À son arrivée dans sa nouvelle ville, Lacey Keynes dû se faire fort débrouillarde. Volant parfois quelques bricoles lorsqu'on refusait de les lui donner malgré un mensonge dramatique sur sa personne ; Officiellement, ses deux parents moururent dans un affreux accident de train, la laissant seule dans la rue ; Lacey ne semblait même plus avoir conscience des conséquences de ses méfaits, au combien ils étaient infimes, comme si sa culpabilité eut été enfermée dans un coffre fermé à double tour.

Tandis qu'une pluie fine s'échouait sur sa chevelure, la petite fille fixait sans détourner le regard un seul instant une villa. Serrée dans la paume de sa main, une pierre épaisse, d'environ 5 à 7 centimètres. Ramassée sur la route quelques instants plus tôt, la poussière devenue humide souillait les mains de Lacey. Elle se rapprocha d'avantage du bâtiment, et jaugea son tir prochain. C'était la première fois qu'elle faisait quelque chose d'aussi criminel ; Mais la jeune fille se prévenait de tout : Ainsi, dans son autre main, un rouleau de scotch. Dans son cerveau d'imbécile, c'était évidemment suffisant pour recoller une fenêtre. L'habitant de cette maison allait être au comble de sa joie.

« À 3. s'annonça t-elle, la main prête à lancer l'objet qu'elle accrochait. 1... 2... 3 ! »

La pierre traversa la fenêtre dans un fracas important, et l'enfant s'en sentit ravie. Ce genre d'action lui donnait la tenace impression qu'elle donnait tous ce qu'elle pouvait pour son rêve, allant même jusqu'à briser les interdits. Le silence se rétablit, et la fillette saisit un pot de fleur vide '' emprunté '' chez un fleuriste. La plante auparavant à son intérieur se dressait de toute sa petitesse dans le parc de la ville.

« Ça, c'est fait. », dit Lacey en regardant la grande ouverture de la fenêtre brisée.

Elle plaça le pot d'argile sous la dite fenêtre et monta dessus, tentant de s'introduire dans l'une des pièces de la maison. Avec quelques difficultés, elle parvint néanmoins à se hisser dans le bâtiment. Elle commença sa fouille, cherchant quelques trucs intéressants. Elle ne vu même pas le temps passer, et en oublia le fait que quelqu'un vivait là en toute légitimité, à son instar. Les bruits de clés gigotant dans la serrure ne tarda pas à lui rappeler cette information qu'elle avait tantôt omise. D'abord dos à l'entrée de la salle, elle tressaillit et se retourna vivement. L'incertitude et la gêne se lisait sur son visage comme si elles étaient inscrites sur sa peau.

« … Marie… ? »

Tout doucement, Lacey descendit ses yeux précédemment posé sur le visage de ce nouvel arrivant, et regardant son corps d'enfant. Ces baskets rapiécés, ce pull froissé et ce jean sali lui appartenait à elle, Lacey Keynes. Elle était beaucoup de chose, mais elle n'était pas Marie.

« Non monsieur. » commença t-elle, la voix tremblante. Son accent de petite allemande s'entendait clairement. Elle baissa d'avantage les yeux, fixant maintenant le sol. Rapidement, elle chercha une solution pour se sortir de là. L'idée lui vint tout de suite. « En fait, je suis un super héros. poursuivit-elle, avec une nouvelle assurance dans le ton. Un vrai de vrai qui combat les méchants au nom de la justice ! »

Des étoiles lui pétillaient dans les yeux.

« Et ces bandits là étaient dans votre maison. Ils... » Ses yeux remontèrent jusqu'à la fenêtre éclatée. « Ils ont brisé la fenêtre, les malheureux. Mais ils étaient super désolés et tout, alors ils ont laissé ce scotch là. » Oui. Ce scotch là. Celui qui est dans ma main. « Faut pas leur en vouloir, ils se sont repentis. » ,termina Lacey, avec toute la crédibilité qu'elle pouvait avoir.

Pour elle, l'heure était venue de partir. Certes, elle rentrait bredouille, mais elle n'était pas peu fière de son aventure. Mais ce n'était pas le genre d'histoire qu'elle allait raconter à tous va.

