Attrape-le si tu peux /PV Kei/

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Encore perdue… Cela faisait trois fois qu’elle passait par cette rue. Les indications de son patron étaient toujours aussi illisibles. Et le plan de la ville ? Inutile. Ou alors elle le prenait à l’envers, ce qui était fort probable.

En parlant de son patron, c’était quoi encore cette livraison dans ce quartier aux allures douteuses ? Elle se souvient encore de son premier jour, lorsqu’il la briefa sur le job. « Le matin la livraison des journaux te fera parcourir la ville de long en large. T’apprendra à la connaître vu qu’t’es une newbie ici et dans le milieu. Le week-end, c’est autre chose. Tu vas où j’te dis et tu dois respecter quelques règles. 1. Ne jamais ouvrir les paquets que tu livres. 2. Arriver à l’heure et ne jamais rester plus de cinq minutes avec le client. Et 3. Tu ne dois jamais accepter d’argent. C’est moi qui te paye. Tu ne t’occupes que de livrer et rien d’autres. C’est plus sûr comme ça. Mais bon, au moins, tu sais déjà te défendre. »

Il était louche, y avait pas à dire. Mais il semblait bien s’occuper de son business et de ses employés. Il lui avait fait passé un de ces interrogatoires ennuyeux à mourir. C’était peut-être plus une volonté de sa part, de pimenter sa vie en se frottant avec plus loubard que lui. « Le charisme, le danger, le pouvoir. Ca les fait toutes tomber. » répétait-il avec un rire graveleux. Encore un avec un ego surdimensionné et en quête d’attention.

Pragmatique, Sasha acceptait la situation puisque ce boulot lui offrait un petit peu de liberté et était plutôt simple… Du moins quand elle ne perdait pas du temps à se perdre.

Sasha leva la tête vers le ciel. Des nuages sombres s’amassaient petit à petit. Il allait pleuvoir. La jeune femme remarqua l’escalier qui longeait la façade d’un immeuble en brique rouge. Et une idée germa dans son esprit. Peut-être que prendre de la hauteur l’aiderait à se repérer ? Pourquoi pas.

La jeune femme grimpa l’escalier en ferraille rouillée et atteint le sommet de l’immeuble. Quelques rayons de soleil s’obstinaient encore à vouloir percer les nuages. L’or et le gris avaient mené un duel sans merci pendant toute la journée. Mais la fin en faveur des masses nébuleuses était proche. Sasha se déplaça sur le toit en gravier sur lequel quelques mauvaises herbes avaient pris racine. D’abord pour admirer la vue sur la ville qui se déroulait sous ses yeux. Cette vision lui rappela ce qu’elle avait ressenti lors de sa fuite, lorsqu’ils étaient montés en haut de cette tour. En regardant d’en haut le monde dans lequel on vit, un sentiment violent nous agresse, même si on le refuse. Une émotion créée par une vue plongeante. À perte de vue.

La vue que l’on a d’un endroit surélevé est grandiose. Même un décor ordinaire y paraît magnifique. Mais elle l’avait remarqué… Qu’une vue trop large créait une frontière entre le monde et soi. Alors pourquoi ne pas piétiner cette frontière ?

Sasha sauta sur le rebord et s’y déplaça, telle une funambule insouciante face au vide qui la narguait plus bas. Elle en oublierait presque la raison de sa venue ici. Mais un son reconnaissable entre tous parvint à ses oreilles distraites.

- Miiaaww…

Le temps qu’elle en identifie la provenance, le miaulement eut l’occasion de résonner encore deux fois. Le chat était coincé en contre-bas, entre la gouttière et ce qui semblait être un trou dans le mur.

- Bah alors, on a été tenté par un nid d’oisillons…

Sasha se pencha en avant le bras dans le vide, tentant tant bien que mal d’attraper la boule de poils.

- A… Allez viens paar-là…

Tout d’un coup, la funambule était beaucoup moins confiante en ses talents, la gouttière compliquant la tâche, d’autant qu’un bout du rebord déjà instable s’écroula. Sasha glissa un peu plus en avant, diminuant grandement sa prise qui lui aurait permit de remonter le félin audacieux.
Son pied glissa à nouveau sur le gravier humide. Mais dans l’élan, elle chopa le chat puis…

Oh mon dieu. Kei, cette fois-ci, t'as fait le con.

