HRP:

La représentation spectaculaire venait tout juste de se terminer et il semblait à Brooke que ses jambes menaçaient de ne plus la porter d’un moment à l’autre. Elle s’était beaucoup dépensée, mine de rien, avec tous ces étudiants et professeurs qui avaient participé à cet évènement organiser un peu sur le pouce avec l’accord du Directeur de l’établissement, Damage Greem. Rien n’aurait pu la mettre de meilleure humeur. Au moins, aujourd’hui, elle avait eu la sensation que son statut de Légende avait servi à quelque chose ; c’était revigorant. Ça changeait. Car concrètement, à part effrayer les criminels de bas étage, la Vaughan se demandait de plus en plus à quoi pouvait bien servir cette appellation pompeuse que l’État lui avait refilé – ce même organisme qui se faisait la masse d’argent sur son dos depuis près de quinze ans maintenant. Enfin, elle était médisante. C’est vrai que beaucoup de gamins froussards évitaient de faire des conneries lorsqu’elle était susceptible de se retrouver dans les parages. Ça cantonnait les hésitants sur de bonnes bases, tant mieux.

Mais là, elle ne pouvait pas encore se permettre de se relâcher sous une bonne douche chaude ou un bain revigorant – même si ça lui faisait grandement envie. Elle devait encore mettre en place son complexe système de surveillance, mis sur pied en un clin d'œil par ses soins, afin de sécuriser d’autant plus le complexe scolaire qu’il ne l’était déjà. Évidemment, elle n’avait pas pris cette décision à la va-vite et avait pris soin de consulter le dirlo avant toute chose. Comme ils étaient tombés d’accord, en bon adultes qu’ils étaient, la voici partie pour une bonne nuit d’installation, au minimum. Elle visualisait déjà son futur petit déjeuner avant d’aller se coucher, harassée par le boulot.

Elle se tapota une joue en essayant de penser davantage sur le très court terme. Soit, les minutes qui allaient arriver. Archimède lui indiqua qu’il serait sans doute bien plus profitable de commencer par le sommet de la tâche pour redescendre graduellement. De toute manière, elle avait tout son temps et pouvait rester aussi longtemps qu’elle le souhaitait. Autant pallier au plus vite, rapidement. Elle fit craquer sa nuque et grimpa donc jusqu’à l’Observation, lieu où elle pourrait sans doute installer pas mal de ses mini-caméras – présentement enfermé dans l’attaché-case qu’elle portait fermement.

Franchement une porte qu’elle venait d’ouvrir sans trop se poser de question, une voix l’arrêta dans son mouvement. Pardon ? Elle ? Un ventre sur pattes ?… Certes, il lui arrivait de faire preuve de gourmandise, mais elle espérait que ce péché-mignon ne se voyait pas au point qu’on la désigne de la sorte dès les premières approches ! Ses yeux grands ouverts fixèrent longuement la personne qui venait de lui lancer cette réflexion. Un professeur, tient donc, ça pour une surprise. EN plus, il lui semblait avoir déjà vu son visage, plus tôt dans l’après-midi. Etait-il à son show ? Peut-être. En tout cas, maintenant que le calme était de nouveau maître des lieux, la Légende avait bien plus l’occasion de laisser aller son sens de l’observation aiguisé.

Elle s’avança dans l’antre de cet homme avec un léger sourire aux lèvres, tout en prenant bien soin de refermer la porte derrière elle, question de politesse, bien évidemment.

« Moi de même, Monsieur Howl. Navrée de vous déranger, mais je suis ici pour installer un système de sécurité. Je ne vous empêche pas de vaquer à vos occupations j’espère ? »

Car oui, ça l’aurait embêté que cet individu ne puisse pas rentrer chez lui à cause de sa présence en ces lieux. Il devait avoir une famille, sans doute, avec une femme et un enfant. Ou un compagnon, chacun ses gouts et ce n’était certainement pas la Vaughan qui allait trouver à redire. En tous les cas, il était très certainement attendu par une tierce personne qui n’allait pas apprécier qu’il prenne du retard, Légende intempestive ou pas.