« Bien. Vous voilà en sécurité. Je dois y aller, jeune civil, le devoir m'appelle ! », lâcha t-elle fièrement, du haut de ses héroïques 1m47.

Et elle fonça vers la porte d'entrée, posa une main sur le mur, un pied à l'extérieur, tapant la pose.

« N'hésitez pas à faire appel à moi. »

Oh yeah. C'est ce qu'on appelle le talent.
Elle rejoint la rue, et traversa la route sans aucune attention. Elle entendit le klaxon bruyant d'une voiture. Lorsqu'elle tourna la tête, elle ne sut voir que le visage horrifié et affolé de son conducteur.

Lorsqu'elle vu la voiture arriver, il était déjà trop tard. Lacey ni n'eut le temps de penser, ni celui de regretter. Et sa vie fut trop courte pour défiler devant ses yeux. La seule pensée capable de traverser son esprit n'allait ni à ses parents, ni à cette personne qu'elle avait tenté de cambrioler: Il était destiné à son rêve de justice et de monde parfait, sans aucune forme de malhonnêteté.

L'impact était prochain.

Même si Lacey avait clos ses yeux, ce n'était pas à interpréter comme un signe de résilience; Elle espérait que le court laps de temps entre sa chute sur le trottoir et l'impact de la voiture lui permettrait de tomber sur le sol et d'éviter de justesse le car.

Ce ne fut guère le cas.

...

Pourtant, il lui sembla être encore en vie. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, sa conception du paradis en fut toute ébranlée. Elle s'imaginait un endroit gigantesque, d'un blanc divin, et illuminé de lumière salvatrice. Alors Dieu - Jésus pour elle, on n'avait évoqué que lui à son égard - devait descendre d'un nuage et lui serrer la main avec un air sympa.

En l’occurrence, là, personne ne conduisait un nuage. Le paradis était une place étroite, oppressante et chaude. Et même morte, Lacey pouvait entendre les bruits, les discutions et les courses des voitures au loin. L'hypothèse que le Paradis était une place silencieuse frappa son esprit. Doucement, elle ouvrit pour comprendre ce qu'il était advenu d'elle.

« Est-ce que tu vas bien ? Pas trop de mal ? »

Lentement, Lacey redressa sa tête pleine de questions. Elle n'était pas sûre de ce qui était vraiment arrivé, mais elle devina assez facilement que ce nouveau personnage l'avait sauvé d'une mort certaine. Et doucement, après que sa tension se soit envolée, les yeux de Lacey furent embués de larmes. 

« Ich glaube ja.¹ »                        


Répondit-elle sans une once de réflexion. La surprise, l'horreur et les regrets faisait que son allemand s'était manifesté tout seul.

Elle posa une main malade sur son front. Dans sa tentative d'évitage de voiture, elle n'avait pu que distinguer qu'une forme rouge foncer sur elle. Et puis, maintenant, ça.

« Ah, ihre Beine !² »


Ses yeux descendirent sur le pantalon à moitié disparu du jeune homme. Elle ne saisissait pas toutes les informations, et la situation lui paraissait bien irréaliste tout d'un coup.

¹(Je crois que oui.)
²(Ah, vos jambes !)

Alors, elle saisit l'information à la vue de la main enflammée de son sauveur. Même s'il s'était empressé de la camoufler ensuite, elle avait remarqué: Ce jeune homme était un super-héros. Elle avait été sauvé par un super-héros. C'était comme dans son imagination, même si les rôles auraient dû s'inverser. Et soudain, elle comprit que la crédibilité de son baratin d'auparavant venait des d'exploser en des millions de petits morceaux. Il savait.

Et pourtant. Même en connaissance de cause, il ne la laissa pas là. Mieux encore : Il allait jusqu'à lui proposer de trouver refuge dans sa maison. Cette même que Lacey avait gentiment tenté de cambrioler.

Sa carrière de super-héros venait d'exploser à son tour, mais en un bon milliards de morceau cette fois. Cette erreur allait briser sa vie et son avenir, puisqu'elle passait dès lors pour une criminelle. Ou du moins, c'était l'unes de ses croyances profondes.