Voilà ce que se ressassait le chat gris, actuellement coincé entre une gouttière et la corniche d'un bâtiment. Le pourquoi du comment de cette idiotie était simple. Trop simple. D'une simplicité étonnante.
Kei, comme à son habitude, errait dans les rues de la ville. C'était une activité qui ne l'ennuyait pas, comme certains auraient pu le croire. Ou plutôt tout le monde. Mais les chats ne passaient-ils pas leur temps à errer? Ainsi, mains dans les poches, il arpentait les rues de la cité, sans but aucun. Jusqu'à ce qu'il arrive à la gare. Là, il sourit. Le quartier de la gare était un endroit où les bâtiments étaient proches les uns des autres. Parfait pour un petit jogging félin en hauteur.
Arrivé en haut des escaliers rouillés, le garçon apprécia le délabrement partiel des toits. Si la gare en elle-même était bien entretenue, les alentours... Etaient douteux. Enfin, comme pour tous les "Quartier de la Gare", la population qui vivait autour n'était pas vraiment... aisée. Il haussa les épaules. En fait, il n'en avait rien à faire, ça l'indifférait totalement. Et ça donnait un goût de challenge à ce petit footing. Kei haussa un sourcil, une idée germant dans son petit crâne. Et pourquoi pas... Son sourire découvrit toutes ses dents. Bien sûr que si ! Autant rajouter un peu de piquant, et essayer la once le plus longtemps possible.
Satisfait de son idée, et se disant que la journée serait excellente, le garçon commença à se métamorphoser, pour se retrouver en une once au poil beige parsemé de tâches noires. Lâchant un petit son guttural, l'animal entama une course, grimpant sur tout ce qui était possible, courant sur les endroits les plus étroits.
Vint le moment où il fallut passer d'un toit à l'autre. Prenant de l'élan, l'once galopa et sauta dans le vide. Il se rendit compte du problème au milieu de son saut, lorsque le vide était total en dessous de ses pattes. Kei ne tiendrait pas plus longtemps sous cette forme. S'il redevenait lui-même, c'était la chute assurée. L'once rapetissa pour devenir un chat, dont les pattes avant s'accrochèrent à la gouttière du mur d'en face. Saut mal calculé. Le félin se hissa tant bien que mal sur la gouttière, qui crissa horriblement. Il sursauta et sauta dans le trou entre la gouttière et la corniche.

Voilà comment Kei s'était retrouvé coincé. Impossible de se transformer en humain, soit il ferait tout craquer, soit il se casserait quelque chose en se retrouvant coincé -encore plus cela s'entend. Le félin feula. Soudain, il sentit une présence. Oh non. Une folle marchait sur la corniche. Avec tout le bon équilibre du monde, c'était du suicide. Les bâtiments n'étaient vraiment pas en bon état, un bout avait vite fini de s'effriter. Il miaula. Pour éviter qu'elle tombe, ce qui annihilerait toutes ses chances de sortir d'ici. Surtout que le temps se faisait à la pluie, brrr!
Elle le remarqua. Il miaula encore "Ne marche pas tout le long sur la corniche idiote ! Tu ne dois pas mourir avant de m'avoir sauvé !". Mais rien n'y fit.

«- Bah alors, on a été tenté par un nid d’oisillons… »

Non mais... Non ! La jeune fille tenta de l'attrapper, ce qui réussit au bout de quelques tentatives. Kei commença à prier les dieux lorsque... La-dite jeune fille glissa. Non. Non ! A peine sauvé qu'il fallait déjà qu'il meure... Mais il avait été suffisamment dégagé pour réussir à se transformer en humain. Par une pirouette qu'il aurait pu qualifier d'impossible s'il l'avait simplement vue, il attrapa le poignet de la jeune fille avant de s'accrocher avec la main gauche au rebord friable du toit.

«- Bon sang ! »

Il fallait donc agir vite. Sans aucun ménagement pour la fille, il profita qu'ils étaient encore tous les deux en mouvement pour faire un geste de balancier avec cette dernière comme poids.

«- Dès qu't'es assez près, attrape le rebord et grouille-toi de remonter. »

En même temps qu'il balançait la fille de gauche à droite, il tira sur son bras gauche pour se remonter, faisant appel à ses dernières ressources musculaires. Son torse se retrouva soudainement à plat sur la corniche, il était à moitié sauvé. Il balança une dernière fois la fille. Maintenant, si elle s'accrochait pas, il tiendrait plus.

