Hier encore, une vie bien pâle.
Hier encore, pas grands-choses.
Et aujourd'hui, un monde.
Aujourd'hui, une balançoire.

Il avait un cœur tendre, peut-être trop. Un petit peu timide, pas très doué, il n'était pas vraiment aidé. Pourtant, il l'avait vu. Il l'avait remarqué. Au départ, il ne faisait que passer, juste pour rentrer chez lui, et il était là, à l'observer. Elle qui était assise sur cette pauvre balançoire qui grinçait bien trop souvent ces derniers temps. Elle qui semblait si triste avec son pauvre visage sans sourire. Pourtant, il ne la connaissait pas. Mais son expression si démoralisée lui brisait le cœur. Il ne la connaissait pas et malgré ça, il s'inquiétait pour elle. Sans savoir pourquoi, sans savoir comment. Il avait un cœur un peu trop tendre, sûrement. Il avait trop de sentiments dits humains. De la pitié ? Non, ce n'était pas ça.

Et il ne savait pas ce que c'était.
Il n'en avait pas la moindre idée.

Il ne pouvait pas s'empêcher de l'observer, de loin. Il l'observait observer des personnes. Quel âge avait-elle ? Il n'en avait aucune idée. Où étaient ses parents ? Il n'en savait rien. Et ses questions se posaient dans sa tête sans qu'il s'en aperçoive vraiment. Pourquoi s'inquiéterait-il d'une enfant inconnue ? Car elle semblait triste, simplement.

Il avait l'impression de se voir un peu en elle.
Se voir rejeté, comme avant.

Cette petite lui donnait l'impression d'être lui, plus jeune, en fille. Parce qu'elle était seule, sans personne pour allait la voir. Tout comme lui à l'époque. Ce n'était peut-être pas les mêmes raisons, mais cela n'empêchait pas qu'il était autrefois dans la même situation qu'elle. Alors, il avait juste fait un pas dans sa direction. Un peu hésitant, ne sachant pas trop si c'était une bonne idée. Il ne passa pas des heures à y réfléchir, loin de là. Il continua de s'approcher d'elle pour se retrouver devant son dos. Elle semblait si fragile, comme si elle pouvait être brisée avec de doigts. Encore une fois, ce fut peut-être pour cette raison qu'il hésita à mettre sa main sur l'épaule de la plus jeune. Ce fut peut-être aussi pour cela qu'il la retira presque aussitôt. De peur de la réaction, peur de la voir fuir, très loin, sans qu'il ne puisse l'aider.

Il sait qu'il doit dire quelque chose. Il le sait car c'est ce qu'il aurait aimé qu'on fasse s'il était à sa place. Et il s'y voyait, sur cette balançoire. Il s'y voyait comme si c'était hier. Pourtant, cette période datait d'il y a si longtemps. Il s'en était sorti, lui. En trichant. Il avait utilisé son pouvoir pour se faire accepter, pour survivre dans cette jungle que l'on nomme Vie. Et maintenant, il en était là, à tenter de parler à une enfant sans la faire courir très loin.

« Hey … »

C'est tout ce qui sortit de sa bouche. Il est hésitant. Il n'a jamais était doué avec les autres, même s'il aime la compagnie. Il n'est pas méchant, loin de là. Le seul problème, c'est qu'il n'est pas vraiment doué pour nouer des relations. De peur de se faire rejeter, encore. Il pourrait utiliser son pouvoir, comme il le fait bien souvent, mais, il ne sait pas pourquoi, il n'en a pas envie. Pas avec elle. Il pourrait la rendre joyeuse rien qu'en effleurant sa main ou ses cheveux, mais à la place, quelque chose au fond de lui tente de lui faire comprendre qu'il n'en a pas besoin. Pas avec elle.

