Aujourd'hui, j'ai décidé de sécher le travail. Pourquoi ? Parce que j'en avais envie. Ou plutôt, parce que je n'avais pas envie d'aller là-bas...à mon travail. Ce n'est pas que je ne l'aime pas, au contraire, c'est sans doute le meilleur travail que je pouvais trouver. Être seul à longueur de journée, ne se préoccuper de rien d'autre que de mes très chères plantes, choisir les horaires dont j'ai envie, regarder cette putain d'humanité s'auto-éliminer. Pour moi, c'est sans doute ce que je pouvais trouver de mieux. Mais il y a un problème de taille.

Je hais les humains.

Et je travaille dans une école. L'un des pires endroits de concentration humaine.

Ça fait bien trois ans que j'y travaille. Je m'occupe du jardin là-bas... Je me suis habitué, d'une certaine manière. Au moment des grandes affluences, je vais m'occuper des coins les plus isolés, là où aucun de ces foutus humains ne va. Le problème, c'est pendant les heures de cours. Il y a toujours des putains de sécheurs qui viennent dans le jardin pour glander. Des fois je les supporte. Quand ils restent loin, très loin de moi. Des fois je les menace avec mon taser. La plupart me foutent la paix de suite. Mais il y a des cons partout. Et ceux-là je les électrocute. Mais ce stupide directeur n'approuve jamais...

Aujourd'hui, j'ai décidé de sécher le travail. Alors plutôt que d'aller bosser dans le jardin de l'école et supporter tous ces putains d'élèves, et plutôt que de rester dans mon appart' au plafond trop bas à me faire chier comme une algue morte sur une plage du sahara, je suis allé dans le parc. J'ai réquisitionné une parcelle rien que pour moi là-bas, dans un coin complètement isolé. Et je vous emmerde tous si vous me dites que ce n'est pas légal. Le gardien m'y a autorisé, et peu importe qu'il y est eut des menaces à l'appui.

Donc voilà, plutôt que d'aller travailler, je vais passer ma journée à m'occuper de mes très chères fleurs que j'ai planté dans le parc. Loin de toute forme de vie humaine. Je serais enfin seul...

J'arrive devant mon jardin. Enfin.

Je m'installe devant mes fleurs et commence à les examiner tout en leur parlant.

"Heureux de voir revoir... Oui, vous aussi vous m'avez manqué... Je sais... Pas envie... Tout va bien pour vous ?... Je vois... Ces imbéciles, aucun respect... Si seulement ils pouvaient disparaître pour toujours... Oui, oui, je sais... Je sais ça aussi... Connerie... Qu'ils aillent tous se faire foutre !... Oui... Oui... Oui... D'accord..."

Je commençais finalement à m'occuper de mes plantes. Certaines avaient soif, d'autres avaient besoin d'être tailler ou redresser. Et bien évidemment, je continuais de leur parler. J'aimais beaucoup leur parler. Elles étaient de compagnie très agréable, et pouvaient toujours m'apprendre des choses qui me seraient utile plus tard. De plus, parler à une plante lui permet de bien se développer. Et je veux que toutes mes chères fleurs soient en bonne santé.

Quand je suis concentré sur mes fleurs, presque plus rien ne peut m'atteindre. Plus rien d'autre qu'elles n'existent et j’oublie ce qu'il y a autour de moi. C'est pour ça que je suis surpris lorsque quelque chose vient s'écraser contre mon dos. J'allais me retourner pour voir qui m'avait déranger -sans doute encore un de ces sales gosses baveux qui se croient le maître du monde pour l'unique raison que son papa est un haut placé...ah, voilà bien l'une des raisons de la chute de l'humanité ; l'héritage- lorsqu'un narcisse m'informa qu'il ne s'agissait que d'un simple lapin. Je retournais à mes plantes à cette information.

Je haïssais les humains. C'était viscéral. Mais je n'avais rien contre les animaux. Certes, les humains sont des animaux, surtout si l'on regarde à l'échelle de l'Histoire. Mais pour moi, ils ne sont rien d'autres que des parasites, des nuisibles qui doivent tout simplement disparaître. Pour toujours de préférence.

Enfin bref, je ne faisais pas plus attention que ça au lapin et retournais à mes plantes. Et tout cela au dut s'arrêter là si quelqu'un n'avait pas décidé d'ouvrir la bouche, interrompant une nouvelle fois sa conversation.