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L’humain, le vide, la chute, le chat. Ou alors était-ce dans l’autre sens ? Le chat à sauver, le vide qui l’aspire, la chute qui l’entraîne vers le sol et l’humain -anciennement le chat- qui apparaît comme par magie pour la rattraper in extremis. N’y avait-il pas un truc qui clochait ?

Là qu’elle pendouillait dans le vide, Sasha devait afficher un visage hébété face à celui qui la retenait. Qu’est-ce qui venait de se passer ? Ce fut sa voix masculine qui la sortit de son étourdissement.

«- Dès qu't'es assez près, attrape le rebord et grouille-toi de remonter. »

Comme un électrochoc, elle s’exécuta rapidement une fois que le balancement fut à son avantage. Un petit sursaut, il la relâcha pile à temps pour qu’elle s’accroche à la corniche et d’un second bond, les deux acrobates atterrirent sur le toit.

Sasha se laissa glisser contre le muret, le cœur battant à tout rompre. Immédiatement, les secondes qui avaient précédées défilèrent dans sa tête. Son regard de biais se porta sur le jeune homme blond, transperçant. Une multitude de questions fusèrent dans son esprit. Qu’est-ce que c’était ? Comment tu as fait ça ? Qui tu es ? Comment tu t’es retrouvé coincé là ? En somme… C’était quoi ce délire ?!
Ah ! Minute papillon. Il fallait bien admettre qu’elle avait vu bien pire par le passé et qu’aujourd’hui, elle était élève dans une école remplie de gens aux capacités bizarres et qui se plaisaient à s’appeler héros. Alors pourquoi pas une transformation en chat ? Ou alors était-ce une transformation en humain ? À cette idée saugrenue, Sasha détourna son visage.

- Je suppose que je dois dire merci…

Elle souffla enfin. Mais au lieu de poser ses satanées questions qui lui trottaient dans la tête, l’épéiste se contenta de lâcher une petite pique.

- Alors… Ça t'arrive souvent de te retrouver coincé derrière une gouttière ?

À cet instant, l’idée de le caresser sous le menton pour voir si il ronronnerait germa. La jeune femme étouffa un rire moqueur. Il n’avait pas l’air bien dangereux. Après tout avec un chat, au pire, on ne récolte que quelques griffures. Et jusqu’à aujourd’hui, elle n’avait jamais eu de soucis avec les animaux. En revanche, avec les humains, c’était une autre histoire. Donc cette fois-ci, aucune prédiction n’était possible pour la suite des événements. Mais si elle avait su, elle aurait amené une boîte de thon avec elle…

Kei se hissa totalement sur le toit et retomba sur ses fesses, pantelant. Il se pencha légèrement vers l'arrière pour s'appuyer sur ses mains et tenta de reprendre son souffle. Il grimaça. Ses muscles des bras le lançaient affreusement, il avait fait un effort trop brusque.
Il coula un regard à la jeune fille qui avait causé sauvetage et perte dans un même temps. Elle semblait jeune, peut-être un âge approchant le sien. Elle avait de courts cheveux foncés et de grands yeux gris bleu. Et Kei n'eut aucun doute à penser qu'elle devait posséder une certaine force, voire pratiquer un sport de combat. Ça se sentait dans sa posture, malgré qu'elle se soit avachie contre le muret en face.
Elle tourna les yeux vers lui et le détailla. Le garçon ne détourna pas le regard, il n'était aucunement gêné de se faire prendre en train d'observer. Après tout, il avait bien le droit de regarder à qui il avait à faire. Il se sentait très rarement gêné, d'ailleurs. S'il faisait quelque chose, c'était pour une bonne raison, alors il ne voyait pas vraiment pourquoi il devait avoir honte d'un comportement qu'il adoptait.

«- Je suppose que je dois dire merci… »

La jeune fille ne l'avait pas regardé. Kei plissa légèrement les yeux. Il ricana et parla avec un sourire joueur.

«- Moi j'hésite encore à te remercier pour m'avoir sauvé ou te rabrouer parce que tu as failli me tuer... »

Il rigola à son propre trait d'humour. En fait, il hésitait vraiment. Mais bon, le fait d'avoir failli la tuer partait d'une bonne intention, celle de sauver le mignon petit chat coincé dans la gouttière. Donc, il opta plutôt pour la première solution.

«- Enfin, merci quand même. Et on dira qu'on est quittes. »

Il la regarda, les yeux rieurs.

