloue que je suis. – Ah, tu es réaliste Grumpy, c'est bien ! – Chut toi ! Bref ! Sinon, je pourrai sortir mes papiers de l'immunité diplomatique, en général ça calme. Genre une fois, j'avais balancé le pouic-pouic d'Ulysse sur la tête d'un flic sans le faire exprès. Il était venu m'engueuler avant de subitement devenir tout mignon quand il a vu qui j'étais. Hein Ulysse, il a eu peur ! » Je grattouillais les oreilles de mon fidèle toutou, en me penchant vers lui, pendant ma dernière phrase. La vérité c'est que comme pour ce prof, j'en avais fait exprès, mais chut. Je me reconcentrai de nouveau sur le prof d'ailleurs.

« Ou alors, la magnifique montre... – Quelle flatterie ! Toi, tu vas me demander quelque chose. – Rah, tais-toi ! Donc je disais, la magnifique, mais néanmoins emmerdante montre, que vous voyez à mon poignet est un cadeau de Brooke. Enfin, Robot Rock quoi. Isaac peut faire toutes sortes de choses, comme prévenir Brooke pour qu'elle vienne vous botter les fesses si vous continuez à m'embêter. Par exemple. » Évidemment, c'est pas comme si j'allais vraiment le faire hein. Brooke devait être occupée et je n'allais pas la déranger pour si peu.

« Mais la bonne question est plutôt, pourquoi vous restez avec moi ? » C'est vrai ça, pourquoi il restait avec une gamine reloue comme moi ? À sa place, je me serais taillée en vitesse. C'était une vraie question hein ! Je me demandais vraiment pourquoi il m'avait pas laissé après la manière dont je l'avais accueilli. Je ne lui avais pas posé cette question méchamment. D'ailleurs, mon attitude n'avait rien de foncièrement méchant. J'étais juste grognonne, chiante et un rien mal élevée. Si peu ! J'étais égale à moi-même quoi. Grumpy, mais pas nasty.