"Euh, à qui vous parlez ?"

Je me fige. J'avais fuit l'école pour ne pas avoir un -voire plusieurs- putain d'élève sur le dos, mais apparemment quelqu'un avait décidé que même comme ça, il y aurait un chieur pour m'interrompre à tout bout de champs. Je sors mon taser et regarde autour de moi, près à griller le premier humain que je verrais, et qui était sans doute la personne suicidaire qui avait posé cette question. Et je me fous que cela puisse être considéré comme une agression. Je plaiderai la légitime défense de ma tranquillité.

"Et...Elles vous répondent ?"

Je me tourne vers la provenance de la voix, taser à la main. Je fais sans doute une tête de tueur en série mais je m'en fous. Y a des limites à ne pas franchir.  Je m'attendais à voir un humain, et plus précisément un putain de mioche baveux incapable de quoi que ce soit sans papa et maman, et que vois-je à la place ?

Un lapin.

Sans doute celui qui m'est rentré dedans. Un lapin en train de grignoter tranquillement un bout de feuille. Mes plantes m'informent que c'est bien ce lapin qui m'a interrogé. Tiens donc, encore un animal parlant...d'abord un loup, maintenant un lapin. Je remarque que ledit lapin s'est aperçu que je le fixais et il recule.

Je soupire et range mon arme. Je sens que cette journée va être longue. Et je sens que je vais regretter ce que je vais faire, mais tant pis. Au pire, s'il devient trop chiant, je le grille. L'arme rangée, je tends la main et saisi l'animal par la peau du cou et le rapproche.

"Je parle aux plantes qui se trouvent ici. Et oui, elles me répondent."

Non, je n'ai aucun problème à parler à un animal. C'est lui qui m'a parlé en premier après tout.

"Et toi ? Qui es-tu et comment se fait-il que tu puisse parler ?"

J'avais le lapin dans une main. Lapin qui ne semblait pas spécialement rassuré. Bah, je suppose que c'est normal, je le pendouille à 20 cm du sol...mais tout de même. J'en avais croisé des lapins et si j'avais bien compris une chose sur eux, c'est qu'ils ne sont TRÈS farouche. Et celui-là...ne l'était PAS. Pas. Du. Tout. Et en plus il parlait...

Sur quoi je suis encore tombé?

"Attend? Tu me comprends? C'est bien la première fois..."

Ah tiens. Il est passé au tutoiement. Mais passons. Étrangement...je ne suis pas convaincu. Si c'est bien la première fois que quelqu'un te comprends, pourquoi tu m'as parlé, hein? Un lapin menteur, c'est bien ma veine!

"En fait, je me suis vu doté de cette capacité de communication depuis que je suis un tout jeune lapereau. Mon désir immense de vouloir parler comme mes parents humains m'a permit de parler comme eux."

Bien. C'est un lapin domestique. Ça explique en partie pourquoi il n'est pas méfiant. Mais reste la parole...y a quelque chose qui cloche. Définitivement. Quand bien même les humains de cette planète ont fais les cons avec leur génétique et se retrouve avec des "super-pouvoir", je reste septique devant...un lapin. Quant à ce qui me concerne, je ne communique qu'avec les plantes. Donc...

Je soupire et secoue un peu le pauvre animal qui est toujours entre mes doigts.

"Permet-moi de ne pas être convaincu par ton explication. Soit, je parle aux plantes, mais ça ne signifie pas que je parle aussi aux animaux. De plus, je doute aussi beaucoup qu'un animal, surtout un lapin, même s'il y a bien pire, puisse apprendre à parler, simplement par la volonté."

Je rapproche le lapin de mon visage et le regarde attentivement.

"En outre, supposant qu'un animal puisse parler, le seul autre mammifère avec qui j'ai eut une conversation était un loup. Et plus précisément, une divinité, un dieu qui squattait le corps d'un humain. Quand bien même les humains soient doté d'une puissante imagination, je ne pense pas qu'il existe un dieu lapin quelque part. En revanche..."

Je le regarde avec suspicion.

"...je ne serais pas étonné qu'avec toutes leurs putains de manipulations génétiques et autres, certains humains soient capable de se transformer en animal. Donc, je repose ma question, qui es-tu et pourquoi peux-tu parler? Et pas de mensonge cette fois!"