«- Alors… Ça t'arrive souvent de te retrouver coincé derrière une gouttière ? »

Ses yeux rirent un peu moins, et se plissèrent. Il ne s'était pas vraiment retrouvé dans une position fort glorieuse, et, malheureusement pour lui, Kei était quelqu'un de plutôt fier. Dans son cas, ce n'était pas fier comme un paon, mais fier comme un chat. Il grommela et regarda ailleurs, pris en faute.

«- Mmh, mauvaise manoeuvre... Et toi, ça t'arrive souvent de te promener sur des corniches tout à fait instables sans savoir garder ton équilibre? »

Il lui fit un petit sourire félin -vous savez, celui un peu ironique, un peu sincère- et pencha la tête sur le côté, content de sa répartie. Il n'était pas vraiment en colère. C'est juste que son agilité de félin lui avait fait défaut, et qu'il n'avait pas vraimeeent envie de le reconnaître.

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Un tantinet insolent le matou ! Sasha reporta son attention sur lui et le fixa sans vergogne. Le regard rougeoyant de l’individu qui lui faisait face était empli de malice. Il semblait à l’aise avec le sarcasme.

- J’ai un très bon équilibre. C’est juste une addition de petites choses qui a tout mis en branle. Et puis ce n’est pas drôle de déambuler sur une corniche si il n’y a aucun risque de chute. Je suis sûre que ça te parle, ce genre de sensations…

Elle laissa sa phrase comme suspendue dans l’air et en profita pour glisser vers lui, peut-être un peu trop près. Mais elle ne pouvait pas résister bien longtemps. Elle ne l’avait pas quitté des yeux, mais la jeune femme se faisait peut-être trop envahissante sous l’élan de la curiosité.

- Comment c’est d’être un chat ? Tu en gardes des « séquelles » quand tu redeviens humain ? Tu peux te transformer en autre chose qu’en chat ? Non pas que…

Sasha se stoppa finalement, se rendant compte de son regain d’intérêt pouvait être déplacé. Elle se rassit en style seiza, bien droite bien que tout de même un peu gênée.

- Désolée pour l’interrogatoire. C’était déplacé. Mais se transformer en chat…
Elle laissa courir sa réflexion.
- À part jouir d’une discrétion et d’une certaine liberté de mouvement, ce n’est pas ce qu’il y a de plus… Comment dire… Inquiétant. Et c’est sans compter sur ce que ça provoque chez les autres de croiser un chat. Soit on les a en horreur, soit on n’a qu’une envie, les câliner !

Sa voix s’était faite plus claire et plus badine sur la fin de la phrase… Trahissant presque qu’elle faisait partie de la seconde catégorie. Là, elle détourna le visage, feignant de passer à autre chose. Son regard se fixa dans le vide.

- Enfin, ça ne doit pas être facile tous les jours une vie de petit chat. On se coince dans des endroits improbables, incapables de s’en sortir tout seul. Et quand il pleut, ça doit être l’enfer.

Elle avait sorti ça comme un cheveu sur la soupe. Pas que la goutte d’eau qu’elle venait de sentir sur sa main y soit pour quelque chose. Non pas du tout. Et puis elle n’avait pas utilisé le sarcasme comme pour remettre de la distance. Non, bien sûr que non, ça serait trop puéril comme comportement…

Kei pouffa aux paroles de la jeune fille. Une "addition de petites choses". Il était compris dedans, peut-être...? La maligne. Mais il approuvait totalement la suite. C'était tellement grisant de ne pas toujours être assuré. Mais les chats avaient cet avantage d'avoir un très bon équilibre...
La fille se rapprocha soudainement de lui, le faisant se raidir et se déplacer de quelques millimètres. Il n'aimait pas trop qu'on s'approche trop vite de lui, surtout les inconnus. Ça en résultait toujours par un léger mouvement de recul -il n'était pas peureux, non plus- ou, dans le pire des cas, un fabuleux coup de griffes. Elle commença à lui poser des questions sur sa condition de chat. Non mais, quelle curiosité ! Il la laissa parler, sans répondre. Il haussa un sourcil lorsqu'elle s'assit en seiza. Bingo ! il avait bien deviné pour le sport de combat. Il se souvint qu'on avait vaguement essayé de l'obliger à s'asseoir de la sorte lors de ses cours de kendo. Les malheureux, s'ils avaient cru qu'ils pourraient l'obliger à faire quelque chose...
La jeune fille continua sa réflexion, Kei s'en amusa. Il se détendit un peu en l'observant parler, laissant un petit sourire s'échapper lorsqu'elle parla de "câlins". Elle sembla un peu gênée après ça. Une fan de chats? Mignon. Son sarcasme final lui plut un peu moins. Il n'en voyait pas vraiment l'utilité. Il poussa un petit soupir amusé.