Spoiler:

Oh, alors, ce professeur venait d’avouer que la démonstration de robotique avait été un succès total. Tant mieux, Brooke se sentait ainsi un peu plus assurée qu’elle ne l’avait été jusque-là. Après tout, organiser des shows pareils, c’était davantage la compétence de Strider que la sienne, alors pour une fois qu’elle osait, il lui fallait avouer être soulagée d’en apprendre la meilleure critique possible. Un sourire bref vint éclaircirent les lèvres de l’héroïne alors qu’elle écoutait les paroles de l’astronome. Il avait l’air vraiment sympathique et elle se demandait si la perspective de partager un café avec lui serait envisageable, histoire de ne pas passer tout son temps à travailler – même si vu l’actuel contexte il était compliqué d’agir autrement. Enfin, si personne ne menaçait de vouloir l’étriper derrière, car bon, des attaques de groupies, elle en avait déjà essuyé et ne tenait pas à remettre le couvert de sitôt. Jamais, enfaite. A vrai dire, plus on laissait en paix et mieux Brooke se sentait.

Une proposition de son alter-égo la fit sortir de sa rêverie. De l’aide ? Eh bien, le moins que l’on pouvait dire, c’est qu’elle était surprise. Et pas qu’un peu. La Vaughan n’avait pas l’habitude de recevoir de l’aide. Il y avait plusieurs explications tout à fait rationnelles à ça, en plus. La première, c’était qu’elle avait l’habitude –ou la sale manie, à vous de voir ce que vous préférez – de bosser toujours toute seule, enfermée dans son atelier, loin de la lumière du jour. De facto, non seulement nul n’osait venir la voir pour la solliciter ; ou alors la porte de son antre était tout bonnement verrouillée et la musique à fond dans ses oreilles achevait de la couper du monde extérieur le temps de ses bricolages en tout genre. D’autre part, à chaque fois qu’elle avait travaillé avec une tierce personne, ça s’était soldé en un profond ennui pour elle. Elle avait cette impression, assez, exagérée, qu’elle savait réfléchir beaucoup plus vite que la moyenne des gens « normaux ». Et c’était frustrant, parfois. Elle n’avait pourtant pas la prétention – ou même la sensation – d’être plus dégourdie que les autres.

Alors c’était quoi, le souci, au final ?

Voyant Howl sortir une cigarette, elle s’apprêtait à lui en demander une – en échange d’un rendu la fois prochaine bien sur- mais il rengaina le bâtonnet de nicotine. Elle voulut donc lui faire savoir qu’il n’était pas en tort, le moins du monde !

« Oh, ne vous en faites-moi, je suis fumeuse moi aussi et-
-Oui, Madame et justement, vous aviez promis d’arrêter.
-Archi’ ! »

Et voici l’intelligence artificielle qui se réveillait. Il avait toujours le chic pour intervenir au moment où l’on s’y attendait le moins. Ainsi, un hologramme de majordome au design assez âgé apparu à côté de Brooke, pixellement vêtu d’un uniforme très classique de serviteur du siècle dernier.

« Bonsoir, Monsieur Howl, je me présente, Archimède. Je suis l’entité artificielle créée par Madame ici présente. Je ne vous sers pas la main car cela m’est malheureusement impossible, mais sachez que le cœur y est. »

C’était étrange d’entendre Archimède employer de tels mots, mais après tout, il avait toujours été un produit évolutif du travail de Brooke et ne cessait de l’étonner, parfois pour trois fois rien.

« Vous sentiriez vous capable de brancher de l’électronique de pointe, Monsieur ?
-Voyons Archimède !
-Oui Madame ? Ne serait-il pas temps que nous nous mettions au travail ? Car j’ai cru remarquer une certaine latence, chez vous.
-Dis donc toi ! »

Ça lui arrivait souvent de se prendre un peu la tête avec sa machine, mais ce n’était jamais bien méchant. Aussi, elle ouvrit sa mallette et en sortit consciencieusement les petites caméras qui allaient lui servir à protéger cet endroit.