Ce n'est qu'une enfant après tout. Il le sait bien, il s'en doute. Et comme tous les enfants, elle doit être bien plus adorable quand elle sourit. Un vrai sourire, pas un qu'on aura forcé. Quelque chose qui vient du cœur, quelque chose qui vient de l'âme. Pas quelque chose de lui, mais quelque chose qu'il pourra peut-être produire chez elle à force de temps. Il n'y pense pas, mais il sait qu'il se doit de lui parler. C'est un sentiment qu'il ressent, après tout, ce n'est pas un simple mot qui pourra aider cette fille à aller mieux. Alors, il tente de se donner du courage comme il en donne aux autres. S'il y arrive avec autrui, il peut le faire avec soi-même. Peut-être est-ce cette idée qu'il s'était mis en tête qui fonctionna, mais il réussit à dire une phrase. Une pauvre phrase qui, pourtant, semblait importante aux yeux du blond.

« Ça ne va pas ? »

Il voulait savoir. Savoir pour comprendre et aider. Il voulait comprendre pour tenter de la faire sourire.
Car oui, Kurt, un misérable voleur, voulait aider une fille à qu'il n'avait jamais parlé.

Il y avait quelque chose d'étrange dans l'air, dans les dires de la petite brune. Le timbre de sa voix, peut-être, car il semblait bien calme pour une fille de cet âge. Cela n'empêcha pas pour autant le blond d'allait s’asseoir à la balançoire à côté comme elle lui avait proposé. Il avait remarqué les yeux bleus de l'enfant, des yeux de la même couleur que les siens. Il ne pouvait pas s'empêcher de la regarder silencieusement, elle qui semblait si triste. Elle qui faisait rouler des larmes le long de sa joue. À croire que les larmes qui coulaient le long de sa joue étaient comme la pluie tombant du ciel. Tout les deux de l'eau sortant d'une zone bleue.

Il l'écoute. Il l'écoute tel un psychologue prêt à aider ses patients. Pourtant, ce n'est pas son rôle. Mais il s'en fiche. Pour une fois, il fait quelque chose de bien. Il aide autrui. Il ne vole pas. Rien qu'aujourd'hui, rien que pour cet instant, il veut oublier sa fichue manie de voler n'importe qui et quoi pour aider cette enfant qui lui parle, qui lui raconte son histoire. L'histoire de sa tristesse.

Et ses mots sortent de sa bouche comme des oiseaux que l'ont libère.
Et ses mots coulent de flots.

La pauvre semble si triste de cette perte. Et il ne peut pas comprendre. Il ne sait pas ce que ça fait, d'avoir une jolie peluche dans ses mains. Il n'a jamais su. Sa seule peluche, c'était son pouce. Forcément, il n'avait pas perdu son pouce. Pas encore en tout cas. Alors, il avait du mal à se mettre dans la peau d'une enfant qui avait perdu un objet qui semblait précieux. Une chose était néanmoins sûre, elle mentait quand elle disait qu'elle était assez forte pour faire face à ça, car les larmes, elles, ne mentent pas. Ce fut peut-être pour ça qu'il ne répondit pas directement au : « Vous en revanche, ça n'a pas l'air d'aller fort. » et qu'il préféra retourner au sujet de conversation initial.

« Qu'est-ce qui lui est arrivée, à ta tortue ? »

Il penche la tête un peu avant pour voir le visage de la brune quand elle lui répondra, bougeant ses jambes sur le sol pour faire bouger doucement la planche sur la quelle il est assis. De ce point de vue, rien ne change, hormis qu'il est désormais à sa taille. Mais rien n'est vraiment différent. Il voit toujours ces joues humides et ces pupilles qui semblent être des fontaines que l'on ferme. Il soupire. Il ne peut pas éviter ses questions car elle répond aux siennes. C'est plus fort que lui, le visage de cette adorable petite enfant est comme un « moyen de le faire parler », comme lors d'un interrogatoire. D'ailleurs, il ne doute pas que même un véritable tueur craquera devant un tel visage innocent. Quoi que, il devrait peut-être douter, en fait.

« Moi je vais bien. Mieux que toi, en tout cas. » Il sourit en coin. « Au fait, je suis Kurt, si ça peut t'aider à m'en dire plus sur ta tortue de connaître mon nom, pour … Heu, la confiance ? »

Elle va sûrement te trouver bien pitoyable, la pauvre enfant. Parce que bon, ça faisait peut-être un peu pédophile dit comme ça.