«- Je vais quand même pas laisser ce petit monologue sans réponse... »

Il sourit, joueur.

«- Être inquiétant est pas trop trop mon but t'vois. Être un chat c'est le bonheur total, c'tout ce qui compte. Et... Figure toi que les griffes d'un chat en colère peuvent faire vraiment mal. »

Il la gratifia d'un petit clin d'oeil. Il hésita ensuite à parler du reste. Après tout, il ne la connaissait pas, peut-être allait-elle finir par se retourner contre lui... Le directeur avait été plutôt inquiétant quant au fait que le meurtrier qui avait sévi pouvait être n'importe qui. Kei n'en était pas vraiment inquiet, mais bon, il n'avait pas trop envie de mourir bêtement parce qu'il avait la langue trop pendue. Il lui sourit de toutes ses dents.

«- Et j'sais pas si ce sont des séquelles, mais j'adooooore les câlins ! »

Il insista sur le mot "câlins", voir si elle réagirait. Après tout, quel fan de chat résistait aux chats?

«- Et pour les inconvénients... J't'ai dit, erreur de parcours. J'ai été surpris, j'me coince jamais nulle part. Et un chat mouillé n'est pas un chat faible. Il a juste l'air... Mh... Mouillé. »

Il avait presque terminé sa tirade en boudant. Non, bien sûr que non il ne se coinçait jamais nulle part ! Tch, ça lui rappelait qu'il avait mal calculé son coup et... bref. Il pencha son corps en avant et courba le dos, avant de sentir une goutte sur sa nuque. Un frisson lui parcourut l'échine. Ah, pas maintenant. Il leva la tête et foudroya le ciel du regard. Il rabattit sa capuche sur sa tête, frustré, et pria pour que ce ne soit qu'une légère bruine. Il n'avait pas envie d'entrer dans un bâtiment, rester dehors était son souhait du jour. Il grommela.

«- Enfin, c'pas comme si j'étais fan de pluie non plus... »

Il la fixa de ses yeux carmin, essayant de deviner ce qui pouvait être particulier chez la fille. Mais bon, comme ce n'était pas non plus le plus bavard de tous les félins, il passa ses théories sous silence et continua juste de fixer l'inconnue. Il était sûr qu'avec lui, il ne fallait pas être facilement mal à l'aise.

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Sasha se crispa lorsqu’il parla de ses pseudos séquelles. La fameuse tentation quand on fait face à une boule de poils toutes douces et toutes mignonnes…

- Comme si j’allais câliner un humain de la même façon que je câline un chat ?!

Quand on a l’imagination un peu trop fertile, ce genre de choses sort souvent tout seul et on en prend conscience qu’après coup. Honteuse, le visage de la jeune femme s’empourpra tout en affichant une mine boudeuse. Joli mélange qu’elle l’empêcherait de voir plus longtemps. En effet, Sasha tira sur sa capuche comme pour lui recouvrir tout le visage… Chose impossible certes, mais ça lui fit au moins baisser la tête pour quelques secondes.

Elle se racla la gorge et relâcha son emprise tout en laissant échapper un soupire. C’que ça pouvait être stressant de côtoyer autrui. Depuis qu’elle était arrivée en ville, Sasha se sentait à fleur de peau et sans repère, même si il valait mieux ça que ses anciens repères un peu trop sanglant. Sa vie d’avant et celle qu’elle menait aujourd’hui étant diamétralement opposées, la confusion était normale. Si au moins, elle pouvait compter sur elle-même… Mais il s’avérait parfois qu’elle réagisse sans préméditation, sous l’impulsion et le sentiment du moment. Était-elle comme ça avant ? Elle n’y avait jamais prêté attention, parce qu’il le fallait certainement pour survivre. Mais aujourd’hui, il n’y avait plus vraiment rien de tel en jeu, alors pourquoi toutes ses ressentis semblaient si exacerbés ?

Bref. Pour noyer le poisson, faire comme si elle suivait la conversation, alors que l’inconnu n’avait pas daigné répondre à toutes ses questions, Sasha répondit par l’affirmative.