Si elle regrettait sévèrement ses actes, mais n'eut pas le temps de se repentir : Là voilà soulevée du sol. Elle se laissa faire, même si la scène ressemblait d'un coup plus à un kidnapping qu'à un sauvetage. Lorsque le garçon s'apprêta à rentrer chez lui avec elle dans les bras, Lacey leva les yeux. Elle regardait avec une attention nouvelle la façade de la villa. Ce n'était plus une banale résidence : C'était le lieu de vie d'un super-héros, et ça faisait toute la diffèrence.

Dès qu'il la reposa, elle vint faire quelque pas avec une attitude des plus naturelle, touchant à tous ce qui attisait sa curiosité. Elle marchait sur le sol d'un super-héros, regardait ses meubles, posait sa main sur son mur. Ce n'était rien, mais ça signifiait beaucoup pour elle. Peut être que la fugue n'était pas une si terrible idée, finalement.

« Alors, et si on reprenait du début ? Déjà, ou sont tes parents, dis-moi ? »

Oh. La question à ne pas poser.

Lacey vint arrêter tout de suite ses fouilles de passionnée et tourner la tête pour faire face à l'homme. Elle n'imaginait pas sa réaction si elle lui balançait dans la figure qu'elle avait fugué. C'était une idée qui lui paraissait tout sauf intelligente. Mais il fallait une réponse au héros. Le mensonge concernant la mort de ses parents pouvait paraître très gros, lui. Et elle était à court d'idées. Bon sang.

Sans gêne, elle vint s'asseoir sur l'un des fauteuils, près de celui de son interlocuteur. Incapable de rester sans rien faire, elle rongeait ses ongles l'air nerveux.

« Oh, à vrai dire... »

Puis elle remarqua le portable posé juste devant son nez. Là. Tout près.

Lacey Keynes était une sale gosse, c'était un fait tout à fait indéniable. Lacey Keynes avait une conscience, malgré tout. Mais il lui manquait une chose : L'étique morale. Alors, parce que la politesse, c'est pour les nuls, elle vint saisir le portable qui ne lui appartenait même pas et tranquillement lire les messages du jeune homme.

Comme ça. Devant lui. Mais bon, c'était le portable d'un super-héros quand même. Et c'était Lacey Keynes.

« Roxanne Swrank », lit-elle à voix haute.

« " regarder parmi les femmes ou hommes qu'il y a sur cette planète "… Vous êtes gays monsieur ? » Son honnêteté finira par la tuer.

« " Une autre partie dont tu dois te douter "… ? » Elle leva les yeux au ciel, l'air penseur. « Je me demande de quoi elle parle. Elle a une troisième fesse ? Ça doit être dure à vivre, je la plains. » Son innocence aussi.

Et puis, évidemment, le sujet à ne pas attaquer.

« Votre femme est partie en voyage ? Une maison comme ça,  c'est grand pour une seule personne. En fait, je penses qu'il vous faudrait un animal, comme une tortue. Et un éléphant pour combler l'espace. Parce que c'est gros un éléphant. »

Et elle trouva son explication.

« Moi aussi, mes parents m'ont laissé la ville tout entière lorsqu'ils sont partis. »

Dure de savoir si cette gamine était la plus grosse abrutie jamais vu sur terre, une comédienne terrible ou une sorte de génie. Disons qu'elle était un peu des trois.

« Si vous vous sentez seul, je veux bien rester ici. »

Bien entendu, elle et franchise...

Lacey n'opposa pas la moindre résistance lorsque le héros vint doucement lui reprendre son téléphone des mains. Elle était un peu surprise: L'habitude de toutes ces petites attentions s'était dégradée au fur et à mesure de sa croissance. Alors elle sourit, un peu troublée, comme si elle s'excusait à quelqu'un d'une petite bêtise.

Ses mains maintenant vides, elle s'assit correctement sur le fauteuil. Mais, incapable de rester en place plus de quelques secondes, elle chercha du regard une nouvelle occupation. C'est le jeune homme qui vint la sortir de son ennui momentané en lui proposant un jeu.

Encore une chose dont elle n'avait plus l'habitude. Avant de fuguer, c'était en s'imaginant être une super-héroïne – évidemment – qu'elle se divertissait. Ses nombreuses peluches se substituaient en une véritable bande de criminels, Melvin, sa peluche grenouille devenait son plus fidèle acolyte et les bananes de sa cuisine constituaient toutes ses armes super puissante.

Les enfants étaient dotés d'une telle imagination.

« D'accord. »