Le moins que l’on pouvait dire sur ce professeur, c’est que derrière ce masque impassible du prof désintéressé et blasé, il se dissimulait en réalité un homme pouvant, apparemment, donner beaucoup d’énergie à une cause dans laquelle il souhaitait s’investir pleinement. Ceci fit bien sourire la Légende qui sentait les prochaines heures un peu moins lassantes, tout à coup. Travailler seule chez elle était une chose, mais devoir réitérer ce fait après un tel spectacle, à l’apogée de sa motivation, ce n’était pas une bonne chose. Elle ne voulait pas se sevrer de compagnie immédiatement. En plus, il la mettait à l’aise, dans une certaine mesure. Ne rien dire à propos de ses cigarettes ? Ah ah, elle avait une tête de flic ou bien ?

Bon, okay, dans les stricts faits, elle aurait dû lui dire que c’était mal ce qu’il faisait. Mais non. Parce qu’elle n’était pas là pour faire la loi ou pour imposer un dictat à tout le monde ; elle s’échinait déjà autant que possible face aux bandits et aux malfrats qu’elle devait pourchasser un peu partout pour le bien des populations. Elle estimait qu’après sa performance, elle avait bien besoin de se poser un peu. Aussi, c’est presque distraitement qu’elle répondit vaguement à l’enseignant.

« Vos habitudes ne me regardent en rien, n’ayez crainte. »

Dans le même temps, elle extrayait les inventions qui devaient, en théorie, lui permettre de conserver le statut de sureté de cet établissement. Elles ressemblaient vaguement à des galettes métallisées. Tenant dans la main, faisant à peine cinq centimètres de diamètre, elles étaient toutes surmontées d’un petit bouton de couleur vive. Brooke en prit dans ses mains et en amena à son nouveau collègue improvisé. Les posant devant lui, elle lui expliqua rapidement de quoi il retournait.

« Il vous suffira juste de les prendre, de les poser à un endroit quelconque puis d’appuyer sur le petit bouton que vous voyez là. Elles continueront ensuite leur installation en automatique. »

Brooke ou l’art de toujours déléguer le travail aux machines. Elle ne se rendait même plus compte que c’était devenu une sorte d’habitude, chez elle, depuis le temps. Aussi, ça ne la choquait plus vraiment. Toutefois, elle avait déjà reçu des lettres anonymes d’opposants farouches à ses méthodes et ses nanotechnologies. Elle n’en tenait pas compte, cela dit.

Tournant les talons, elle entama sa propre partie du travail, discutant un peu avec Archimède parfois. Les cliquetis des robots miniatures se mettant en action occupèrent un peu la pièce un instant, tel un essaim d’abeilles furieuses, avant que le calme ne reprenne le dessus sur tout ce bazar. Afin de ne pas passer pour une perturbée – quoi que…- la Vaughan se dit qu’elle devrait peut-être engager elle-même un nouveau sujet de conversation. Quand bien même ce n’était guère son terrain de prédilection.

« Et sinon, ça fait longtemps que vous êtes là ? »

Parler boulot, tient, la chose la plus intelligente à faire après le travail, bien entendu. Ah ah. Quelle imbécile elle pouvait être, tout de même.

Oh, alors il était dans l’établissement depuis sa mise en service ? C’était là une très bonne chose, car ce simple fait pourrait débloquer un tantinet la situation. Brooke n’avait pas encore assez de micro-caméras pour subvenir à la totalité des besoins de cette école pour le moment ; il lui faudrait repasser, peu importe la manière dont elle tournait la chose.