- Qui aimerait la pluie lorsqu’on a qu’une seule envie, être dehors au lieu d’être enfermé…

Elle ne faisait même pas attention aux prunelles pourpres qui observaient chacune de ses réactions. Sasha leva même le visage vers le ciel lorsqu’elle termina sa phrase. Puis, comme pour balayer des pensées inutiles, elle se releva rapidement, remettant en place nonchalamment ses vêtements.

- Bon je dois y aller.

Elle l’avait annoncé haut et fort comme si ça avait de l’intérêt. Et pourtant, au même moment, des trombes d’eau leur tombèrent dessus, réduisant à néant toute volonté. Un éclair déchira même le ciel. Et s’il y avait eu un petit espoir de rester au sec, là maintenant, c’était fichu. Et dire qu’elle n’avait même pas un parapluie sur elle. Il y avait de quoi attraper la mort si ils restaient sous un pareil déluge.
Toutefois, trempé pour trempé, ça importait peu maintenant. Et puis, elle avait tout de même une livraison à terminer. Rien d’urgent puisqu’elle avait pris l’habitude de se garder une marge au cas où elle se perde. Mais autant s’en débarrasser.

Sasha récupéra ses affaires et se dirigea vers l’escalier en fer qui l’avait mené jusqu’ici. Elle aurait pu passer par l’immeuble, l’accès était juste là, sur ce toit. Mais elle n’avait pas prêté attention à ce détail. Non, elle allait repasser par l’escalier branlant de tout à l’heure.
L’orage gronda de plus belle, la foudre traversa à nouveau le ciel bleu électrique et la pluie se fit plus persistante. Sasha se retourna au même instant pour le saluer.

- À plu…

La jeune fille sembla s'offusquer.

«- Comme si j’allais câliner un humain de la même façon que je câline un chat ?! »

Kei pencha la tête sur le côté, déçu. Lui, il aimait vraiment bien. Même s'il n'avait aucune confiance en la jeune fille, la perspective qu'elle ait pu le câliner avait été envisagée. Il haussa un sourcil en la voyant rougir. Quoi ? Son second sourcil se releva lorsqu'il percuta. Oh, non... Elle n'avait pas pensé à ça quand même ? Cela le fit rire. Les gens et leur imagination... Il en avait déjà croisé des comme ça. Ceux qui voient le mal et la perversion partout. Ils étaient marrant à prendre la mouche pour n'importe quel petit geste déplacé.

«- Qui aimerait la pluie lorsqu’on a qu’une seule envie, être dehors au lieu d’être enfermé… »

Kei fit un sourire en coin. Elle l'avait tellement cerné. Peut-être était-elle comme lui ? Contente de la perspective de liberté qu'offrait l'extérieur ? Elle lui annonça qu'elle devait partir, les yeux tournés vers le ciel. Le jeune homme suivit son regard, les prunelles vides de sentiments, lorsque des trombes d'eaux se déversèrent, accompagnées d'un éclair et d'un magistral coup de tonnerre. Kei bondit sur ses pieds en même temps que la jeune fille rassemblait ses affaires. Il jeta un regard effrayé au ciel. Il ne l'avait pas remarqué s'assombrir. Il avait été trop amusé de répondre à la jeune fille, et il n'avait pas vu que l'orage se profilait !

Tétanisé, il ne fit absolument plus attention à la fille. Ses iris rouges faisaient de petits mouvements saccadés entre chaque nuage présent dans le ciel, à la recherche d'un potentiel nouvel éclair. Les battements de son coeur s'accélérèrent et sa respiration devint erratique. Non non non non non non non ! Sa peur de l'orage était déraisonnée. Comme toute phobie, d'ailleurs. Il ne se souvenait plus s'il l'avait déjà avant de pouvoir se transformer en chat. Elle était là, c'était tout.
Un second éclair traversa le ciel et il sursauta de plus belle, totalement affolé. Il plaqua ses mains sur ses oreilles et baissa le regard sur la jeune fille, qui venait de se retourner. Il la fixa, les yeux plus ouverts que jamais sous l'émotion terrible qui lui tordait les entrailles. Son air la coupa dans ses paroles d'adieu. Il se fichait qu'elle le voit comme ça, il se fichait de sa fierté, il se fichait même de qui il était. Il voulait que l'orage s'arrête, qu'il s'arrête, qu'il s'arrête ! Il voulait même aller se cacher sous n'importe quoi, n'importe quoi aurait fait l'affaire, vraiment n'importe quoi ! Mais ses jambes refusaient de bouger, comme n'importe quel autre partie de son corps, il était bloqué, figé, glacé, pétrifié, paralysé. Seules ses lèvres articulèrent un inaudible « S'il te plaît, non » à l'attention de la fille. Il pressa un peu plus les mains sur ses oreilles. Elle devait le sortir de là, le rentrer dans un endroit où il ne verrait plus ni n'entendrait cet affreux roulement qui résonnait au plus profond de son âme, son corps, et qui lui donnait la plus grande des envies de laisser s'échapper les larmes qui commençaient à perler au coin de ses yeux.

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Il lui fallut quelques secondes pour comprendre ce qui se passait. Et ce fut lorsque la foudre traversa à nouveau les nuages que cela fit tilt dans son esprit. Il était terrorisé par l’orage. On aurait dit qu’il souffrait le martyr. Même elle pouvait le sentir.
S’il s’était retransformé en chat, les choses auraient été plus simples. Mais il semblait tétanisé. Le porter ? Reprendre l’escalier ? Trouver un refuge ? Impossible. Trop long. Alors que les options chahutaient son esprit, c’est quand elle vit le corps de l’homme-chat se contracter sous la tension qu’elle repéra derrière lui l’accès à l’immeuble. Le refuge était là, sous leurs yeux depuis le début.
Elle s’y précipita et fit face un mur. C’était verrouillé. Tch. Agitée, Sasha se mit en quête… Son regard en alerte parcourait le toit. Elle ne pouvait que compter sur la chance pour trouver un débris ou n’importe quoi d’autre. N’importe quoi ferait l’affaire !
Ses prunelles se stoppèrent sur un bout de taule dont elle s’empara immédiatement. Le temps de revenir sur la porte, Sasha s’était forgée un katana tout de gris métallique. Puis d’un seul geste, elle fendit la porte en deux dans son oblique. La longue lame disparut au profit de sa forme originelle à l’instant même où l’épéiste lâcha prise pour se diriger vers son inconnu.

Au début, hésitante. Craignant d’attiser sa peur plus qu’autre chose, la jeune femme n’osait pas le toucher. Mais elle avait beau lui répéter de venir, de rentrer à l’intérieur. C’était comme si ses mots ne lui parvenaient pas. Entre impatience et inquiétude, Sasha le chopa par les épaules, le forçant à la suivre. Et même si il lui avait semblait qu’il était un petit peu plus grand qu’elle, à présent ce n’était plus le cas. Mais ça ne voulait pas dire qu’il était léger. Non, elle dû le tirer brusquement pour qu’il se déplace. C’était contradictoire, mais en même temps tellement parlant lorsqu’il s’agit d’une phobie... Vouloir fuir cette peur et en être incapable puisqu’elle nous paralyse…

- Allez ! Viens ! Tu vas être à l’abri. Tu n’auras plus rien à craindre.

Sa voix se voulut plus forte que l’orage.
Non sans mal, elle parvint à l’entrainer jusqu’à ce qui semblait être une cage d’escalier. Dans l’urgence, dans l’agitation, Sasha avait fini par l’attraper par le cou et maintenant, elle se laissa choir contre un mur avec ce foutu chat mouillé dans les bras.

- Tu vois. C’est fini. Tu es au sec. L’orage ne peut pas nous atteindre.

Pourtant, il était encore bien présent. La lumière presque bleutée entrait par la porte. Et le grondement du ciel rugissait encore. Le jeune homme se crispa encore. Sasha baissa à nouveau sa capuche sur son visage comme elle avait fait juste avant, puis plaqua sa tête contre sa poitrine, ses mains se joignant à la sienne pour se plaquer contre son oreille.

- Désolée. Je ne peux pas faire plus. Essaye de penser à autre chose. Concentre-toi sur autre chose.

HRP : et dire que l'orage gronde vraiment par chez moi ^^'