Ainsi, se faire édicter par une personne faisant presque partie des meubles maintenant, les positions les plus à même de convenir au placement des bijoux technologiques ne pouvait être que de bonne augure. Et puis bon, à entendre ce professeur, il ne devait pas être l’un des plus vindicatifs ou même spécialement méchants. Le dialogue qui passait bien était en soit une preuve incontestable que son caractère et celui de la Vaughan n’était pas en total désaccord – ce qui était déjà arrivé par le passé ! Elle sourit tout en enclenchant certaines des puces électroniques de ses appareils, la fatigue étant maintenant bien moins ancrée en elle qu’auparavant.

Sans doute le dialogue que l’homme tentait d’établir aidait grandement à la maintenir éveillée. Elle n’avait pas trop l’habitude de faire la conversation avec une même personne très longtemps ; ayant la fâcheuse habitude de se retrancher régulièrement dans son atelier avec ses machines en tout genre pour seule compagnie tangible. De temps à autre, un peu de social ne lui fait pas de mal, pas vrai ?

« Il n’y a pas de mal, on peut se tutoyer, je me suis juste habituée au fait de ne pas paraitre trop familière avec les personnes que je ne connais pas, c’était un vilain défaut que j’avais autrefois… »

Elle prit une inspiration, le temps de mieux se cambrer pour disposer une caméra dans un coin indiscernable.

« Et pour répondre à ta question, non, tu n’es effectivement pas le seul que je connaisse ici. Camille fait partie de mes plus proches amies à mon sens, et j’ai déjà eu l’occasion de côtoyé un dénommé Serren. Au niveau des élèves, j’en connais quelques-uns, également. »

Elle n’allait pas déballer la liste complète maintenant, c’aurait été désuet au possible. Terminant sa manipulation, la Vaughan sauta de la table ou elle avait grimpé, fit craquer un peu son dos et continua complétement dans son sujet.

« Et sinon, Eric, tu saurais me dire ou se trouve les endroits les plus prioritaires à surveiller, ici ? Je repasserais plus tard, mais j’ai un nombre de caméras limités pour le moment été je souhaiterais établir un champ de surveillance aussi large que possible… malgré mon manque de ressources actuel. »

Elle fit alors apparaitre un écran holographique représentant en trois dimensions l’école dans toute sa précision. De petits points rouges apparaissaient dessus, signe que les caméras étaient déjà en service.

Elle demanda à Archimède de scanner une nouvelle fois les lieux entiers avant de voir apparaitre des zones clignotantes sur l’écran vert pâle devant ses yeux. Toujours avec un sourire aimable, elle enchaina ;

« Alors Eric, d’après toi, de toutes ces zones à risques, lesquelles sont les plus importantes ? »

Il fallait avouer une chose, la rousse se sentait détendue. Elle avait un peu appréhender de ne plus savoir quoi dire en entrant dans une conversation de ce genre, mais finalement, tout avait coulé tout seul, sans qu’elle n’ait besoin de se creuser la tête à savoir quoi répondre. Brooke est une personne cordiale, aimable et qui ne prend pas la mouche facilement, mais elle conservait tout de même une petite pointe de méfiance envers les gens qu’elle n’avait pas l’habitude de côtoyer. Comme Eric, par exemple. Et pourtant, leur échange s’était immédiatement orienté sur le travail, plus ou moins. Pas la peine de baliser, donc, la Vaughan maitrisait parfaitement le sujet.

Et puis ça la changeait un peu de voir qu’une tierce personne ne rechignait pas trop à s’occuper de ses petits bijoux technologiques. Généralement et malgré tout le respect qui lui était dû, elle avait bien ce qu’on pouvait être amené à penser d’elle ; soit, qu’elle était bizarre, voir déjantée. C’est vrai après tout, qui irait considérer des machines comme des êtres vivants ? Personne. Sauf que Brooke n’est pas personne. Brooke prend soin de ses créations car elle les a conçu seule. Ce sont ses bébés, quoi que peuvent en dire les autres. Et pour la première fois depuis longtemps, autrement que dans le regard de ses fans, elle ne se sentait pas différente. Quand bien même elle s’en fichait éperdument, c’était tout de même une petite consolation dans tout ce foutoir actuel.