Kei évoluait dans un monde différent. Tout n'était que lumière vive et grondements de tonnerre. Le reste n'existait plus. Il vivait maintenant en fonction des éclairs qui déchiraient le ciel et du bruit affreux que cela occasionnait. Chaque flash de lumière, chaque bruit le faisait se crisper un peu plus, jusqu'à en avoir des crampes dans les épaules.
Il essayait de suivre la jeune fille des yeux, de se concentrer sur autre chose que le déluge qui lui faisait perdre absolument tous ses moyens. Il ne faisait pas vraiment attention à ce quelle faisait, mais tentait toute de même de ne pas suivre les mouvements du ciel en colère, mais plutôt les siens, précipités. Visiblement, elle voulait l'aider. Le chat se surpris à prier pour qu'elle réussisse à le cacher de... Ça. C'est donc à peine s'il se rendit compte du "tour" qu'elle réalisa avec un bout de taule qui trainait par là. Il ne se dit absolument pas qu'un bout de taule ne pouvait pas soudainement ressembler à un katana et trancher une porte de tout son long. Le mot "impossible" ne résonna même pas dans son esprit. Rien ne résonnait d'autre que les rugissements du tonnerre.
C'est donc normalement qu'il n'entendit pas la jeune fille l'appeler vers elle. Certes, il voyait bien ses lèvres bouger. Il voyait bien que s'il allait là-bas, il serait à l'abri. Mais s'il bougeait et qu'il se faisait frapper par la foudre entre temps? Non, bouger était une trop mauvaise solution. Elle finit par se lasser de l'appeler et lui empoigna les épaules pour le tirer vers la porte. Il lui en fut reconnaissant. Parce que malgré sa peur de se faire rôtir sur place, la petite voix de la raison -qui se taisait à chaque épisode orageux- lui soufflait qu'il serait plus à l'abri là-bas.

«- Allez ! Viens ! Tu vas être à l’abri. Tu n’auras plus rien à craindre. »

Sa voix lui parvint comme à travers un filtre cotonneux, il la reconnu à peine. S'il avait pu, il lui aurait rétorqué qu'il n'avait pas "rien à craindre". C'était faux. Et même si c'était vrai, ça ne suffisait vraiment pas à le sortir de sa torpeur. Elle ne savait rien, rien, rien.
Il se sentit glisser sur le sol dans le bras de la jeune fille. Ici, il sentait qu'il avait un toit sur la tête, c'était un peu mieux. Mais lorsqu'un nouvel éclair illumina la cage d'escalier dans laquelle ils avaient trouvé refuge, son corps se tendit de plus belle. Le fait d'avoir quelque chose au dessus du crâne n'aidait que très partiellement, ses tremblements n'en cessèrent d'ailleurs pas du tout.
Les paroles de réconfort lui parvenaient à peine. De l'eau goutta de ses mèches dorées dans ses yeux, qu'il ferma fort. Il sentit qu'on lui rabattait sa capuche sur la tête et qu'une main venait appuyer avec la sienne sur son oreille gauche. Sa main droite quitta son autre oreille pour venir serrer la fille. Rien à cirer de sa réaction, il voulait juste ne pas se sentir seul. Kei avait déjà remarqué que si la présence d'autrui ne l'aidait pas à vaincre sa peur, passer un orage accompagné de quelqu'un était un peu plus rassurant.

Les flashs de lumière finirent par s'espacer -après un temps bien trop long pour le garçon-, mais sans disparaître. La crispation de Kei disparu légèrement. Il continuait néanmoins à serrer son oreille d'un côté et la jeune fille de l'autre, pas prêt du tout à quitter sa position. Il constata qu'il était tout de même apte à parler.

«- Merci, merci, merci. Pardon, pardon. Merci. »

Bon. La tentative d'émettre des sons distincts était... Disons à moitié réussie.
Après deux longues minutes sans éclair, Kei se recula légèrement, le regard tourné derrière lui à la recherche d'un nouvel éclat lumineux. Il constata avec soulagement que rien ne vint, outre un grondement lointain qui le fit trembler et tourner la tête violemment vers la jeune fille, pour ne plus observer ce ciel traître. Sa main gauche descendit lentement de son oreille, mais il resta accroché à la fille comme à une bouée de sauvetage, au cas où le temps déciderait de faire une rechute. Il la regarda, ses yeux ayant repris une taille plus ou moins normale.

«- Hm. Merci. Je... Je sais pas comment j'aurais f-fait sans toi, réellement. Cette fois-ci je l'ai... Pas du tout senti... Venir. »

Elle l'avait réellement sauvé. Le sauver de l'orage c'était lui sauver la vie. Il mit toute la reconnaissance possible dans son regard où flottait encore une lueur de peur -et un peu de honte. Il n'en revenait pas de s'être encore montré si faible devant quelqu'un d'autre. Sa foutue fierté et cette phobie qui pouvait se déclencher à tout moment ne faisaient pas du tout bon ménage ensemble.

«- Je... t'en dois une. Et j'y tiens. »

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