Le professeur argumenta l’orientation sur les salles de classe. Effectivement, c’était l’endroit le plus vulnérable à traiter en priorité, d’après les relevés d’Archimède. Il proposa même de passer par la salle des profs pour prendre un café. Pourquoi pas ?! Ca les tiendrait éveillés au moins le temps de terminer l’opération – qui, de toute façon, ne s’éterniserait pas des masses vu le nombre de micro caméras qu’il restait en stock…

« Un café ne sera pas de refus je dois dire. » dit-elle, avec la plus grande gentillesse dont elle était capable.

Archimède stoppa ainsi l’hologramme et ne dit plus un mot également. La Légende suivit sans broncher l’Astronome, en direction du couloir le plus proche. Quelques secondes de silence se mirent à planer, simplement perturbées par le bruit des talons percutant le sol. Et puis…

« Je suppose qu’il soit y avoir un couvre-feu ici, vu le Pensionnat tout proche. A quelle heure s’applique-t-il ? »

Elle ne savait pas trop pourquoi elle avait demandé ça. Souci professionnel, sans doute.

Bien, elle savait maintenant à partir de quand un individu suspect pourrait avoir l’audace de vouloir rentrer dans cet établissement. L’heure du couvre-feu était propice à ce genre d’infraction. C’était peut-être cliché formulé ainsi, mais il s’agissait là d’une pure vérité. Comme quoi, les studios d’Hollywood ne se basait pas toujours uniquement sur du flanc. Il fallait maintenant qu’elle prenne en compte toute la zone qu’elle n’avait pas encore pu sécuriser avec ses petites caméras et qu’elle revienne demain pour réparer cette erreur de parcours. Ça ne lui ressemblait pas d’être si tête en l’air. La prochaine fois, elle prévoirait bien à l’avance. Il faut dire qu’entre ça et le « show » ayant eu lieu quelques heures avant, ça faisait beaucoup à concilier. Elle n’était qu’à moitié fautive sur ce coup-là et le savait bien mais… ça l’embêtait tout de même, au fond. Elle était une Légende, elle moins qu’une autre avait le droit à la bavure de parcours. Et pourtant elle en avait déjà fait tellement…

Raison de plus pour ne pas continuer davantage.

Et heureusement qu’elle n’était pas toute seule ce soir. Archimède, même s’il avait son caractère, savait mieux que personne ce que la solitude pouvait faire comme ravage dans ces cas-là. D’ailleurs, il lui envoya une très brève et faible décharge électrique dans son poignet, histoire de lui faire remarquer qu’on était en train de lui parler. Parfois, elle agissait vraiment comme l’adolescente qu’elle n’était plus. C’en était navrant. Surtout maintenant. Par le ciel, elle capta tout ce qu’il fallait de la phrase en question pour comprendre ce qu’on lui demandait exactement. Elle eut un petit rire gênée, de peur de paraitre prétentieuse, ce qu’elle ne souhaitait pas. Même si dans certains cas, ça faisait tout de même du bien.

« Ah, non pas vraiment en fait. La première, oui, bien sûr, le temps de faire les réglages et cetera… mais après, c’est surtout un puzzle toujours similaire. Plus j’en fais et moins ça me prend de temps. Et puis j’ai mon super assistant Archimède avec moi ! Du coup, ça avance toujours vite et bien sans que j’ai trop à souffrir de la répétition. Par contre je songerai bien à proposer à Damage l’installation d’une intelligence artificielle ici… Comme la mienne, qui pourrait vous protéger tous… Enfin, je l’espère. »

Enfin, pour une personne comme elle, ce charabia devait peut-être dire quelque chose mais pour un individu lambda comme Eric, ce n’était peut-être pas aussi clair que de l’eau de roche.

On lui avait déjà fait la réflexion, que ses discours devaient surement être passionnants… si on en comprenait la substance. Ce qui était rare venant de cette droguée à la caféine et aux nouvelles technologies.

Le sacro-saint café ne se fit pas recevoir avec animosité, bien au contraire, justement. Elle en avait bien besoin après cette journée. La fatigue c’était envolée mais le doute demeurait, lui, ce qui n’était pas moins éreintant. Pour clore le débat, l’astronome se mit à l’interroger sur un sujet un peu plus ouvert et bien moins confiné à l’univers robotique. Ça faisait du bien d‘avoir une conversation normale, sans stress ni rien.

« Eh bien… Non, pas vraiment. Mais je ne suis pas tous les jours en déplacements car heureusement pour moi, les criminels connaissent eux aussi des accalmies et ne tentent pas le diable tous les jours ! Je dois dire que je n’ai pas d’étudiants à gérer non plus. Enfin, pas encore. Du coup mes journées sont sans doute plus reposantes que les tiennes, je pense. Non ? »

Elle prit une gorgée de sa boisson chaude.

« Pas mauvais ce café. Merci. »

Un peu industriel dans l’arôme, mais ça restait satisfaisant. Et puis, elle souriait.

HRP:

Il est vrai, Brooke ne voudrait pas échanger sa vie contre une existence moins soumise aux pressions. Certes, il y avait des moments plus difficiles que d’autres à encaisser, mais c’était là le revers d’une rutilante médaille. Il n’y avait pas à se plaindre. Les autres Légendes, qu’elle considérait comme ses frères et ses sœurs, n’auraient pu être remplacés par quoi que ce soit. Eux l’aidaient à supporter l’absence de sa fille. Et ça, ce n’était pas négligeable. Pas le moins du monde. Alors elle comprenait parfaitement ce que pouvait ressentir Eric dans ce genre de cas. La Heore’s, comme une grande famille… Ça ne fit que confirmer ce qu’elle pensait déjà. Cette école était une très bonne chose, malgré tout ce que pouvait en dire Strider ou certains membres des hautes-sphères, dont les bruissements revenaient continuellement à ses oreilles. Certes, elle pouvait paraitre dangereuse par certains points, cette bicoque remplie de génies d’un autre genre, et après ? Tant que les étudiants étaient bien encadrés, ou était le problème ?

En tout cas, Brooke n’en voyait pas. Mais peut-être qu’elle n’était pas tout à fait objective non plus. Après tout, elle était comme eux et n’irait donc pas se traiter elle-même de monstre, c’aurait été stupide au plus haut point, non ? Elle termina d’une gorgée le fond de sa tasse de café et jeta habilement le gobelet un peu plus loin, dans une poubelle.

« Ahah, but ! » s’esclaffa-t-elle, plus pour elle-même que pour l’assemblée.

Puis elle réalisa l’imbécilité de son action et toussa un peu pour s’éclaircir la voix. Même si c’était un peu tard, maintenant, pour faire comme si de rien n’était.

« Ah… Pardon. »

Elle ne faisait plus vraiment attention, c’est vrai. Souvent, lorsqu’elle passait des nuits entières dans son atelier, elle lançait des canettes et bien d’autres choses encore de cette façon, pour relâcher la pression et se détendre un peu. C’était une méthode de bout de ficelle, mais l’habitude est vite conservée dans ce genre de cas.

Au final, le silence se faisant, elle eut l’idée de prendre un peu de temps pour elle, après cette rude journée de travail. La fatigue s’était comme évaporée – même s’il n’y avait que peu de chance que ce soit à cause du café fraichement avalé – alors autant en profiter un peu, non ? Et puis tant qu’elle y était, elle poussa le culot un peu plus loin encore.

« Tu fais quelque chose, là ? Sinon on peut toujours aller marcher en ville ou trouver un troquet encore ouvert à cette heure ! C’est moi qui t’invite ! »

Oui, vraiment, elle se prenait de sympathie pour cet individu.

Mais pourquoi lui plus qu’un autre ? C’était étrange, comme sensation.